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Ahmad Ezz revient sur la scène

May Al-Maghrabi, Mardi, 17 février 2015

Défiant la révolte de 2011, le magnat du fer Ahmad Ezz, symbole du régime de Moubarak, se présente aux élections parlementaires. Déclenchant une vague d’indignation et de critiques.

Président de la compagnie du fer et de l’acier Ezz Steel, et secrétaire général du PND dissout, Ahmad Ezz est l’un des symboles honnis du régime Moubarak. Son nom a tou­jours été associé au « gouvernement des businessmen », emmené par Gamal Moubarak, dans les années 2000. Il a toujours été montré du doigt comme complice de Gamal Moubarak dans de nombreuses affaires poli­tiques et économiques: la privatisa­tion des sociétés publiques, la fraude des élections parlementaires de 2010 et le soutien du plan du transfert du pouvoir à Gamal Moubarak. Après avoir été poursuivi pour blanchiment d’argent et de gaspillage de fonds publics, à l’issue de la révolution, Ahmad Ezz s’est vu condamné à des peines allant jusqu’à 37 ans de prison en mars 2013. En août 2014, la Cour de cassation l’a libéré sous caution jusqu’à son rejugement pour un mon­tant de 5 millions et demi de L.E. Ce jeudi, il a déposé officiellement sa candidature pour les élections législa­tives dans une circonscription du gou­vernorat de Ménoufiya, où il a été élu député à maintes reprises à l’époque de Moubarak. Les habitants de sa cir­conscription l’ont accueilli par des slogans hostiles et ont mis le feu à des couvertures qu’il avait offertes comme pots-de-vin électoraux. Pour l’avocat de Ezz, Mohamad Hammouda, la candidature de Ezz aux législatives est « un droit consti­tutionnel qui lui est garanti au même titre que tout citoyen égyptien ».

Symbole de la contre-révolution, la candidature de Ezz comme d’autres membres du Parti National Démocrate (PND dissout) fait craindre aux forces révolutionnaires un revirement des principes de la révolution de 2011. Une crainte fortifiée par un mode de scrutin favorisant le scrutin individuel et une faiblesse des partis politiques actuels. Pour les forces révolution­naires, il s’agit d’une défaite de la révolution de voir des figures de l’ère Moubarak briguer les prochaines législatives. Une loi sur l’isolement politique, censée les exclure, a été déclarée inconstitutionnelle en 2012.

Abdel-Halim Qandil, écrivain de gauche, qualifie la candidature de Ezz d’« impudence politique ». « Quelle audace de la part de Ezz, après ses crimes tant politiques que pénaux, de se présenter aux élections pour repré­senter un peuple qui l’a renversé ? C’est décevant de voir aujourd’hui les membres du PND, qui ont bloqué la vie politique au cours des dernières décennies, reconquérir la scène poli­tique. Il paraissait évident d’avoir une loi sur l’isolement politique, qui aurait pu éviter le retour des feloul permettant d’élire un Parlement représentatif de la révolution », déplore Qandil. Il explique que ce mode de scrutin fraye la voie à l’ar­gent politique et aux réseaux d’inté­rêts. « Cette affaire illustre le risque de voir un Parlement à l’instar de ceux de l’ère de Moubarak, basé sur les intérêts et insoucieux des ques­tions de libertés, de la lutte contre la corruption ou de la justice sociale », estime Qandil. Avis partagé par le politologue Gamal Zahrane, qui met en garde contre le poids et le danger que représentent les caciques de Moubarak. « Ces hommes fortunés et influents ont constitué l’un des princi­paux réseaux d’intérêts illicites du pays pendant des décennies. Rodés en matière d’élections et fortunés, leurs chances de rafler les sièges du Parlement aux élections législatives s’accentuentgrâce à la loi électorale, attribuant 80% des sièges au scrutin individuel. Et ceci alors que les partis politiques restent fragmentés et n’ont pas de bases populaires leur permet­tant d’avoir une représentation effi­cace au Parlement », redoute le poli­tologue Gamal Zahrane. Il ajoute que le régime du président Al-Sissi se trouve embarrassé par cette situation. « Coincé entre les péchés de deux régimes, celui de Moubarak et des Frères musulmans, le régime du pré­sident Al-Sissi se trouve dans une véritable impasse. Non seulement parce qu’il doit marquer une rupture avec les anciens régimes pour ne pas être accusé de vouloir saper la révo­lution, mais aussi à cause des larges prérogatives constitutionnelles attri­buées au nouveau Parlement », conclut Zahrane.

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