Le rapport de 765 pages couvre les actes de violence survenus après les événements du 30 juin qui ont conduit à la destitution de l'ancien président islamiste Mohamed Morsi. Il inclut l'évacuation des sit-in de Rabaa Al-Adawéya et d'Al-Nahda, les incidents de la garde nationale et l'attaque des églises. Le document évoque d'abord l'évacuation du sit-in de Rabaa Al-Adawéya qui a fait officiellement 8 morts dans les rangs de la police, 156 blessés et 607 morts parmi les civils selon le rapport.
La commission, présidée par Fouad Abdel-Moneim Riyad, ancien juge du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie en 1995, et membre de l'Institut de droit international, fait porter la responsabilité des violences survenues pendant l'évacuation de Rabaa aux «dirigeants du sit-in et aux hommes armés qui s'y trouvaient ce jour là ». Le rapport souligne en outre que le sit-in des pro-Morsi « n'était pas pacifique » et que l'objectif premier des forces de police était de déloger les sit-inneurs mais que celles-ci ont été contraintes de tirer à balles réelles pour répondre aux coups de feu des sit-inneurs. « Il y avait des armes à feu sur la place et des munitions. Le premier blessé était dans les rangs de la police à 7h15, et le premier tué était aussi dans les rangs de la police », précise le rapport. Et d'ajouter que la police a déployé tous les efforts possibles pour évacuer pacifiquement les sit-inneurs mais leurs efforts ont échoué. « La police a du riposter à des tirs de la part des manifestants armés. Les forces de l'ordre avait lancé un ultimatum aux sit-inneurs pour quitter la place en toute sécurité. Certains sont sortis tandis que d'autres ont refusé. La police a utilisé la force progressivement, d'abord en utilisant des canons à eau et des gaz lacrymogène. Les balles réelles n'ont été utilisées que lorsqu'il y a eu des morts dans les rangs de la police », précise le rapport, qui accuse certains manifestants ayant refusé de quitter le sit-in d'être à l'origine des violences. Le rapport affirme cependant que les forces de police n'ont pas réussi à se concentrer sur les sources des coups de feu.
Concernant l'évacuation d'Al-Nahada, le rapport affirme qu'elle a fait 88 morts dont 2 dans les rangs de la police et 366 blessés (14 policiers). Là aussi, le rapport souligne la présence d'armes à feu et affirme que ce sont les manifestants qui ont commencé par tirer sur la police.
L'évacuation des sit-in de Rabaa et d'Al-Nahda remontent au 14 août 2013. Après la destitution du président islamiste Mohamed Morsi ses partisans campent sur les deux places et exigent son retour. Outre le rapport de la commission d'enquête, deux autres rapports ont été publiés sur les événements de l'après 30 juin. Le premier émane du conseil national des droits de l'homme, et le second de l'organisation Human Rights Watch. Tandis que Human Rights Watch parle de 1150 manifestants tués de « manière systématique » par les forces de l'ordre en juillet et août 2013, dont 817 pendant l'évacuation de Rabaa, le conseil national des droits de l'homme parle lui, de 632 morts et huit policiers tués. Omar Marwan, secrétaire général de la commission d'enquête explique que cette différence dans les chiffres est due à la répétition des noms des morts et des blessés. « Les noms de certaines personnes mortes ont été rapportés plus d'une fois », précise-t-il.
Concernant les incidents de la garde républicaine, le rapport affirme que les manifestants ont tenté de prendre d'assaut le bâtiment de la Garde républicaine pour libérer Mohamed Morsi, et ont tiré sur les forces de l'armée et de la police. Ces affrontements ont fait 61 morts dont 2 policiers. Les affrontements qui ont eu lieu près du mémorial du soldat inconnu à Madinet Nassr entre les pro Morsi et les forces de l'ordre ont fait un mort et 3 blessés parmi les policiers et 95 tués et 120 blessés parmi les civils, affirme le rapport.
La deuxième partie du rapport évoque les attaques contre les églises. 52 églises en tout ont été incendiées après le 30 juin, et 12 autres ont été attaquées. Le rapport accuse la confrérie des Frères musulmans d'être le commanditaire des attaques menées contre les citoyens chrétiens et leurs lieux de culte après la levée du sit-in de Rabaa. En fait, des églises et des maisons chrétiennes ont été attaquées et incendiées dans plusieurs gouvernorats d'Egypte après l'évacuation. Les islamistes avaient accusé à maintes reprises les chrétiens d'être derrière les manifestations qui ont conduit à l'éviction de Morsi.
Le rapport consacre un chapitre au Sinaï et parle de la souffrance du peuple du Sinaï à cause des groupes terroristes et de la guerre contre le terrorisme. Il recommande d'accroitre les efforts de développement dans la péninsule. En outre, le rapport parle de la violence dans les universités, où les affrontements ont fait 7 morts. 178 étudiants de l'université du Caire ont été placés en détention et 34 de l'université d'Ain Chams. Le rapport insiste là aussi sur le fait que les manifestations dans les universités n'étaient pas pacifiques.
Enfin, le rapport recommande l'indemnisation des victimes qui n'étaient pas impliquées dans des actes de violence ou de provocation. De même, il recommande de séparer le travail de prédication religieuse et le travail politique. Le rapport recommande aussi de développer les compétences de la police, de modifier la loi sur les manifestations, et de créer une loi pour la protection des témoins. Tout comme le rapport du conseil national des droits de l'homme, le document ne cite aucun témoignange des familles des victimes, ni des Frères musulmans, qui selon la commission ont refusé de parler.
Ce rapport sur les événements du 30 juin, soulève certaines critiques. « Le rapport émet une multitude de recommandations mais aucune d'entre elle ne demande à juger les coupables dans les événements sanglants qui ont suivi le 30 juin », lance Gamal Eid, directeur du réseau rabe pour l'information des droits de l'homme. Et d'ajouter que les critères internationaux n'ont pas été suivis dans la formation de cette commission. « Comment cette commission peut-elle être indépendante alors qu'elle a été formée par l'Etat qui est impliqué dans les violences ? ». Critiques rejetées par Fouad Riyad : « le rôle de la commission n'est pas de distribuer des accusations mais d'établir les faits et de les documenter », explique le juge. Selon lui, il faut faire la distinction entre l'Etat et le gouvernement. « Nous sommes une commission formée par le gouvernement pour établir la justice dans ce qui s'est passé. C'est le peuple égyptien qui nous paie et non pas l'Etat. Est-ce qu'on peut dire par exemple que la Cour constitutionnelle n'est pas indépendant de l'Etat ? », demande Riyad. Hafez Abu Séada, directeur de l'organisation égyptienne des droits de l'homme, et membre du conseil national des droits de l'homme, estime lui que le rapport est « bon ». Mais il reste selon lui à juger les coupables.
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