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L’Egypte en brouille avec le Hamas

May Al-Maghrabi, Mardi, 10 février 2015

Après la décision de la justice de déclarer organisation terroriste la branche militaire du Hamas, le mouvement palestinien a déclaré « ne plus accepter la médiation de l’Egypte dans le processus de paix».

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La tension est montée entre l'Egypte et Hamas après la décision de la justice qui a déclaré les Brigades d'Al-Qassam « organisation terroriste  ». (Photo: AP)

La tension monte entre l’Egypte et le mouvement palestinien Hamas après la décision de la justice de déclarer les Brigades Ezzeddine Al-Qassam, bras armé de ce mouvement, organisation terroriste. Le verdict a fait suite à l’attentat d’Al-Ariche au Nord-Sinaï qui a coûté la vie à 40 militaires. Tout avait commencé lorsqu’un avocat a porté plainte accusant la branche armée du Hamas d’être directement impliquée dans des opéra­tions terroristes dans le Sinaï. L’avocat imputait au mouvement l’utilisation de tunnels entre l’Egypte et Gaza pour faire du trafic d’armes et mener des attaques contre la police et l’armée. Le juge a estimé que « les documents présentés par le plaignant à la cour prouvaient que l’orga­nisation avait mené des attentats prenant pour cibles l’armée et la police égyptiennes ».

Réagissant au verdict, le Hamas a dénoncé cette semaine « une dangereuse décision poli­tique qui ne sert que les intérêts de l’occupant israélien ». Des centaines de Palestiniens ont manifesté, vendredi, devant l’ambassade d’Egypte à Gaza pour exprimer leur soutien à la branche armée du Hamas. « Nous appelons les autorités égyptiennes à revenir sur cette sanc­tion. Ceux qui cherchent à saper la sécurité de l’Egypte dans le Sinaï sont des ennemis de l’in­térieur, et non le Hamas ou les Brigades Ezzedine Al-Qassam», a déclaré Salah Al-Bardawil, un responsable du Hamas. Pour sa part, le porte-parole du Hamas dans la bande de Gaza, Sami Abou-Zouhir, a déclaré que son mouvement refusait « que le nom des Brigades Al-Qassam soit mêlé aux affaires internes de l’Egypte ». La branche militaire du mouvement a affirmé jeudi dernier dans un communiqué que « les armes des Brigades d’Al-Qassam s’orientent toujours contre l’Etat d’occupation, jamais contre les Arabes, encore moins contre le grand frère et voisin, l’Egypte ».

Depuis la chute du président islamiste Mohamad Morsi, issu des Frères musulmans, les relations entre l’Egypte le Hamas se sont nette­ment dégradées. L’Egypte accuse ce dernier de soutenir les Frères musulmans, classés organisa­tion terroriste, et d’apporter argent et armes à travers les tunnels de contrebande entre le Sinaï et Gaza, aux groupes terroristes. En mars 2014, la justice avait déjà interdit toutes les activités du mouvement en Egypte. Après l’attentat d’oc­tobre dernier causant la mort de 30 soldats, une zone tampon avait été créée dans la zone fronta­lière de Rafah et les tunnels détruits. Samir Ghitas, président du Forum du Moyen-Orient pour les études stratégiques, impute au Hamas la détérioration des relations entre l’Egypte et le mouvement palestinien. « Le Hamas se trouve aujourd’hui isolé politiquement et dans une situation économique délicate du fait de son alliance avec les Frères musulmans. En privilé­giant son appartenance à la confrérie au détri­ment de sa qualité de mouvement de résistance, il a perdu sa crédibilité et nui à la cause palesti­nienne », estime Ghitas. Selon lui, ce verdict ainsi que les positions prises par l’Egypte à l’égard du Hamas s’inscrivent dans le cadre de la « protection de la sécurité sur le territoire natio­nal ». « Le Hamas n’est pas innocent comme il le prétend. Les garde-frontières ont saisi dans des tunnels, avant les derniers attentats, une grande quantité d’armes du même type que celles utili­sées contre plusieurs positions militaires lors des attentats d’Al-Ariche », affirme Ghitas. Il minimise l’impact de ce verdict sur les relations égypto-palestiniennes et son rôle dans le proces­sus de paix. « Malgré la détérioration des rela­tions avec le Hamas, l’Egypte maintient de solides rapports avec l’Autorité palestinienne, qui est le représentant légitime de la Palestine », ajoute Ghitas.

Pourtant, Moustapha Kamel Al-Sayed, profes­seur de sciences politiques à l’Université du Caire, pense que ce verdict risque de nuire à la cause palestinienne et au rôle de l’Egypte. « Taxer un mouvement de résistance de mouve­ment terroriste nuit à la cause palestinienne. Un tel verdict prive le peuple palestinien d’un sou­tien régional d’autant plus qu’il donne un pré­texte à Israël pour le réprimer. La rupture du Hamas avec Le Caire pourrait aussi nourrir le blocage de la réconciliation avec le Fatah. Un élément de plus qui complique les négociations de paix », redoute Al-Sayed. Il ajoute que si certains membres du Hamas sont impliqués dans des attentats dans le Sinaï, il faut s’assurer que leur présence émane d’une décision des respon­sables du mouvement.

Pour le politologue, Yousri Al-Azabawi, la dégradation des relations avec le Hamas s’inscrit dans un cadre plus large lié à la stratégie des Frères musulmans et visant à faire monter les protestations contre le régime. « On ne peut pas réduire la Palestine au Hamas qui est une fac­tion de poids, mais qui ne représente pas à lui seul la cause palestinienne. En gardant la main tendue vers les Frères musulmans, le Hamas ne fait que défier le régime et déchaîner la colère du peuple égyptien. C’est dans ce contexte qu’il revient au Hamas et non pas à l’Egypte de reconsidérer son attitude », souligne Al-Azabawi. Il n’exclut pas un retour à la nor­male dans le cas où le Hamas déciderait de réo­rienter sa politique. « Le Hamas a besoin d’un retour à la normale avec l’Egypte, principal médiateur de la question palestinienne, mais aussi seule porte sur le monde extérieur pour la bande de Gaza. Dans l’attente d’un signe d’apaisement de la part du Hamas, les relations ne vont pas s’améliorer tant que le terrorisme frappera le Sinaï et que la contrebande d’arme persistera », conclut-il .

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