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Turquie : Erdogan veut renforcer son pouvoir

Maha Al-Cherbini avec agences, Mardi, 21 avril 2015

A l'approche des législatives turques du 7 juin, le parti islamo-conserva­teur au pouvoir (AKP) a entamé sa campagne électorale dont l'unique enjeu serait la présidentialisation du régime comme l'espère le président Recep Tayyip Erdogan.

Turquie : Erdogan veut renforcer son pouvoir
Manifestations contre l'AKP à Ankara. (Photo:AP)

Homme fort de la Turquie depuis 2003, le président turc Recep Tayyip Erdogan ne cache plus son ambi­tion politique : transformer le régime parlementaire en régime présidentiel pour monopoliser toutes les rênes du pouvoir. « Nous devons transformer les élections du 7 juin en une opportunité pour une nouvelle Constitution et pour le régime présidentiel », a affirmé M. Erdogan ou le Sultan, comme on le surnomme en Turquie. Fervent partisan du président, le premier ministre, Ahmet Davutoglu, qui conduit le Parti de la justice et du développement (AKP) s’est clairement positionné en faveur du régime présidentiel qu’il présente comme le plus effi­cace pour réformer le pays. « Les conflits de pouvoir ont provoqué des crises en Turquie. Un système présidentiel permettra d’empê­cher la discorde », s’enthousiasme le premier ministre.

Or, pour réaliser son rêve, Erdogan doit assurer une large victoire à l’AKP. Au moins les deux tiers de l’Assemblée natio­nale, qui compte 550 sièges, sont requis pour que le président puisse modifier la Constitution et passer du régime parlementaire à un régime présidentiel. Plus précisé­ment, il faut que l’AKP remporte plus de 367 sièges pour modifier la Constitution par la seule voie parlementaire sans avoir à passer par un vote populaire. Si l’AKP remporte 330 sièges, il sera obligé de changer la Constitution par référendum.

Selon les experts, le parti au pouvoir ne peut pas réaliser ce score, car tous les instituts de son­dage prévoient son recul aux légis­latives. Cette baisse serait d’un à huit points de pourcentage, selon les différentes enquêtes. En 2011, l’AKP avait remporté 49,8 % des voix (312 sièges). Or, cette fois, les sondages le créditent de 41 à 48 %. Une baisse qui profite au parti laïque d’opposition MHP. Si ce recul se confirme dans les urnes, le parti au pouvoir pourrait avoir du mal à obtenir la majorité simple de 276 sièges et devrait trouver des partenaires de gouver­nement, ce qu’il n’a jamais eu à faire jusqu’ici. « Cette fois-ci, je ne pense pas que l’AKP puisse former tout seul le gouvernement. Il pourrait être obligé d’entrer en coalition avec les partis d’opposi­tion. Dans ce cas, ces derniers ne vont jamais permettre la présiden­tialisation du régime turc, car déjà, ils critiquent les dérives autoritaires d’Erdogan, les scan­dales de corruption qui l’entou­rent et ses tentatives de dominer les institutions du pays comme la police et la justice », estime Mohamad Abdel-Qader, expert au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram.

L’AKP en recul
Cela signifie donc que la popu­larité de l’AKP et de son leader a largement reculé. Pourquoi ? Selon les experts, cette chute est motivée par le projet de présiden­tialisation, de nombreux électeurs craignant l’instauration d’un pou­voir personnel, voire arbitraire d’un seul parti, voire d’un seul homme. Autre motif de cette chute : la situation économique qui se détériore. Exemple : la Livre turque (TL) a poursuivi sa dégringolade cette semaine face au dollar en franchissant la barre symbolique des 2,70 TL pour un billet vert.

Selon M. Abdel-Qader, un autre facteur serait à attendre les jours à venir : l’apparition des divisions au sein de l’AKP même. « Des ailes au sein du parti au pouvoir commencent déjà à rejeter l’auto­ritarisme du Sultan et ses tenta­tives de collecter tous les pou­voirs. Des conflits pourraient y apparaître les prochains jours, surtout que l’influence d’Erdogan sur son parti est devenue de plus en plus limitée après son acces­sion au poste de président. Des voix au sein de son parti s’oppo­sent déjà à la présidentialisa­tion », pronostique l’expert. Ces propos ont une bonne part de cré­dibilité puisque le Sultan était, pour la première fois dans l’his­toire de l’AKP, fustigé par son propre camp quand Bülent Arinç, vice-premier ministre, l’a critiqué pour ses interventions dans les actions du gouvernement, surtout dans sa manière de gérer les négo­ciations sur la question kurde, un dossier crucial pour le pays. Et au politologue de conclure : « D’autres manifestations plus graves contre l’AKP et le prési­dent sont à craindre. La persis­tance d’Erdogan à réprimer vio­lemment les manifestations a atti­sé la colère de l’électorat turc. Désormais, la chute probable de la popularité de l’AKP ne ferait que renforcer l’épine de l’opposi­tion, de quoi plonger le pays dans l’instabilité politique et écono­mique ».

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