Une vingt-quatrième séance parlementaire est fixée au 3 juin prochain pour élire un président libanais. Tout porte à croire qu’elle s’achèvera comme les précédentes. C’est en effet depuis la fin du mandat de l’ancien président, Michel Sleimane, le 25 mai 2014, que le Liban est sans président. A 23 reprises au courant de cette année, le parlement libanais a tenté d’élire un chef de l’Etat, mais sans jamais y parvenir à cause de profondes divisions internes. Avec à chaque séance le même scénario : un report à cause de l’impossibilité à réunir le quorum nécessaire de deux tiers des 128 députés pour le vote, au point que l’opinion publique a commencé à se désintéresser du processus. A l’origine des divergences politiques, la division entre la coalition menée par le puissant Hezbollah chiite, soutenue par Damas et Téhéran, et celle de l’ex-premier ministre sunnite Saad Al-Hariri, appuyée par Washington et Riyad. Les premiers sont partisans du régime syrien — le Hezbollah combat les rebelles à ses côtés —, les autres sont des virulents critiques du président Bachar Al-Assad. Aussi bien le Hezbollah que M. Al-Hariri ont des alliés chrétiens, divisant ainsi la communauté qui représente près de 35 % de la population libanaise et dont le président doit être issu.
Or, c’est la première fois depuis la fin de la guerre civile (1975-1990) que le Liban soit sans chef d’Etat depuis 12 mois. Et les analystes doutent d’une élection proche tant que la petite nation est l’otage des conflits régionaux notamment en Syrie voisine. Au Liban, « on a toujours besoin d’un parrain étranger pour nous dire qui choisir », a affirmé à l’AFP Sahar Al-Atrache, spécialiste des affaires libanaises de l’International Crisis Group. « Or, les parrains des deux camps rivaux libanais, l’Arabie saoudite et l’Iran, s’affrontent, mènent des guerres par procuration dans la région et ne vont pas se mettre d’accord sur l’élection d’un président au Liban », dit-elle. « Le Liban n’est pas une priorité », ajoute-t-elle. Pourtant, stabiliser le Liban est aujourd’hui incontournable, car il est en première ligne dans le conflit syrien, d’abord sur le front militaire, la guerre étant à ses portes, ensuite sur le front humanitaire : le pays accueille un million de réfugiés, soit près d’un quart de sa propre population.
Dossiers en suspens
Aujourd’hui, le pays du Cèdre, otage du conflit syrien, semble attendre que la donne régionale se clarifie que ce soit en Syrie, au sujet du nucléaire iranien, ou encore des relations entre l’Iran et l’Arabie saoudite. Mais tous ces dossiers restent en suspens. Et les divisions libanaises internes tout aussi profondes. Ces divisions ont empêché la tenue des législatives, le parlement ayant prorogé son propre mandat en 2014. Mais l’action parlementaire reste paralysée. Tout comme celle du gouvernement. Durant la vacance à la présidence, c’est en effet au gouvernement que revient d’assumer tous les pouvoirs exécutifs. Or, celui-ci, réunissant des ministres des deux bords, peine à surmonter les clivages et à faire passer les projets de loi, les nominations et les budgets.
Entre 1988 et 1989, le Liban avait déjà connu une vacance présidentielle de plus de 400 jours, également en raison des divergences entre pro et anti-Damas. Depuis, la donne a certes changé, mais pas le poids de la Syrie.
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