Le 3 septembre. C’est la date fixée par l’émissaire de l’Onu pour la Libye, Bernardino Leon, pour la reprise d’une nouvelle session de négociations de paix entre les Libyens, considérée par la communauté internationale comme la dernière. Pourtant, le dernier round de négociations qui vient d’achever ses travaux n’a rien donné. Durant deux semaines à Skhirat, au Maroc, cette session n’a pas réalisé de succès, car le Congrès Général National (CGN) a participé avec une petite délégation qui a refusé de prendre des décisions sans consultations avec les dirigeants en Libye.
Les discussions ont porté sur le mécanisme qui sera adopté lors de l’examen des noms des ministres. « Nous suivrons le mécanisme utilisé par l’Union européenne qui permet à tous de participer à cet examen », a ajouté Leon. Le CGN, réclamant des modifications, avait refusé de ratifier un accord de paix et de réconciliation conclu le 11 juillet dernier après des mois de négociations sous l’égide de l’Onu.
A plusieurs reprises, surtout lors de l’inauguration de cette session, Leon a émis l’espoir que les discussions sur la formation d’un gouvernement d’union et la finalisation des annexes de l’accord de paix seraient achevées dans les deux semaines. Mais pour ce faire, il a appelé les deux principales factions dans le conflit à accomplir leur responsabilité, surtout le CGN, le Parlement non reconnu par la communauté internationale et siégeant à Tripoli, déplorant à l’occasion le grand nombre de migrants morts (73 personnes) et la poursuite des combats dans le pays.
« L’émissaire onusien exerce des pressions, certes. Mais cela ne veut pas dire que la formation d’un gouvernement d’union nationale est une chose facile. Un des points d’achoppement entre les parties en conflit concerne le partage des ministères et des ressources de richesse. Et jusqu’à présent, elles ne sont pas d’accord sur ces questions qui occupent toujours l’essentiel des négociations », explique Dr Ayman Chaaban, professeur à la faculté d’économie et de sciences politiques de l’Université du Caire.
En effet, il existe des divergences de fond. « Tout d’abord, le Conseil national, le parlement basé à Tobrouk et reconnu par la communauté internationale, considère comme terroriste la coalition de milices Fajr Libya qui contrôle le CGN. Alors, comment peut-il accepter la présence de terroristes dans le gouvernement ? En même temps, c’est une partie qu’on ne peut ni négliger ni exclure de tout règlement en raison de sa puissance sur le terrain », explique Dr Ayman Chaaban.
Ce dernier ajoute aussi que d’autres factions sont exclues du dialogue, mais sont présentes en force sur le terrain. « Ansar Al-Charia, par exemple, est un autre groupe considéré comme terroriste, mais il est soutenu par plusieurs tribus et régions », affirme l’analyste. La question est donc très compliquée, et, selon l’expert, la réalité sur le terrain ne va pas changer avec la signature d’un simple accord. « Aucun accord ne sera appliqué sur le terrain sans une surveillance arabe ou internationale. Signer un accord, c’est une chose, l’appliquer, c’est autre chose. D’autant plus que les problèmes de fond ne sont pas résolus », estime Dr Ayman Chaaban.
En effet, selon lui, l’un des plus importants problèmes en Libye, c’est la nature même de la société. « Aujourd’hui, les Libyens sont divisés en factions, tribus, groupes et groupuscules. Chacun cherche son propre intérêt, et personne ne pense à l’unification du pays. Autrement dit, on peut trouver des conflits au sein même d’une seule faction. Et chaque membre veut sa part du gâteau », explique Dr Ayman Chaaban.
C’est pourquoi, parallèlement aux efforts de paix, le parlement libyen continue de demander à l’Occident de lever les sanctions sur l’armement en raison de l’impuissance des institutions sécuritaires libyennes de faire face au terrorisme et aux milices fortement armées. « Pour établir la stabilité et la paix dans le pays, il faut désarmer toutes les factions et les tribus. Un objectif difficile à réaliser au moment où ces dernières n’arrivent même pas à se mettre d’accord à déposer les armes », conclut Dr Chaaban.
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