Le compte à rebours a commencé. Le dépôt des candidatures qui s’est ouvert le 10 février permet aux candidats de déposer leur candidature pendant dix jours. La commission électorale a annoncé que les élections législatives se dérouleront en deux étapes. La première les 22 et 23 mars pour les gouvernorats de Haute-Egypte, de la mer Rouge, Alexandrie, Marsa Matrouh et Guiza. Et la seconde étape se tiendra les 26 et 27 avril, et comprendra le gouvernorat du Caire, les gouvernorats de Basse-Egypte, le Sinaï et ceux du Canal. Ces élections législatives marqueront ainsi la fin de la troisième et dernière étape de la feuille de route. Mais les partis politiques sont-ils prêts pour cette prochaine course électorale ?
Il semble qu’à un mois des élections législatives, la scène politique et électorale soit toujours fragmentée. Les partis politiques ont échoué à se rassembler en une liste unique et peinent encore à définir leurs propres listes. A rappeler que sur un total de 567 sièges, 420 sièges sont consacrés aux candidats élus au scrutin individuel et 120 au scrutin par liste. Le président de la République peut nommer 5%, soit 27 sièges du nombre total des députés.
Jusque-là, les listes électorales présentées par les partis politiques changent de formes, de membres et de candidats chaque jour. Ces derniers jours ont témoigné de grands changements dans la carte des alliances des partis politiques. Un bon nombre de partis, dans leur ensemble « révolutionnaires » ont décidé de boycotter les élections. Ainsi, si la semaine dernière certaines listes occupaient le devant de la scène, cette semaine, celles-ci sont inexistantes, tandis que de nouvelles listes prennent leur essor.
L’alliance de l’ancien premier ministre Kamal Al-Ganzouri a disparu, laissant place à une nouvelle coalition « Pour l’amour de l’Egypte ». Si pour certains la raison de son échec est le nom d’Al-Ganzouri et le fait de rassembler d’anciennes figures de l’ancien régime, d’autres estiment que cette liste n’a pas disparu et n’a fait que changer de nom. De même, la liste « Vive l’Egypte » a disparu après que son fondateur, l’ambassadeur Mohamad Al-Orabi, ait décidé de rejoindre la nouvelle alliance « Pour l’amour de l’Egypte » laissant sa coalition se dissoudre.
La carte des alliances en pleine formation
Aujourd’hui, la scène renferme un total de huit coalitions dont la plus grande qui s’est imposée sur la scène est « Pour l’amour de l’Egypte » qui renferme, entre autres, les partis Les Egyptiens libres et le mouvement Tamarrod, ainsi que certaines personnalités publiques. Cette alliance, qui n’a pas hésité à utiliser la photo du président Al-Sissi pour leur campagne électorale, est vue comme la liste proche du régime et soutenue par certains appareils de l’Etat. Le politologue Emad Gad, membre de la coalition, explique: « Cette coalition a tenté de faire ce que les autres partis ont échoué à réaliser, rassembler le plus grand nombre de personnalités et de partis en une seule liste nationale ». La seconde liste, celle du Wafd égyptien, renferme le parti Wafd, le parti des Conservateurs, le parti de la Réforme et du Développement, le parti du Congrès, Al-Ghad (le lendemain). Comme l’explique Essam Chiha, membre du comité suprême du néo-Wafd : « La coalition d’Al-Wafd a décidé de rejoindre la coalition Pour l’amour de l’Egypte pour le scrutin par liste uniquement. La liste d’Al-Wafd sera en concurrence avec cette coalition en présentant 250 candidats au scrutin individuel ». Cette décision, selon Chiha, vise à ne pas disperser les voix des électeurs. La troisième coalition est celle du « Réveil de l’Egypte », formée par l’ancien opposant, Abdel-Guélil Moustapha. Cette liste avait commencé en position de force sur la scène politique et se trouve actuellement affaiblie après le retrait de la Coalition socialiste (Al-Tahalof Al-Chaabi), le parti de la Constitution (Al-Dostour), et le Mouvement populaire (Al-Tayar Al-Chaabi) de l’ancien candidat à la présidentielle Hamdine Sabahi.
Ensuite vient la coalition du Front égyptien, qui renferme surtout des figures de l’ancien régime de Moubarak, avec en tête Ahmad Chafiq et Moustapha Bakri. Enfin vient la Coalition de la justice sociale qui renferme certains partis et mouvements de tendances nassérienne.
Pour le politologue Abdallah Al-Moghazi, si la scène politique actuelle est fragmentée, c’est uniquement à cause des partis politiques qui cherchent leurs propres intérêts. « Les partis politiques, sans exception, se battent pour fourrer le plus de candidats portant leur étiquette sous la coupole. Ils cherchent à rassembler des personnalités, des célébrités et des stars de talk-show pour les rejoindre, tout en négligeant leur lien à l’ancien régime ou même à la confrérie», dit-il. Et d’ajouter: « Si la carte des alliances reste jusqu’à aujourd’hui indéfinie et en constants changements, c’est que les partis se battent entre eux pour leurs quotas dans ces listes ».
Un avis que partage Al-Azabawi, qui explique que tous les partis politiques ont commis la grave erreur de se battre uniquement sur 1/5 des sièges, négligeant la grande partie du Parlement élu au scrutin uninominal. « Les partis ont déployé toutes leurs énergies pour s’emparer de 120 sièges, négligeant la campagne électorale pour les 420 autres sièges ». En effet, selon les spécialistes, ce sont surtout les hommes d’affaires, dont la grande majorité sont des figures ou des membres de familles de l’ancien régime de Moubarak qui vont en profiter. Les partis islamistes aussi, notamment Al-Nour qui, eux, au contraire, ne sont pas en concurrence dans ces différentes coalitions et qui se sont contentés de former des listes individuelles, tout en concentrant leurs efforts pour le scrutin uninominal.
Un Parlement dominé par les businessmen
Après cette fragmentation, à quoi ressemblera le prochain Parlement? Al-Moghazi explique que cet espace politique négligé par les partis sera facilement occupé par les businessmen et les islamistes qui, eux, pourront facilement financer leurs campagnes et qui jouissent du soutien des grandes familles et des partisans. Ainsi de facto, plus de 50% des sièges iront aux hommes d’affaires, 15 à 20% aux islamistes, et le reste aux partis et forces politiques.
De plus, quatre ans après la révolution de 2011, les forces révolutionnaires seront quasi inexistantes dans le nouveau Parlement. « Même les forces ou les mouvements dits révolutionnaires sont restés faibles et n’ont pas réussi à s’imposer sur la scène politique. Ils se sont contentés de se retirer de la scène. Ils n’ont dans le fond rien pu réaliser, et leur retrait n’a pu avoir suffisamment d’influence dans la rue », explique Al-Azabawi.
Ce découpage sera très préjudiciable, car de nouveau, ce sont les hommes d’affaires qui auront en main toutes les législations et de larges pouvoirs selon la Constitution. Le président ne peut pas dissoudre le Parlement, mais peut soumettre cette question par référendum. Si le peuple refuse de dissoudre le Parlement, le président doit démissionner. En outre, le Parlement peut accuser le président de trahison ou de violation de la Constitution et peut s’opposer à la nomination du premier ministre. Cette répartition des sièges au Parlement laisse donc présager, sous la pression des hommes d’affaires, un retour au clientélisme politique.
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