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Palestine : Tournant stratégique ou manoeuvre politique ?

Ines Eissa avec agences, Lundi, 05 octobre 2015

Le président palestinien semble vouloir se désengager des accords signés avec Israël. Le doute plane toujours sur ses vraies intentions.

Alors que pour la première fois, le drapeau palestinien rouge, noir, blanc et vert soit hissé mercredi 30 septembre au fron­ton de l’Onu, à New York, le discours de Mahmoud Abbas devant l’Assemblée générale de l’Onu a tranché avec la liesse et l’émo­tion de l’événement. Le président de l’Autorité palestinienne a menacé de ne plus honorer les accords d’Oslo de 1993, si Israël continuait de ne pas les respecter, notamment en poursuivant sa politique de colonisation en Cisjordanie. « Nous déclarons que nous ne pouvons pas continuer à être liés par ces accords et qu’Is­raël doit assumer pleinement toutes ses responsabilités de puis­sance occupante, parce que le statu quo ne peut pas continuer », a-t-il lancé, las, devant l’Assemblée générale de l’Onu. « Un Etat de Palestine attend sa création depuis 67 ans. La question pales­tinienne, l'une des toutes premières dont les Nations-Unies aient eu à traiter, n’est toujours pas résolue », a constaté M. Abbas.

Pourtant, les accords d’Oslo et ceux qui ont suivi stipulaient qu’un Etat palestinien indépendant verrait le jour en 1999, a-t-il souligné. Les Palestiniens ont respecté leurs engagements, pas les Israéliens, qui ne « laissent pas d’autre choix » aux Palestiniens que de s’affranchir des accords existants, selon lui. L’Autorité palestinienne affirme depuis plusieurs années : ces accords ne peuvent pas s’appliquer tant qu’Israël soutiendra les colonies de peuplement en Cisjordanie et refusera de libérer les prisonniers palestiniens.

Les experts relèvent que ces propos ne sont pas très concrets. « Cela peut vouloir dire beaucoup de choses, allant d’une sus­pension purement formelle des accords à un arrêt pur et simple de la coopération sécuritaire, civile et économique », explique à l’AFP l’analyste Jonathan Rynhold.

Selon Dr Amany Al-Tawil, analyste au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, « Mahmoud Abbas n’avait pas d’autre choix. Les Palestiniens ont déjà pré­senté toutes les concessions possibles et la balle est aujourd’hui dans le camp des Israéliens, c’est le message qu’il veut surtout donner ». S’il ne s’agit pas d’une réelle rupture du processus de paix, c’est tout de même une menace réelle. « On ne peut pas encore juger si c’est un pas réel vers la fin d’Oslo ou juste une menace. Cela dit, c’est tout à fait possible. Abbas n’a rien d’autre à faire en ce moment. Avec le blocage du processus de paix et la passivité de la communité internationale, les Palestiniens n’ont plus de choix », estime la politologue.

Or, les risques sont grands. Instaurée par les accords d’Oslo, la coopération sécuritaire passe pour avoir permis de déjouer des dizaines d’attentats anti-israéliens, mais aussi pour oeuvrer à la stabilité de la Cisjordanie. En allant au bout de la rupture, les Palestiniens prendraient le risque non seulement d’une réoc­cupation complète de la Cisjordanie, mais aussi d’une déstabi­lisation du territoire. La direction palestinienne en a annoncé la fin en mars. Mais elle continue.

Si Mahmoud Abbas mettait son ultimatum à exécution, ce serait un tremblement de terre et les conséquences seraient très lourdes. Ira-t-il jusqu’au bout ? « Beaucoup en doutent. La menace de dénoncer les accords d’Oslo est un chiffon rouge agité à plusieurs reprises déjà par les responsables palesti­niens. Mais le ton est cette fois-ci plus catégorique. Que se passerait-il si les accords d’Oslo étaient enterrés ? Est-ce qu’ils sont vraiment prêts à aller aussi loin et à commettre un suicide institutionnel ? J’en doute », ajoute l’expert cité par l’AFP. Côté palestinien, on se montre plus ferme. Moustapha Barghouti, membre de la direction palestinienne, l’a confirmé à l’AFP : « Les accords d’Oslo, c’est terminé, et les autres accords avec Israël aussi. Les dispositions en ce sens seront prises au retour de Mahmoud Abbas de New York », a certifié Ahmad Majdalani, autre dirigeant, sur la radio officielle.

Réaction timide des médiateurs internationaux

Mais personne ne veut cependant prendre la chose au sérieux, du moins pour le moment. « J’ai interprété ces propos comme un scénario qui se réalisera si ... et il y a un « si ». C’est sur ce « si » qu’il faut travailler », a déclaré la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini. Elle venait de participer à une réunion du Quartette (Etats-Unis, Russie, UE, Onu), médiateur, sans grand succès jusqu’alors, du conflit israélo-palestinien. Le Quartette a décidé de « revitaliser ses activités », a annoncé Mme Mogherini comme si M. Abbas avait été entendu.

Elle a évoqué les récentes tensions à Jérusalem autour de l’Es­planade des mosquées et le danger d’un « embrasement drama­tique ». « Israël doit appliquer concrètement les accords exis­tants, mais les Palestiniens doivent aussi reprendre les négocia­tions directes », a affirmé, pour sa part, Mme Mogherini.

Or, M. Abbas, engagé dans une démarche d’internationalisation de la Cause palestinienne, matérialisée depuis mercredi par la présence du drapeau palestinien au siège de l’Onu, a répété qu’il était inutile, à ses yeux, de « perdre son temps en négociations pour le plaisir des négociations ».

Dr Amany conclut : « Il s’agit aussi et surtout d’une pression exercée sur la communauté internationale pour qu’elle se penche à nouveau sur le dossier palestinien. L’Autorité sait qu’elle ne peut plus compter sur les Etats-Unis, en tant que parrains du processus de paix, étant donné que rien ne se fait, elle tente un dernier coup à la recherche de plus d’implication internationale ».

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