L'attentat de Sousse en Tunisie a fait 38 morts.
(Photos : Reuters)
Vendredi 26 juin 2015. Vendredi noir. Sur une plage de Sousse en Tunisie, un homme tire à la kalachnikov sur les touristes. Bilan : 38 morts. A quelques heures d’intervalle au Koweït, un attentat-suicide contre une mosquée chiite fait 26 morts et 227 blessés. Ces deux attentats ont été revendiqués par le groupe Etat Islamique (EI), également dénommé Daech. Mais pas l’attaque commise dans le sud-est de la France contre une usine de produits chimiques (1 mort et 2 blessés), qui porte néanmoins la trace des djihadistes islamistes (voir sous-encadré).
C’est donc une surenchère dans l’horreur que mène l’EI avec pour objectif principal de terroriser l’opinion mondiale et en faire la plus large publicité possible. D’autant plus que ces attentats interviennent tout juste un an après l’apparition de l’EI. Daech a en effet commencé son offensive en Iraq au début du Ramadan 2014. Et il a déclaré le califat le 30 juin 2014. En tout juste un an, le groupe a étendu son influence à cheval sur la Syrie et sur l’Iraq, puis bien au-delà : plusieurs groupes lui ont fait allégeance en Afrique du Nord, en Libye, en Tunisie, en Algérie, mais également au Nigeria, avec Boko Haram, et jusqu’en Asie centrale.
Cette vague meurtrière survient aussi quelques jours après un appel lancé par l’EI et qui incite les musulmans dans le monde à engager la guerre sainte contre les « mécréants » durant le Ramadan.
Frapper là où ça fait mal
Si, pour le moment, rien n’indique que les attaques de vendredi aient été coordonnées, l’inquiétude prévaut auprès des pays attaqués et de la communauté internationale. S’agit-il là d’une nébuleuse qui commence à s’étendre au monde entier et à surpasser Al-Qaëda ? Pour l’heure, la réponse n’est pas sûre, mais la question suscite les préoccupations. D’autant plus que l’EI sait frapper là où ça fait mal.
En effet, le choix de la Tunisie pour cible est loin d’être fortuit. Et ce, pour différentes raisons. D’abord, la Tunisie représente l’exemple d’un pays musulman qui combine liberté politique, modernité économique et moeurs plutôt occidentales. Ce qui n’est pas du tout du goût de Daech. Ensuite et surtout, la Tunisie représente une cible géographique idéale de par son emplacement à l’extrémité nord de l’Afrique et proche de l’Europe. Aussi, avec 459 km de frontière commune avec la Libye, pénétrer la Tunisie n’est pas une tâche difficile pour les combattants de l’EI. Et bien sûr, l’EI cible le secteur touristique, qui constitue la planche de salut de la Tunisie dans sa reconstruction de l’après-2011. C’est pourquoi Tunis a décidé d’armer sa police touristique et de déployer un millier d’agents de sécurité supplémentaires à partir du 1er juillet pour protéger hôtels, plages et sites touristiques. Une décision qui intervient après que des milliers de touristes eurent quitté précipitamment la Tunisie à la suite de l’attentat de Sousse. Autre décision importante, le premier ministre tunisien, Habib Essid, a annoncé la fermeture d’environ 80 mosquées accusées d’« inciter au terrorisme ».
Climat de tensions
Pour ce qui est du Koweït, l’affaire est tout autre. Car l’attentat anti-chiite intervient dans un climat général de tensions entre les chiites et les sunnites dans la région, une tension qui s’est accentuée avec la crise yéménite et l’antagonisme entre les deux puissances de la région : l’Arabie saoudite et l’Iran. Certes, il s’agit du premier attentat de ce type revendiqué par les djihadistes de l’EI dans ce petit émirat du Golfe dont environ le tiers de la population est chiite. Mais il faut rappeler que quelques semaines plus tôt, l’EI avait visé deux mosquées chiites en Arabie saoudite. L’EI avait également récemment endossé la responsabilité de cinq attentats quasi simultanés contre des mosquées dans la capitale du Yémen, Sanaa.
Dans sa revendication de l’attaque de Sousse, l’EI a affirmé qu’un « soldat du califat » avait tué « des sujets des Etats de l’alliance croisée », en référence à la coalition internationale antidjihadiste qui bombarde ses fiefs en Syrie et en Iraq. Dans celle de l’attentat du Koweït, le ton est quelque peu différent : un communiqué de la « Province de Najd », qui s’est récemment manifestée comme la branche saoudienne de l’EI, a affirmé qu’un kamikaze, Abou Souleiman Al-Mouwahhid, avait perpétré l’attentat de vendredi contre une mosquée qui « répandait l’enseignement chiite parmi la population sunnite ».
L’organisation djihadiste cherche donc à semer la discorde là où elle arrive à s’implanter : déstabiliser un pays qui sort à peine des affres du Printemps arabe comme la Tunisie, semer la zizanie entre les majorités sunnites et les minorités chiites dans la péninsule arabique pour y implanter de sérieux et durables troubles. Sans parler des actions de l’EI en Iraq, en Syrie et en Libye. Daech veut avant tout faire entendre sa voix. Que ces actions, qui vont de l’Europe au Golfe arabique, en passant par le Maghreb, aient été coordonnées ou pas, l’effet est bien là : un choc massif dans l’opinion. Chaque attaque renforce l’effet de celle qui l’a précédée et soulève des interrogations sur les capacités globales de cette organisation. Et c’est justement ce que cherche à provoquer Daech.
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