Les djihadistes ont annoncé avoir pris la ville de Syrte, dont ils contrôlaient déjà l'aéroport.
(Photos : Reuters)
Soumises à de fortes pressions internationales, les délégations libyennes poursuivent leurs discussions depuis deux semaines. Des négociations qui se tiennent tantôt en Algérie, tantôt au Maroc, et récemment également en Allemagne. Les consultations tournent autour du quatrième projet d’accord proposé par l’Onu, dont l’objectif essentiel est la formation d’un gouvernement d’union nationale. Lors des rencontres tenues au Maroc, la semaine dernière, des représentants de deux parlements rivaux, de différents groupes politiques et des régions de Libye se sont mis d’accord sur 80 % du projet et les discussions actuelles portent sur les 20 % restants.
En effet, il est devenu de plus en plus urgent de trouver une issue à la crise libyenne. Plongée dans le chaos depuis la chute, en 2011, de Muammar Kadhafi et déchirée par des combats entre milices lourdement armées, la Libye est confrontée à la montée en puissance du groupe Etat Islamique (EI). Une menace qui vient s’ajouter à la division politique, le pays étant divisé entre deux autorités, deux gouvernements et deux parlements rivaux : l’un dans la capitale Tripoli sous la coupe de Fajr Libya, coalition de milices dont certaines islamistes, et l’autre dans l’est du pays, le seul reconnu par la communauté internationale et qui regroupe tous les partis libéraux. Une situation catastrophique et menaçante non seulement pour la Libye, mais aussi pour toute la région. Car en s’implantant en Libye, un pays qui possède une importante surface avec un nombre modeste d’habitants, et qui souffre de la quasi-absence de force armée nationale ainsi que d’une police opérationnelle, les djhadistes peuvent occuper facilement les richesses, surtout le pétrole de ce pays, et augmenter ainsi leurs sources de financement. Profitant de l’affrontement auquel se livrent, depuis le printemps 2014, les deux camps rivaux qui se partagent le pays, l’EI a annoncé avoir pris la ville de Syrte, dont il contrôlait déjà l’aéroport depuis fin mai, ainsi qu’une centrale thermique voisine. Après la prise de l’aéroport par l’EI, le gouvernement libyen reconnu par la communauté internationale avait appelé à l’aide la communauté internationale pour lutter contre ce groupe, avertissant que les djihadistes menaçaient de s’emparer de champs pétroliers proches de Syrte.
Détermination
C’est pour cela que la communauté internationale est dans une course contre la montre, afin de persuader les partis en conflit de laisser de côté leurs différends et intérêts pour sauver leur pays.
« Cette fois, l’Occident exerce de très fortes pressions, ce qui laisse présager un prochain accord de paix parrainé par l’Onu qui observera et surveillera son application », explique Ayman Chabana, analyste au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, au Caire. Cela fait des mois que l’émissaire de l’Onu, Bernardino Leon, essaie de trouver un compromis pour parvenir à la création d’un gouvernement d’union nationale. « Nous sommes face à la possibilité d’un consensus triple : dans la société libyenne, entre les participants au dialogue et aussi dans la communauté internationale », avait-il affirmé au Maroc en appelant toutes les parties à « prendre leurs responsabilités face à l’Histoire » et tout en faisant valoir « qu’il n’y avait pas de solution militaire possible au conflit ».
Alors que quatre projets de compromis sont restés lettre morte, cette dernière proposition intègre les « dernières remarques des parties », selon la Mission d’appui des Nations-Unies en Libye (Minul). Le projet de l’Onu prévoit la mise en place pendant un an d’un gouvernement d’union nationale avec un conseil des ministres dirigé par un premier ministre et deux vice-premiers ministres. A ce sujet l’émissaire de l’Onu a annoncé qu’une liste de noms était prête pour choisir trois personnalités non partisanes et technocratiques. Quant au conseil, il sera composé de 120 membres, dont 90 issus du parlement rebelle siégeant à Tripoli.
A cet effet justement, les élus de Tobrouk étaient contre l’inclusion du parlement de Tripoli, en estimant que cette proposition ne reflète pas la légitimité du parlement élu. « C’était un important point de désaccord mais l’émissaire a finalement convaincu les délégations de l’accepter », explique Ayman Chabana. La Chambre des représentants, le parlement élu en 2014 et installé aujourd’hui à Tobrouk, serait le seul corps législatif alors que le Conseil d’Etat de 120 membres serait le corps consultatif. Le projet définit aussi les conditions d’un cessez-le-feu, du désarmement des milices, de l’unification des forces armées, des amendements consacrant le principe de l’équilibre entre toutes les institutions en Libye et du retrait des groupes armés occupant les infrastructures pétrolières, les aéroports ou d’autres installations stratégiques.
Pour réaliser ces derniers objectifs, la communauté internationale a promis de fournir des aides aux autorités, pour contenir la progression de l’Etat islamique en Libye. « Dès qu’un accord aura été trouvé, nous serons prêts à fournir un soutien significatif à ce gouvernement représentatif et inclusif dans ses efforts pour bâtir des institutions publiques efficaces et pour débarrasser le pays des terroristes et des réseaux criminels », ont promis les pays du G7 récemment réunis en Allemagne et qui ont eu des pourparlers avec les négociateurs libyens. Outre le chaos politique et sécuritaire, l’économie du pays est sur le point de l’effondrement. Selon l’Onu, la Banque Centrale ne sera plus en mesure de verser les salaires d’ici mi-juillet. Les importations ont été limitées, les projets de reconstruction stoppés, tout comme les subventions sur le pétrole et la nourriture. Le dinar a perdu 35 % de sa valeur depuis janvier. La quasi-banqueroute tient à la baisse de la production pétrolière, principale source de revenus, tombée à 400 000 barils par jour, le quart de ce qu’elle était durant le régime Kadhafi.
Lien court: