Fondé en 1987, le Hamas se pose en rival du Fatah du président Mahmoud Abbas.
(Photos : Reuters)
Après avoir inclus, fin janvier dernier, les brigades Al-Qassam, branche armée du Hamas, sur sa liste des organisations terroristes, la justice égyptienne vient de déclarer l’ensemble du mouvement palestinien, Hamas, organisation terroriste.
Le Hamas, qui détient le pouvoir dans la bande de Gaza, est accusé de soutenir Ansar Beit Al-Maqdess, groupe islamiste qui a prêté allégeance à l’Etat islamique, et s’est livré à plusieurs actes terroristes ces derniers mois dans le Sinaï. Le jugement fait suite à une plainte de deux avocats accusant la branche armée du Hamas d’être directement impliquée dans des opérations terroristes dans le Sinaï.
Les avocats Samir Sabry et Achraf Saïd accusaient également le mouvement, déjà considéré comme terroriste par Israël et les Etats-Unis, d’utiliser des tunnels clandestins à la frontière entre l’Egypte et Gaza. L’armée annonce régulièrement la destruction des tunnels clandestins qui servent de passage pour les armes et les djihadistes.
« Les documents présentés par le plaignant à la cour ont prouvé que l’organisation a mené des attentats qui ont pris pour cibles l’armée et la police et leurs installations. Il a commis des actes de sabotage et des assassinats de civils innocents, ainsi que de membres des forces armées et de la police comme dans l’explosion d’Al-Arich qui a tué 25 soldats », a déclaré le juge Khaled Mahgoub. D’après le verdict, l’Etat a le droit de proscrire les activités du Hamas sur le territoire égyptien et de geler ses avoirs.
Selon l’expert juridique Chawqi Al-Sayed, ce verdict est exécutoire. « Le jugement est devenu obligatoire, car il se rapporte à la sécurité nationale. Et les ministères des Affaires étrangères et de l’Intérieur seront concernés par la mise en oeuvre de la première étape du verdict, qui sert à mettre les dirigeants du Hamas sur les listes de surveillance ».
Peu de changements sur le fond
Fondé en 1987, le Hamas est un mouvement islamiste qui dispose d’une branche politique, dont Ismaïl Haniyeh est le leader politique, et d’une branche armée. Il se pose comme un rival du Fatah du président palestinien Mahmoud Abbas. Les deux mouvements ont d’ailleurs des relations très complexes. Après les élections législatives et présidentielles de 2006 et 2007, sele ton est monté entre le Hamas et le Fatah. Il s’en est suivi une partition, la première prenant le contrôle de la bande de Gaza, la seconde la Cisjordanie. Après plusieurs années de crise, un mouvement de réconciliation est entamé à partir de 2011.
Le Hamas a été retiré en décembre 2014 de la liste européenne des organisations terroristes par la Cour de justice pour un vice de procédure. Mais l’Union a indiqué dans la foulée qu’elle considérait toujours le Hamas comme une organisation terroriste.
En réaction au verdict égyptien, le Hamas a dénoncé cette décision affirmant qu’elle constitue une « escalade dangereuse à l’encontre du peuple palestinien et des forces de la résistance palestinienne », selon le porte-parole du Hamas à Gaza, Sami Abou-Zouhri, qui affirme toutefois que cette décision « n’aura aucun impact sur le Hamas qui traite avec respect tous les enfants et les dirigeants du peuple arabe, à l’exception de quelques personnes influentes en Egypte ».
Fawzi Barhoum, porte-parole du mouvement à Gaza, a considéré, lui, que la décision était « choquante ». Les relations entre le Hamas et les autorités égyptiennes sont au plus bas depuis la destitution en juillet 2013 du président islamiste, Mohamad Morsi.
Quelle est la portée de ce verdict ? Mohamad Gomaa, politologue spécialiste du dossier palestinien, commente : « Contrairement au premier verdict qui se rapportait aux brigades Al-Qassam, ce verdict porte sur l'ensemble du Hamas. Cela signifie que les dirigeants du mouvement seront considérés comme des terroristes et ne pourront pas venir au Caire». Et d'ajouter : « Cependant, le Hamas n’a ni avoirs ni sièges en Egypte qui peuvent être gelés ou fermés. L’Egypte veut envoyer un message à l’étranger pour dire que le Hamas est impliqué dans des actes terroristes afin d’intensifier la pression sur le mouvement palestinien ».
Selon l’analyste, le verdict n’affectera pas le rôle de médiateur joué par l’Egypte entre les Palestiniens et les Israéliens. Il rejette l’accusation des dirigeants du Hamas affirmant que ce verdict est dirigé contre la résistance palestinienne. « De toute manière, l’Egypte n’a jamais vraiment eu de bons rapports avec le Hamas. Cela ne l’a pas empêché de jouer son rôle traditionnel de médiateur », conclut Gomaa.
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