Al-Ahram Hebdo : Pourquoi la Turquie insiste-t-elle à ne pas retirer ses troupes d’Iraq et opte ainsi pour l’escalade ?
Dr Walid Kazziha : Ankara prétend que ses forces sont déployées dans le cadre d’un accord signé avec Bagdad pour la lutte anti-Daech, mais Bagdad affirme qu’il n’y a aucun accord à ce propos. Personnellement, je pense qu’il n’y a aucun accord bilatéral, autrement, Bagdad ne s’en remettrait pas au Conseil de sécurité de l’Onu. D’ailleurs, le gouvernement iraqien est dominé par les chiites et il est soutenu par l’Iran : il n’est donc pas logique qu’il admette la présence des troupes turques sur son sol, quelle que soit la raison. En fait, la présence des troupes turques en Iraq n’a rien à voir avec la guerre contre le terrorisme : ce n’est qu’une tentative turque de ne pas laisser ses frontières au jeu des Kurdes, principaux ennemis d’Ankara. Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, adopte une politique défensive pour contrer la menace kurde.
— La Turquie attise aussi les tensions avec la Russie. Pourquoi ?
— Avec la Russie, c’est différent. La Turquie ne voulait pas voir une escalade, mais c’est la Russie qui l’a fait, notamment à travers les sanctions économiques. En fait, la Russie a saisi l’occasion de son avion abattu pour donner une leçon à Ankara et limiter son champ d’action en Syrie. En l’accusant de soutenir Daech, Moscou veut discréditer Ankara devant le monde. Cette manoeuvre a mis Erdogan dans une situation critique ou plutôt défensive face à la communauté internationale.
— Quel impact peuvent avoir ces évolutions sur la lutte anti-Daech et la situation en Syrie ?
— Rien de spécial sur la lutte anti-Daech dans l’avenir proche. La guerre contre les djihadistes n’est pas facile. Pour être efficace, il faut des forces terrestres en Syrie, mais aucun pays ne veut entrer en confrontation directe avec Daech, sauf la Russie. En plus, il n’y a pas de réelle coordination entre les différentes parties internationales, et la coalition internationale anti-Daech est incohérente et inefficace. La Russie a peut-être fait des avancées, mais il est toujours difficile d’évaluer exactement où nous en sommes dans cette guerre.
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