Profitant de la faiblesse de l’Iraq, les Etats-Unis et la Turquie ont envoyé des troupes sur le sol iraqien. L’Iraq a ainsi fait état d’un déploiement sur son sol de troupes turques avec des chars et de l’artillerie, sans autorisation. Bien que l’objectif annoncé soit de lutter contre l’Etat Islamique (EI), ces incursions ont été très mal vues par Bagdad. L’Iraq a ainsi sommé la Turquie de retirer ses troupes, prévenant qu’Ankara devrait sinon faire face à toutes les options disponibles. «
L’Iraq va user de son droit au recours à toutes les options disponibles, y compris en faisant appel au Conseil de sécurité », a déclaré, menaçant, le premier ministre, Haïder Al-Abadi, dans un communiqué. Or, dans la pratique, les options de l’Iraq sont principalement diplomatiques, ses forces étant prises par la lutte contre l’EI, alors qu’Ankara dispose d’une armée de loin plus puissante.
En réponse, défendant son pays, son homologue turc, Ahmet Davutoglu, a assuré qu’il n’y aurait pas de nouveau déploiement de forces militaires turques « tant que les préoccupations de l’Iraq ne seraient pas prises en compte ». Une déclaration floue, qui ne précise rien du sort des troupes déjà déployées. Davutoglu s’est contenté de minimiser ce nouveau déploiement, évoquant une rotation normale et une opération de renfort pour faire face à des risques de sécurité. « Nous avons déjà formé et nous allons continuer à former nos frères iraqiens qui combattent Daech à Bashiqa et ailleurs », a-t-il dit.
La Turquie dispose en effet de troupes dans la base de Bashiqa dans la province de Ninive depuis mars dernier pour entraîner des volontaires iraqiens sunnites en vue d’une reconquête de Mossoul, deuxième ville d’Iraq tombée aux mains de l’EI en juin 2014.
Le déploiement turc représente un nouveau défi pour le premier ministre iraqien, qui a durci le ton cette semaine en proclamant que tout envoi de troupes étrangères sur le sol iraqien serait considéré comme un « acte hostile ». Haïdar Al-Abadi avait déclaré que l’Iraq n’avait pas besoin de forces terrestres étrangères, ajoutant que tout déploiement de troupes étrangères nécessitait l’approbation de son gouvernement et ne devait pas empiéter sur la souveraineté nationale iraqienne. Les déclarations de ce dernier ont été lancées après que les Etats-Unis eurent fait savoir cette semaine qu’une nouvelle unité des forces spéciales américaines serait déployée en Iraq pour assister l’armée iraqienne dans sa lutte contre les djihadistes de l’EI. Déjà, environ 3 500 soldats américains conseillent et assistent actuellement l’armée iraqienne. La présence de troupes américaines au sol est un sujet épineux en Iraq, où les Etats-Unis ont mené une guerre de neuf ans largement critiquée.
Aussi, le moment choisi pour les incursions turques après les déclarations russes suscite les interrogations. Dr Ibrahim Abdelkader, analyste au Centre des Etudes Politiques Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram au Caire, y répond : « Tout d’abord, les troupes américaines et turques veulent garder une certaine présence dans les territoires iraqiens pour protéger leurs intérêts. Ankara et Washington veulent prouver qu’ils luttent réellement contre l’EI. Car de nombreux doutes planent à propos de ce sujet, que ce soit sur la Turquie et sur ses relations avec Daech, notamment après les accusations russes concernant le trafic de pétrole, ou sur les Etats-Unis, qui sont soupçonnés de feindre de combattre Daech, alors qu’ils veulent maintenir le conflit et épuiser tous les camps ».
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