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La réforme religieuse dans le jeu

Najet Belhatem, Mardi, 20 janvier 2015

Le terrorisme et la violence au nom de l’islam font couler beaucoup d’encre. La réforme religieuse est d’actualité. Certains pointent du doigt l’Arabie saoudite, d’autres les institutions religieuses.

La reforme
Là est la question ... L'extrémisme engendre l'oppression ou l'oppression engendre l'extrémisme ... Caricature de Anouar dans Al-Masry Al-Youm

« Eradiquer le terrorisme de la région res­tera lettre morte tant que l’Arabie saoudite ne mènera pas une révolution globale contre beaucoup de causes qui engendrent ce fléau », affirme Emadeddine Hussein, dans sa colonne publiée dans le quotidien Al-Shorouk : « L’une des principales causes du terrorisme actuel réside dans les idées wahhabites léguées par Mohamed Ben Abdel-Wahab (1803-1891), il est vrai qu’il a combattu pas mal de charlata­nisme, mais sa pensée est la base sur laquelle se fondent les mouvements terroristes dans le monde musulman jusqu’à présent ». Mais l’auteur se ravise vite d’aller plus loin dans son analyse et adoucit sa critique. « Le gou­vernement saoudien qui souffre du fondamen­talisme doit mettre en place une campagne d’épuration des idées fondamentalistes. Il est vrai que Daech s’est répandu en Iraq et en Syrie, mais son réel terreau, c’est l’Arabie saoudite et quelques pays du Golfe ».

Il est difficile de voir le voeu de l’écrivain se concrétiser à la lumière de l’actualité encore très proche, et il est question ici de l’affaire de Raëf Badaoui, blogueur saoudien. Raëf, 31 ans, a été condamné en novembre dernier à dix ans de prison, une amende de 266000 dollars et à… 1000 coups de fouet pour insulte à l’islam.

« En Egypte, une cour a condamné un jeune étudiant égyptien de 21 ans à trois ans de prison pour insulte à la religion après que ce dernier eut été accusé d’athéisme », rapporte le journal libanais Al-Safir. Nouvelle qui a été reprise également par la presse égyptienne sans faire de vagues. Fait également étonnant: la presse égyptienne s’est contentée de reprendre la couverture de l’Agence France Presse. « Ishaq Ibrahim, le chercheur au sein de l’ONG l’Initiative égyptienne pour les droits individuels, a déclaré à France presse qu’un journal local a mentionné le nom de l’étudiant comme étant athée après son arrestation et ce dernier a été importuné par les voisins dans son quartier. Quant à l’avocat Abdel-Nabi, il a déclaré que le père de l’étudiant a témoigné contre lui et l’a accusé d’avoir adopté des idées fondamentalistes contre l’islam », lit-on sur le site d’informations égyptien Veto Gate. Quant à Al-Safir, il ajoute que « la Constitution égyptienne garantit la liberté de culte, mais les lois incriminent les insultes aux trois religions monothéistes. En juin dernier, des verdicts de six ans de prison ont été émis par une cour égyp­tienne contre un homme pour insulte à l’islam et incitation à la dissidence confes­sionnelle. Une institutrice est accusée du même fait. En 2012, une autre cour a condamné à trois ans de prison un blo­gueur pour la même raison ».

Cela nous mène à un article publié dans le journal libanais Al-Nahar sur le rôle des institutions religieuses officielles et offi­cieuses face aux « explosions que vit l’is­lam ». Son auteur Khaled Ghazal dit : « On ne peut nier que ces institutions face à la violence ont donné et donnent des réponses de l’ordre que la religion musul­mane refuse de tels actes. Or, le débat ne tourne pas autour de l’essence d’une reli­gion humanitaire, mais autour de textes jugés sacrés et valables pour tous les temps. Ces institutions passent sous silence les versets qui appellent à la violence, et elles refusent d’émettre des fatwas disant que ces versets sont désormais obsolètes. Et ce silence est une légitimation des actes de Daech ». Et de conti­nuer: « Dans le monde musulman, la légende de l’Etat islamique et du califat est toujours vivace dans les esprits des institutions reli­gieuses. Pourtant, cet Etat islamique n’a jamais existé. Le califat a toujours été un Etat politique qui instrumentalise la religion et les institutions religieuses. Une relation non sacrée s’est ainsi installée entre ces institu­tions et l’autorité politique. Cette dernière permet aux religieux de répandre leur culture et en contrepartie, ces derniers offrent aux politiques la légitimité religieuse ». Et cela continue encore. Pour l’auteur, est-il possible dans ces conditions de parler de réforme de la religion? La réforme ne peut se faire, selon lui, que de l’intérieur de ces institutions: « La réforme religieuse en Europe n’a pu réussir sans les schismes à l’intérieur de l’institution religieuse depuis le début. L’Eglise a dû pen­dant des siècles se soumettre à des processus de réformes dont le plus important est survenu en 1962-1965 et a été une étape dans sa vision ». Pour ce qui est des institutions isla­miques, « la bataille de la réforme doit passer par une lutte pour ne plus exploiter la religion dans les conflits politiques ».

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