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En Tunisie, la difficile lutte antiterroriste

Karem Yéhia, Mardi, 04 août 2015

Après les attentats de Sousse et du Bardo, les parlementaires tunisiens ont adopté une nouvelle loi destinée à lutter contre les attaques djihadistes. Un texte controversé.

Tunis
Photo: reuters
En 2011, à la veille de la chute de la dictature de Zine El Abidine Bin Ali, la Tunisie comptait quelque 2 000 prisonniers politiques, détenus en vertu de la loi antiterroriste de 2003. Une loi qui avait été votée dans la foulée des attaques terroristes contre les Etats-Unis le 11 septembre 2001, et qui avait pour objectif de contribuer à la lutte contre le terrorisme international et contre le blanchiment d’argent. A l’époque, le régime était accusé d’utiliser cette loi pour réprimer l’opposition.
Le texte voté le 25 juillet dernier vient remplacer la loi de 2003. Mais les défenseurs des droits de l’homme se disent déçus, car ils espéraient une nouvelle législation plus respectueuse de l’Etat de droit. Ainsi, la principale critique porte sur la réintroduction de la peine de mort, absente dans la loi de 2003. Ainsi, la loi prévoit la peine de mort pour les personnes jugées coupables de terrorisme. C’est là l’une des principales raisons qui font fortement réagir les ONG. Pourtant, la Tunisie n’applique plus la peine de mort depuis 1991 et a voté la résolution de l’Assemblée générale des Nations-Unies appelant à un moratoire sur l’application de la peine de mort. D’après l’article 5 de la nouvelle loi antiterroriste, « si la peine encourue est la mort ou l’emprisonnement à vie, elle est remplacée par un emprisonnement de 20 ans ». Néanmoins, la réintroduction dans les textes de la peine capitale fait craindre son application.
Cette loi intervient après les attentats islamistes qui ont fait plusieurs dizaines de morts ces derniers mois, notamment en raison du sentiment de menace grandissante après les attaques en juin dernier à Sousse (38 touristes tués) et en mars au musée du Bardo à Tunis (22 morts, dont 21 touristes), revendiquées par le groupe Etat islamique.
Mais il est important de noter que la loi a été votée par le Parlement tunisien à la quasi-unanimité (174 députés pour, 10 abstentions et aucun vote contre). Et après d’intenses débats au sein de l’hémicycle, et des modifications introduites par le gouvernement à la dernière minute en réponse aux réclamations des différentes parties politiques. Ce qui prouve qu’il existe une sorte de consensus autour du texte parmi les différentes forces politiques du pays.
« Avec fierté, nous avons vécu ce moment historique ... cette loi va rassurer le citoyen », a ainsi déclaré le président de l’Assemblée, Mohamed Ennaceur, devant les élus qui venaient de chanter l’hymne national dans l’hémicycle.
Parmi les modifications de dernière minute, on peut citer deux importantes : le respect du secret professionnel auprès des médecins, des avocats, mais aussi des journalistes ; et une peine d’un an en plus d’une amende imposée à toute personne qui abuse du droit aux écoutes téléphoniques. Les journalistes ont ainsi été ajoutés à la catégorie des professions bénéficiant du droit au secret professionnel. De quoi rassurer le président du Syndicat national des journalistes tunisiens qui avait dénoncé la remise en cause de la liberté de la presse marquée par un retour « aux anciennes pratiques ».
Parallèlement à la nouvelle loi, la Tunisie a prolongé de deux mois, vendredi 31 juillet, l’état d’urgence décrété après l’attaque terroriste du 26 juin. Les pouvoirs de l’armée et des forces de sécurité restent renforcés et certains droits restreints, comme celui de rassemblement sur la voie publique. La Tunisie n’avait plus connu ce dispositif de sécurité depuis le soulèvement contre le régime Bin Ali en 2011 .
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