La signature de l'accord de principes, un début d'entente sur le dossier du Nil.
(Photo : AP)
Faut-il s’attendre à la fin des désaccords autour du barrage éthiopien de la Renaissance ? Les présidents égyptien et soudanais et le premier ministre éthiopien ont signé lundi 23 mars à Khartoum un «
accord de principe » visant à mettre fin à 4 ans de divergences sur le partage des eaux du Nil. «
Cet accord aidera nos populations à réaliser la sécurité et la stabilité », a indiqué le président soudanais Omar Al-Bachir. En vertu de l’accord en question, l’Egypte, l’Ethiopie et le Soudan s’engagent à respecter 10 principes essentiels qui «
préservent leurs droits et leurs intérêts hydriques » et qui sont compatibles avec le droit international et les principes internationaux de l’usage des fleuves. Il s’agit de ne pas porter préjudice à l’autre, d’utiliser l’eau de manière juste et équitable, d’oeuvrer en vue de renforcer la confiance, d’échanger les informations et les données, de s’assurer de la sécurité du barrage de la Renaissance (construit par l’Ethiopie), de respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale de chaque Etat, de régler pacifiquement les différends, de même que la coopération, le développement et l’intégrité régionale.
Le président Sissi a assuré que l’Egypte a choisi de « coopérer et de faire confiance ». « C’est un accord de principes qui sera suivi d’une série d’accords plus détaillés », a commenté le président de la République à Khartoum, rappelant qu’il est tout à fait pour le droit de l’Ethiopie au développement, à condition de ne pas nuire aux intérêts de l’Egypte et du Soudan. « Si ce barrage est pour l’Ethiopie une source d’énergie et d’électricité, il est pour l’Egypte et le Soudan une source d’inquiétude. Cette déclaration de principes assure l’engagement de l’Egypte à coopérer avec l’Ethiopie et le Soudan, et je suis sûr que nos frères de ces deux pays seront capables de transformer le texte écrit en réalités concrètes », a souligné Sissi. Et d’ajouter : « Nous voulons prouver à nos peuples que nous sommes à la hauteur de la responsabilité historique. On peut signer des dizaines d’accords, mais cela ne changera rien si la volonté politique et les bonnes intentions ne sont pas là. Il nous appartient de choisir : coopérer dans l’intérêt de nos peuples ou porter préjudice les uns aux autres et tout perdre ».
Depuis l’annonce par l’Ethiopie en avril 2011 de la construction du barrage de la Renaissance, sur les eaux du Nil bleu, l’Egypte s’inquiétait d’éventuelles répercussions sur son quota dans les eaux du Nil. Le barrage en question est actuellement construit sur la rivière Abat dans la région de Guba, dans l’Etat régional de Benishangul-Gumuz (nord-ouest), à 40 km de la frontière sud-soudanaise. Il devrait entrer en fonction dans 5 ans. Le projet permettra à l’Ethiopie de quadrupler sa capacité de production électrique face à une croissance de la demande de près de 10 % par an. L’Egypte, pays en aval, exige des garanties quant à son quota dans les eaux du Nil et la sécurité du barrage (ndlr : certains experts ont évoqué le risque d’une rupture du barrage en raison de la fragilité du sol dans la région où il est construit). Lundi, à l’issue de la signature de l’accord de principes, le premier ministre éthiopien Hailemariam Desalegn a assuré que le barrage « ne causera aucun préjudice aux pays en aval ».
Visite historique
La signature de l’accord de Khartoum a été suivie par une visite de deux jours d’Abdel-Fattah Al-Sissi dans la capitale éthiopienne, durant laquelle il a rencontré le président Mulatu Teshome. Une visite qualifiée d’historique. C’est en effet la première fois qu’un chef d’Etat égyptien se rend en Ethiopie depuis 30 ans. Le président égyptien s’est entretenu également avec S.B. l’amba Mathias, patriarche de l’Eglise éthiopienne orthodoxe, comme il a rencontré 38 hommes d’affaires égyptiens pour insister sur le rôle du secteur privé dans le renforcement des relations égypto-éthiopiènnes. Il a également prononcé un discours devant le parlement éthiopien.
Faut-il s’attendre à la fin des querelles avec l’Ethiopie au sujet du barrage de la Renaissance ? « Même si tous les problèmes ne sont pas réglés, la signature de l’accord de principes est un pas très important pour l’Egypte, souligne Dr Alaa Yassine, conseiller du ministre des Ressources hydriques et de l’Irrigation et membre du comité de négociations sur le barrage de la Renaissance.
D’autres experts pensent qu’il est encore tôt pour tirer des conclusions. « L’accord conclu entre l’Egypte, l’Ethiopie et le Soudan porte sur des principes généraux : coopération, intégrité, utilisation juste et équitable. Or, tous ces principes existent déjà dans la loi internationale », pense le Dr Hani Raslane, directeur de l’unité du Bassin du Nil au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram. Mais pour Dr Yassine « cet accord est un début et pas une fin. Nous devons être optimistes », affirme-t-il.
Au-delà de la signature de l’accord, c’est la visite du président Sissi en Ethiopie qui retient l’attention. « Le président égyptien a voulu dire aux Ethiopiens que l’Egypte rejette les conflits et veut la coopération et la paix et que s’ils ont le droit de vivre, les Egyptiens ont eux aussi le même droit », commente Dr Raouf Darwich, membre du bureau du Conseil arabe de l’eau. Et de conclure : « La rencontre de Sissi avec le patriarche de l’Eglise éthiopienne orthodoxe était le reflet d’une volonté politique de mettre l’accent sur les profondes relations entre les chrétiens éthiopiens et égyptiens ».
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