Le président tunisien, Béji Caïd Essebsi, a décrété, samedi dernier, l’état d’urgence pour 30 jours en raison des « dangers menaçant le pays », 8 jours après un attentat sanglant qui a tué 38 touristes. « Le pays est en guerre d’un genre spécial », a dit le président en avertissant : « Si les événements de Sousse se répètent, l’Etat va s’effondrer ».
Les autorités, qui ont pour la première fois reconnu des défaillances sécuritaires, ont aussi annoncé le limogeage de plusieurs responsables, dont le gouverneur de Sousse, région où a été perpétrée cette attaque. Les Tunisiens ont récemment vécu plus de trois ans d’état d’urgence : instauré en janvier 2011, juste avant la fuite du président Zine El Abidine Ben Ali dans la foulée du soulèvement qui avait lancé « le Printemps arabe », il avait été sans cesse renouvelé avant d’être levé en mars 2014.
L’état d’urgence accorde des pouvoirs d’exception aux forces de l’ordre, et autorise les autorités à « prendre toutes mesures pour assurer le contrôle de la presse et des publications de toute nature ». Les autorités peuvent aussi interdire les grèves et les réunions « de nature à provoquer ou entretenir le désordre ». Le président a d’ailleurs évoqué les « revendications insistantes » et les grèves qui se multiplient. « On ne peut pas continuer comme ça, c’est de la désobéissance civile », a-t-il dit.
La proclamation de l’état d’urgence a suscité des interrogations, certains craignant une restriction des libertés publiques. Le ministre de l’Intérieur, Najem Gharsalli, a affirmé à la radio privée Shems FM qu’il contribuait « à sécuriser la Tunisie et à diffuser (...) un sentiment de sécurité ». Il s’agit d’« une décision salutaire qui doit être confortée par une adhésion populaire », a réagi le quotidien francophone La Presse. Mais le quotidien arabophone Al-Maghreb s’interrogeait sur les possibles conséquences pour les libertés en se demandant en une : « La guerre ... contre les sit-in, les grèves, la presse et la culture ?! ». Le fait que le président a commencé son discours à la nation de la veille par une évocation des grèves et mouvements sociaux a été abondamment commenté.
Pour ce qui est de l’enquête, le premier ministre, Habib Essid, a affirmé, dans une interview publiée dimanche dans La Presse, que l’auteur de l’attentat, identifié comme Seifeddine Rezgui, un étudiant de 23 ans, avait « travaillé en tant qu’animateur » dans le tourisme. La transformation de ce profil « normal », selon les autorités, a suscité la stupéfaction en Tunisie. M. Essid a affirmé qu’un « travail de fond (...) sur la culture et l’enseignement » devra être fait et que des réformes devaient être engagées dans l’économie et l’éducation. Le premier ministre a ajouté que le pays travaillait à mettre en place des méthodes de « déradicalisation » des jeunes de retour des zones de conflit, alors que la Tunisie fournit le plus gros contingent — environ 3 000 — aux groupes djihadistes. M. Essid a aussi reconnu que la police avait été trop lente lors de l’attentat, premier aveu officiel de défaillances sécuritaires pointées par plusieurs témoignages.
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