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Bagdad piétine à Al-Anbar

Abir Taleb avec agences, Mardi, 05 mai 2015

L'armée iraqienne tente de contrecarrer l'EI à Al-Anbar. Mais l'offensive s'annonce longue et difficile.

Bagdad piétine à Al-Anbar
La reprise d'Al-Anbar pose de gros défis à l'armée iraqienne. (Photos :AP)

L’etat islamique (EI) a revendiqué, dimanche, un attentat à la voiture piégée contre un restaurant de Bagdad qui a fait, la veille, 15 morts dont 4 policiers et un militant de la liberté de la presse. L’EI a également tué plusieurs centaines de Yazidis retenus en captivité, selon des informations rapportées par la BBC samedi dernier. D’après le parti progressiste des Yazidis, 300 hommes ont été assassinés, vendredi, dans le quartier de Tal Afar, près de Mossoul. Ces exécutions ont été confirmées par la Mission d’assistance de l’Onu en Iraq (MANUI). Ces décès viennent s’ajouter à la tristement longue liste des victimes du terrorisme en Iraq. Ainsi, pour le seul mois d’avril, un total de 812 Iraqiens ont été tués et 1 726 autres blessés dans les attaques terroristes et les violences au mois d’avril, a affirmé dimanche la MANUI. Il s’agit des chiffres « minimum », la MANUI ayant du mal à confirmer de manière efficace les victimes dans les zones de conflit, ainsi que les victimes des effets secondaires des violences, indique le document. Pourtant, la MANUI n’a pas compté les victimes dans la province d’Al-Anbar, où de violents affrontements sont en cours entre les forces iraqiennes et les djihadistes de l’Etat islamique.

Des combats qui risquent de s’éterniser. Si l’armée iraqienne a repris un peu de terrain à l’EI avec l’aide de milices chiites, des combattants kurdes et des tribus, ainsi que du soutien aérien de la coalition, le plus dur reste à faire et la phase actuelle du conflit est loin d’être facile. La reconquête d’Al-Anbar risque en effet de prendre des semaines, voire des mois. Les autorités iraqiennes se sont retrouvées sur la défensive, après que l’EI eut réussi un coup de propagande en menant fin avril une série d’attaques dans cette province-clé. « Il n’y a pas eu de victoire militaire de l’EI à Al-Anbar. Ce qui s’y passe, c’est une guerre psychologique », a déclaré, au parlement, le premier ministre Haidar Al-Abadi. « Certains parmi nous ont pris part à cette guerre psychologique en déclarant qu’Al-Anbar était tombée ou allait tomber. Al-Anbar résiste encore », a ajouté M. Abadi. Voilà qui est dit et qui prouve que l’armée iraqienne est en mauvaise posture, du moins que la situation est inquiétante.

Le mois d’avril avait commencé par la reprise par les forces gouvernementales de la ville de Tikrit, au terme de semaines de combats, leur plus grande victoire depuis l’offensive en juin des djihadistes de l’EI, qui se sont emparés de pans entiers du territoire iraqien. Le premier ministre avait alors annoncé que l’étape suivante dans la reconquête des zones perdues se jouerait à Al-Anbar, qui est de loin la plus grande des 18 provinces iraqiennes et est en grande partie aux mains du groupe djihadiste. Mais l’EI a rapidement contre-attaqué en y lançant une série d’attaques qui ont retourné la situation, et fait craindre à Bagdad une défaite imminente. Les djihadistes, qui contrôlent des quartiers entiers de Ramadi, ont été aidés par des cellules dormantes, a affirmé le général de brigade Abdelami Al-Khazraji.

Gros défis

La reprise d’Al-Anbar pose de gros défis à l’armée iraqienne. Les forces gouvernementales n’ont pas fait de progrès significatifs dans Ramadi et une grande majorité de la province reste hors de leur contrôle. Pour le général Mohamad Al-Doulaimi, cité par l’AFP, il n’y a pas suffisamment d’hommes à Al-Anbar au vu de la taille de la province, et ceux qui s’y trouvent ne tiennent qu’une partie de Ramadi et une poignée de territoires.

Une situation inquiétante notamment à l’approche du Ramadan. Avec les récentes attaques de Daech sur Ramadi et Baiji, les autorités iraqiennes semblent avoir remis la reprise de Mossoul à plus tard. Le premier ministre iraqien, Haidar Al-Abadi, a ainsi déclaré que l’offensive n’aurait lieu qu’après la fin du Ramadan, à la mi-juillet. Or, l’offensive sur cette grande ville du nord, prise par les djihadistes, pourrait être décisive pour défaire l’Etat islamique. C’est en effet à Mossoul que Daech fait le joint entre ses positions en Syrie et en Iraq, là que passe son ravitaillement.

Depuis la déroute de juin 2014, lorsque Daech s’était emparé de larges territoires, il reste difficile de donner du crédit à l’armée iraqienne, qui, seule, ne peut pratiquement rien. Or, appeler à la rescousse les milices chiites, accusées d’exactions et de pillages, pour reconquérir une ville à majorité sunnite, est un gros risque. Les autorités iraqiennes l’ont fait pour reprendre Tikrit, mais à quel prix. Déjà, on assiste à une vague de meurtres de vengeance et de règlements de comptes parmi les communautés, tout juste libérées de l’emprise de l’EI. Un représentant américain note que de nombreux rapports ont fait état d’assassinats de sunnites considérés comme des collaborateurs dans les villes de Tikrit, Amerli et Jurf al Sakhar. Un représentant canadien affirme, quant à lui, que les stratèges militaires occidentaux sont très préoccupés par la possibilité que cette vague de meurtres de vengeance prenne de l’ampleur, alors même qu’ils réfléchissent à la manière et au moment de reprendre Mossoul, la deuxième plus grande ville d’Iraq, principalement sunnite.

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