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La police auxiliaire voit le jour

May Al-Maghrabi, Mardi, 23 décembre 2014

Une nouvelle catégorie de policiers va être créée et recrutée sur simple certificat des études préparatoires. Ce qui soulève un vif débat : elle aura, en effet, le droit de procéder à des arrestations.

La police
Al-Sissi a ratifié un amendement de la loi permettant la création d'une nouvelle catégorie d'agents de police. (Photo : Reuters)

Le président Abdel-Fattah Al-Sissi a ratifié, cette semaine, un amendement de la loi sur la police, permettant la création d’une nouvelle catégorie d’agents de police: les agents auxiliaires. Il s’agit de sous-officiers recrutés avec le certificat des études préparatoires. La loi leur octroie des pouvoirs judiciaires, dont le droit d’arrêter les citoyens et le droit de rédiger des procès-verbaux. Le recrutement de ces nouveaux policiers a commencé le 27 septembre dernier (et continuera jusqu’au 17 janvier 2015). La première promotion sera composée de 1500 agents qui prendront leurs fonctions en septembre 2016 après une période d’étude de 18 mois qui débutera au mois de mars prochain. Selon les critères d’admission, établis par le ministère de l’Intérieur, l’âge des personnes recrutées est compris entre 18 et 23 ans. Il faut pour se présenter avoir une taille minimum de 170 cm, être en bonne santé et être apte physiquement. Les candidats doivent être titulaires du certificat des études préparatoires ou son équivalent. Ils doivent être Egyptiens de souche, ne pas être naturalisés, et être de parents égyptiens. Ils doivent, de même, avoir un casier judiciaire vierge. Enfin, ils ne doivent pas être licenciés de la fonction publique.

Une nécessité sécuritaire

Pourquoi cette nouvelle police ? Et surtout pourquoi donner le droit de procéder à des arrestations à des policiers, dont le niveau d’étude est le certificat des études préparatoires, alors qu’il existe des agents de police qui sont déjà en service et qui sont recrutés avec le baccalauréat ?

Les responsables au ministère de l’Intérieur affirment que cette police servira à élargir l’appareil de sécurité pour pouvoir faire face aux « défis colossaux auxquels il est confronté ». En effet, depuis la destitution du président islamiste Mohamad Morsi en juillet 2013, les forces de sécurité sont régulièrement prises pour cible. Selon les statistiques du ministère de l’Intérieur, 500 policiers ont été tués dans des actes terroristes depuis cette date. Le général Adel Réfaat, assistant du ministre de l’Intérieur pour les affaires du personnel, a déclaré lors d’une conférence de presse au Club de la police que la création de cette nouvelle police vise à « renforcer les rangs des appareils de sécurité en ayant recours à une nouvelle génération de jeunes. Les jeunes qui seront recrutés suivront des études et un entraînement de très haut niveau. Les nouveaux agents de police travailleront dans plusieurs secteurs dont la défense civile, le service des passeports, celui de la circulation et bien sûr la sécurité ». Des arguments qui ne dissipent pas les craintes de Mohamad Zarée, président de l’Organisation arabe pour la réforme pénale. Zarée se demande quelle est l’utilité de créer une nouvelle catégorie de policiers, surtout qu’il existe déjà des sous-officiers de police. « Octroyer de larges prérogatives à des personnes de formation et de culture médiocres engendrera des problèmes. Les gens doivent avoir confiance en la compétence et l’honnêteté des instances exécutives. Mais l’octroi de pouvoirs judiciaires à des titulaires du certificat des études préparatoires créera des problèmes avec les citoyens qui n’auront plus confiance dans les procédures », pense Zarée. Il rappelle qu’une expérience similaire a eu lieu il y a quelques années avec les « délégués de police ». « Ces délégués étaient aussi des jeunes admis avec le certificat des études préparatoires. Ils suivaient des études dans une académie spéciale pendant 3 ans. Mais les abus et les dérives de cette catégorie ont poussé le ministère de l’Intérieur à l’annuler, et cette académie a été fermée il y a 4 ans », affirme Zarée. Et d’ajouter : « C’est vrai que la police a besoin de plus de personnel pour affronter les défis du terrorisme et de la hausse de la criminalité. Mais cela peut se faire à travers d’autres moyens, comme l’augmentation du nombre de recrus à l’Académie de Police et des agents de police déjà existants », conclut Zarée.

Avis partagé par l’ex-général de police, Tareq Hamad, qui estime que les titulaires du certificat des études préparatoires ne sont pas suffisamment qualifiés pour accomplir cette mission. « C’est illogique de mettre à pied d’égalité, en ce qui concerne les pouvoirs, un officier de police qui a fait 4 ans d’études supérieurs à l’Académie de Police et qui a obtenu un diplôme de droit, et un quasi-illettré. Dresser un procès-verbal est une question délicate, et ce pouvoir ne doit pas être attribué à n’importe qui. Au lieu de se surcharger avec un nouveau personnel non qualifié, mieux vaut améliorer les compétences des officiers », estime Hamad.

Armée d’hommes de main

Pour sa part, Gamal Eid, avocat et activiste de droits de l’homme, redoute que cette police ne soit qu’une armée d’hommes de main pour réprimer les libertés. Il s’interroge: « Le choix de ces catégories laisse craindre une volonté d’user de ces gens comme un outil de répression ». Des craintes exagérées pour l’expert sécuritaire, Fouad Alam, qui trouve qu’il s’agit d’une initiative positive qui permettra de renforcer la police. « La police est tiraillée entre la sécurisation des installations, des rues, des matchs, des personnalités publiques visées. Pourquoi ne pas créer une catégorie intermédiaire entre l’officier et le soldat », estime Alam. Quant au droit de procéder à des arrestations, il vise, selon lui, à officialiser les procédures, mais c’est le Parquet général qui décide de l’acte d’accusation, estime Alam. Au-delà des compétences mêmes de cette catégorie policière, c’est le but même de sa présence qui alimente les interrogations. « Tout le monde sait que les appareils de sécurité ont recours à des hommes de main. S’agit-il alors d’un moyen pour légaliser ces hommes de main ? », s’interroge Amal Charaf du mouvement du 6 Avril. Pour d’autres, la création de cette catégorie de policiers vise simplement à remplacer les anciens agents de police, auteurs de plusieurs grèves.

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