Dans le quartier de Fayçal, les manifestants ont affronté les forces de l’ordre ainsi
que des habitants hostiles.
(Photo : Reuters)
Le bras de fer continue entre les Frères musulmans et les forces de l’ordre. Dans le quartier de Matariya au Caire, devenu un bastion islamiste, des dizaines de militants de la confrérie ont coupé les routes avec des pneus enflammés, scandant des slogans hostiles au pouvoir et à l’armée. La police est intervenue pour les disperser. Les manifestants ont riposté par des jets de pierre et des cocktails molotov. Une personne a été tuée au cours de ces accrochages. Les mêmes scènes de violence se sont répétées dans le quartier de Fayçal, où les manifestants ont affronté les forces de l’ordre ainsi que des habitants hostiles.
Depuis la chute du président islamiste, Mohamad Morsi, en juillet 2013, des accrochages ont régulièrement lieu entre la confrérie et les forces de l’ordre. Les quartiers de Matariya et de Fayçal ont été particulièrement touchés par les affrontements au cours des trois dernières semaines.
Signe de la tension persistante : le procureur général, Hicham Barakat, a placé deux présentateurs égyptiens travaillant pour le compte de chaînes affiliées à la confrérie, sur les listes noires à l’aéroport du Caire. Il s’agit de Moataz Matar qui travaille à la chaîne Al-Sharq, et Mohamad Nasser qui travaille pour la chaîne Masr Al-Aan. Les deux chaînes sont supposées diffuser leurs programmes à partir de la Turquie. Hicham Al-Naggar, politologue, explique la récente escalade de violence de la part de la conférie. « Depuis la destitution du président islamiste Mohamad Morsi, les Frères musulmans ont recours à deux genres de violence », dit-il. Selon lui, les Frères ont commencé par ce qu’on peut appeler la violence stratégique. Le but était de faire pression pour le retour de Morsi, en recourant à la violence et à l’intimidation. « Cette stratégie des Frères a échoué, c’est pourquoi ils ont eu recours à une forme de violence tactique, qui vise à embarrasser l’Etat en propageant la panique au sein de la population par des explosions ici et là », décrypte-t-il.
Cette semaine a témoigné d’une série d’explosions visant notamment des pylônes électriques et des moyens de transport. Samedi, à Béni-Soueif, deux personnes sont mortes dans leur voiture par l’explosion d’une bombe qu’ils avaient préparée. Cinq autres personnes, qui se trouvaient à proximité, ont été blessées. A Minya, en Haute-Egypte, deux personnes ont été tuées par l’explosion d’une bombe qu’elles étaient en train de déposer près d’un pylône électrique. Dans un communiqué, le ministère de l’Intérieur a affirmé qu’il s’agissait de deux membres des Frères musulmans. Mercredi, c’est un balayeur qui a été tué dans l’explosion d’une bombe au Caire. A Kafr Al-Zayat, une bombe a explosé aux abords du commissariat de police et une autre dans un bureau de poste du gouvernorat de Gharbiya, sans faire de victimes. Selon Al-Naggar, ces actes de violence sont commandités par les Frères ou des groupuscules affiliés à eux. Il note une certaine radicalisation des Frères au cours des derniers mois. « Après la chute de Morsi, plusieurs analystes avaient prédit une telle radicalisation. Or, celle-ci semble se confirmer ». Bien que les Frères aient affirmé, à plusieurs reprises, être pacifiques, leur discours tend de plus en plus à se radicaliser. Signes de cette radicalisation : La confrérie a condamné les récentes attaques terroristes à Al-Arich, mais seulement sur le site en anglais. De même, les chaînes de la confrérie ont adopté dernièrement un ton plus fort. Ainsi, un présentateur de la chaîne Rabaa avait déclaré que les diplomates et les investisseurs en Egypte « doivent quitter le pays », sous peine d’être pourchassés. Et après les affrontements entre les Frères et les forces de l’ordre le 25 janvier, le site en arabe de la confrérie appelait les militants de la confrérie au djihad. Selon Al-Naggar, cette radicalisation peut davantage se renforcer. Les Frères ont perdu le soutien populaire et la crédibilité politique à l’intérieur. Ils ont aussi échoué à mobiliser l’Occident contre le pouvoir, dit-il. « A l’inverse de ce qu’ils espéraient, l’Egypte maintient ses relations avec la plupart des pays arabes et occidentaux et s’ouvre politiquement vers de nouvelles forces comme la Russie et la Chine. Sur le plan régional, le pari des Frères sur l’axe turco-qatari n’a pas réussi à affecter le rôle régional de l’Egypte, surtout en ce qui concerne la cause palestinienne. Même les Frères en Tunisie ont commencé à critiquer les Frères égyptiens pour leur usage de la violence. Les indices montrent aussi que même le régime d’Omar Al-Béchir, au Soudan, conscient de ses intérêts stratégiques avec l’Egypte, lâche les Frères en faveur d’un rapprochement avec le régime d’Al-Sissi. Bref, cette radicalisation des Frères musulmans est contre-productive pour l’avenir de la confrérie », conclut Al-Naggar.
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