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Tunisie : 30 jours d’état d’urgence

AFP, Lundi, 06 juillet 2015

L'état d'urgence a été proclamé en Tunisie, alors que de nombreux respon­sables ont été limogés en raison des défaillances sécuritaires.

Le président tunisien, Béji Caïd Essebsi, a décrété, samedi dernier, l’état d’urgence pour 30 jours en raison des « dangers menaçant le pays », 8 jours après un attentat sanglant qui a tué 38 touristes. « Le pays est en guerre d’un genre spé­cial », a dit le président en avertissant : « Si les événements de Sousse se répètent, l’Etat va s’effondrer ».

Les autorités, qui ont pour la première fois reconnu des défaillances sécuritaires, ont aussi annoncé le limogeage de plu­sieurs responsables, dont le gouverneur de Sousse, région où a été perpétrée cette attaque. Les Tunisiens ont récemment vécu plus de trois ans d’état d’urgence : instauré en janvier 2011, juste avant la fuite du président Zine El Abidine Ben Ali dans la foulée du soulèvement qui avait lancé « le Printemps arabe », il avait été sans cesse renouvelé avant d’être levé en mars 2014.

L’état d’urgence accorde des pouvoirs d’exception aux forces de l’ordre, et auto­rise les autorités à « prendre toutes mesures pour assurer le contrôle de la presse et des publications de toute nature ». Les autorités peuvent aussi interdire les grèves et les réunions « de nature à provoquer ou entretenir le désordre ». Le président a d’ailleurs évo­qué les « revendications insistantes » et les grèves qui se multiplient. « On ne peut pas continuer comme ça, c’est de la déso­béissance civile », a-t-il dit.

La proclamation de l’état d’urgence a suscité des interrogations, certains crai­gnant une restriction des libertés publiques. Le ministre de l’Intérieur, Najem Gharsalli, a affirmé à la radio pri­vée Shems FM qu’il contribuait « à sécu­riser la Tunisie et à diffuser (...) un senti­ment de sécurité ». Il s’agit d’« une déci­sion salutaire qui doit être confortée par une adhésion populaire », a réagi le quo­tidien francophone La Presse. Mais le quotidien arabophone Al-Maghreb s’in­terrogeait sur les possibles conséquences pour les libertés en se demandant en une : « La guerre ... contre les sit-in, les grèves, la presse et la culture ?! ». Le fait que le président a commencé son discours à la nation de la veille par une évocation des grèves et mouvements sociaux a été abon­damment commenté.

Pour ce qui est de l’enquête, le premier ministre, Habib Essid, a affirmé, dans une interview publiée dimanche dans La Presse, que l’auteur de l’attentat, identifié comme Seifeddine Rezgui, un étudiant de 23 ans, avait « travaillé en tant qu’anima­teur » dans le tourisme. La transformation de ce profil « normal », selon les autori­tés, a suscité la stupéfaction en Tunisie. M. Essid a affirmé qu’un « travail de fond (...) sur la culture et l’enseignement » devra être fait et que des réformes devai­ent être engagées dans l’économie et l’éducation. Le premier ministre a ajouté que le pays travaillait à mettre en place des méthodes de « déradicalisation » des jeunes de retour des zones de conflit, alors que la Tunisie fournit le plus gros contin­gent — environ 3 000 — aux groupes djihadistes. M. Essid a aussi reconnu que la police avait été trop lente lors de l’at­tentat, premier aveu officiel de défaillances sécuritaires pointées par plusieurs témoi­gnages.

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