A l’approche du 17 décembre, date du début de la révolution du Jasmin, le gouvernement tunisien a présenté à l’Assemblée Nationale Constituante (ANC) une stratégie de lutte contre la corruption. «consolidation de l’instance indépendante de lutte contre la corruption, la participation de la société civile et la formation des journalistes sont les principaux axes de cette stratégie », a indiqué Abdel-Rhamane Ladgham, ministre chargé de la lutte anti-corruption.
Ladgham a appelé les députés de l’ANC à valider dans les plus brefs délais les conventions internationales relatives à l’échange d’informations et à la lutte contre la fraude, afin de permettre à la Tunisie de récupérer les avoirs détournés, notamment par la famille du président déchu Ben Ali. « La récupération de ces avoirs est notre première priorité » a-t-il précisé.
La corruption et le népotisme du régime déchu étaient l’un des facteurs ayant déclenché la révolution de 2011 qui a chassé du pouvoir Zine El Abidine Ben Ali. Le président, Moncef Marzouki, et le chef du gouvernement, Hamadi Jebali, ont assisté à la présentation de la stratégie anti-corruption au palais du Bardo, marquée par l’absence des députés de l’opposition et des représentants de la centrale syndicale.
Cette décision a été présentée à l’ANC après que le principal syndicat tunisien eut appelé à une grève générale, engageant ainsi un bras de fer avec les islamistes au pouvoir en pleine crise politique et sociale tout juste avant le deuxième anniversaire de la révolution.
« L’Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) a décidé d’une grève générale le jeudi 13 décembre 2012 sur tout le territoire de la République », a annoncé le syndicat.
Le but de cette grève est de protester contre une attaque du siège de l’UGTT à Tunis orchestrée, selon le syndicat, par des militants islamistes proches du parti Ennahda. Elle réclame l’arrestation des assaillants et la dissolution de la Ligue de la protection de la révolution, sorte de milice pro-pouvoir aux méthodes brutales, qui s’est posée en garant des revendications de la révolte de 2010-2011.
Les branches locales de l’UGTT ont aussi appelé à une grève dans plusieurs régions et revendiquent les mêmes demandes. Plusieurs débrayages sectoriels sont aussi prévus. Le syndicat, fort d’un demi-million de membres, reste la plus grosse organisation du pays. Le parti Ennahda reproche à l’UGTT de se mêler de politique et d’attiser les tensions sociales dans le pays, qui est régulièrement le théâtre de manifestations violentes nourries par les frustrations face aux espoirs déçus de la révolution.
Le syndicat avait voulu réunir mi-octobre toutes les forces politiques pour tenter de négocier un consensus sur la future Constitution, dont la rédaction est dans l’impasse, mais Ennahda a boycotté la réunion rendant sa tenue caduque.
« Opposition radicale »
Avant même que le syndicat n’annonce sa décision d’appeler à la grève, Rached Ghannouchi, chef du parti islamiste Ennahda, a critiqué l’UGTT, la qualifiant « d’opposition radicale ». « L’UGTT doit être une organisation syndicale et non un parti de l’opposition radicale. L’appel à la grève générale est un travail politique, surtout lorsqu’elle a des motivations politiques et non sociales. Une grève générale ne fera pas changer le gouvernement : en démocratie, le changement de gouvernement ne se fait que par une motion de censure ou des élections », a-t-il prévenu.
Pour soutenir l’UGTT, la Confédération Syndicale Internationale (CSI) a décidé d’appuyer cette grève générale. « La secrétaire générale de la CSI, Sharan Burrow, se rendra à Tunis pour exprimer son appui à la décision de l’Union générale tunisienne du travail appelant à la grève générale le 13 décembre », a indiqué le porte-parole de la centrale tunisienne, Ghassen Ksibi.
Les relations entre l’UGTT et Ennahda, les deux principales forces politiques du pays, ont été tendues ces dernières semaines avant de se transformer en conflit ouvert après une attaque des locaux du syndicat le 4 décembre par des islamistes de la Ligue de protection de la révolution, une association proche du pouvoir.
La grève générale peut cependant s’avérer un exercice à haut risque dans le contexte de crise socioéconomique et d’impasse politique que connaît la Tunisie. Le secrétaire général du syndicat, Houcine Abassi, a confirmé son appel à la grève générale, en dépit de tractations politiques pour l’en dissuader. La Tunisie fêtera le 17 décembre le deuxième anniversaire du début de sa révolution déclenchée par l’immolation de Mohamed Bouazizi, un vendeur ambulant excédé par les brimades policières et la pauvreté .
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