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Terrorisme : Une loi dissuasive

Héba Nasreddine, Mardi, 09 décembre 2014

La nouvelle loi sur les entités terroristes vient d’être ratifiée. Jugée nécessaire par certains pour lutter contre la violence, elle est critiquée par d'autres pour ses termes « vagues et imprécis ».

Terrorisme
Le terrorisme s’est intensifié depuis la destitution de l’ancien président islamiste Mohamad Morsi en juillet 2013. (Photo : Reuters)

Le projet de loi sur les enti­tés terroristes a été officiel­lement approuvé, la semaine dernière par le Conseil des ministres. Elaborée par la Haute Commission de réforme légis­lative, la loi devrait être adoptée après ratification par le président de la République qui exerce le pouvoir législatif jusqu’à l’élection du Parlement. La nouvelle loi sera valable trois ans, et s’appliquera à toutes les « entités » qui exercent des activités en Egypte. Elle considère comme « terroriste » toute associa­tion, organisation ou groupe qui « appelle ou cherche, par n’importe quel moyen, à troubler l’ordre public, à nuire à l’intérêt public, à porter atteinte à la sécurité et à l’unité nationale, à entraver le travail de la justice et des établissements éducatifs ou sanitaires, et à nuire aux individus, à les terroriser ou à menacer leurs vies et leurs biens ». En vertu de la loi, le Parquet général doit élaborer une liste des « entités terroristes ».

Toute entité figurant sur cette liste sera dissoute. Ses locaux seront fer­més, et ses biens gelés. En outre, les dirigeants de cette entité seront tra­duits en justice. Le procureur est appelé aussi à rédiger une liste de « terroristes ». Celle-ci comprendra toute personne qui « participe volon­tairement à une activité terroriste, qui la facilite ou qui agit au nom d’un groupe terroriste, sous sa direc­tion ou en collaboration avec lui et contre qui des verdicts ont été pro­noncés confirmant une implication criminelle ». Toute personne inscrite sur cette liste sera privée d’exercer ses droits politiques et syndicaux. Les deux listes seront obligatoire­ment examinées par la Cour d’appel du Caire avant de les publier, en vue de poursuites localement et interna­tionalement. Elles seront renouve­lées après trois ans, sur ordre du tri­bunal. En vertu de la loi, le droit d’appel est permis dans un délai de 60 jours à compter de la date de publication des listes. La Haute Commission de la réforme législa­tive affirme que « cette loi vise à remédier au vide législatif dû à l’ab­sence d’une réglementation juri­dique sur le terrorisme. En fait, l’article 86 du code pénal définit le terrorisme de manière générale, mais n’évoque pas les entités terro­ristes. La nouvelle loi les définit en détail », note la commission dans son mémorandum. L’article 86 défi­nit le terrorisme comme étant tout « recours à la force, à la violence, à la menace ou à l’intimidation fai­sant partie d’un projet criminel indi­viduel ou collectif destiné à troubler l’ordre public ou à mettre en danger la sécurité et la sûreté publiques ». Sur le plan politique, cette loi sus­cite un vif débat. Si certains la trou­vent nécessaire pour faire face à la violence, d’autres y voient un moyen de répression. « Cette loi s’inscrit dans le cadre de l’engagement du régime à lutter contre le terrorisme. Elle donne au gouvernement les dispositions légales et les outils qui lui permettent de lutter contre ce fléau », assure l’expert de sécurité, Mahmoud Qatary. Et de rappeler que le terrorisme s’est intensifié depuis la destitution de l’ancien pré­sident islamiste Mohamad Morsi en juillet 2013, et l’arrestation de la majorité des dirigeants de la confré­rie des Frères musulmans. Plusieurs groupes terroristes opèrent depuis cette date dans le Sinaï et prennent pour cible la police et l’armée comme Ansar Beit Al-Maqdes et Agnad Misr. « Ces groupes extré­mistes continuent de perpétrer des attentats. Il est indispensable de rétablir l’ordre et la stabilité et mettre fin aux crimes commis par les terroristes », ajoute Qatary.

Sous le feu des critiques

Au sein de la classe politique et dans le milieu des droits de l’homme, la loi est sous le feu des critiques. « Les termes de cette loi sont à la fois vagues et imprécis. Elle accorde des pouvoirs répressifs aux autori­tés, restreint les libertés et permet à l’Etat de resserrer l’étau autour des militants anti-régime », dénonce l’avocat Khaled Ali, directeur du Centre égyptien pour les droits sociaux et économiques.

Même son de cloche chez Mahmoud Ezzat, membre du bureau politique des socialistes révolution­naires. Lui aussi juge la loi restric­tive. « Avec une telle loi, il n’y aura pas d’opposition en Egypte », dit-il sur son compte Facebook. Il s’op­pose au fait que la loi accorde au Parquet général le droit de placer des personnes sur des listes terro­ristes, alors que ce droit revient à la police. « C’est le retour de l’Etat policier. Les acquis de la révolution de 2011 sont partis en fumée », ajoute-t-il.

D’autres ne s’opposent pas au principe d’une telle loi rétablissant, mais contestent le monopole du gou­vernement dans la sa rédaction. « Promulguer une telle loi, sans consultations préalables avec les forces politiques et représentants de la société civile, soulève plusieurs interrogations », affirme Mohamad Zaree, avocat et président de l’Orga­nisation arabe pour la réforme pénale. « On comprend la volonté du gouvernement de lutter contre le terrorisme et son droit à maintenir l’ordre public, mais on redoute qu’elle ne puisse être mal exploitée à l’avenir pour resserrer l’étau autour de l’opposition », affirme-t-il, en insistant sur le fait que l’inscription de personnes sur les listes terroristes est un processus délicat qui nécessite des informations vérifiées. De son côté, Khaled Ali assure avoir pré­senté un recours contre la loi pour inconstitutionnalité. Le recours a été déposé devant la Haute Cour consti­tutionnelle.

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