Mercredi, 22 janvier 2025
Al-Ahram Hebdo > Egypte >

« Révolution islamiste armée » : Un vendredi à haut risque

Ola Hamdi, Mardi, 25 novembre 2014

Demandant l'application de la charia, le Front salafiste appelle à une « révolution islamiste armée », ce 28 novembre. Les services de sécurité sont sur le qui-vive et préviennent que ces manifestations sont interdites.

« Les balles réelles et les tribunaux mili­taires sont à l’attente de tous ceux qui osent porter des armes lors de ces manifesta­tions », a prévenu le ministre de l’Intérieur, Mohamad Ibrahim. Il a ajouté qu’« aucune violation de la loi ne sera prise à la légère ». Sur terrain, les forces de sécurité intensifient les opérations sécuritaires. Lors de perquisi­tions, des dizaines d’islamistes accusés d’in­citation à la violence ont été arrêtés et des quantités d’armes ont été saisies.

Mohamad Ali Bechr, qui avait occupé le poste de ministre du Développement local sous Mohamad Morsi, a été arrêté jeudi. Il est accusé d’inciter à la violence et d’avoir lancé des appels à participer aux manifestations du 28 novembre. Le ministère des Waqfs a mis en garde contre toute participation à ces manifestations, les qualifiant de « prohi­bées », lors du sermon de vendredi dernier.

Des avertissements qui ne semblent pas dissuader le Front salafiste qui continue à mobiliser jusqu’à ce jour. « Nous allons lever le Coran dans toutes les rues et nous avons la capacité de nous défendre en cas d’agression des forces de sécurité », lit-on sur des tracts distribués dans la rue.

Cet appel a été lancé depuis quelques semaines par le Front salafiste, connu par son radicalisme et ses liens étroits avec les Frères musulmans. « Le 28 novembre sera l’intifada des jeunes musulmans, une révolution isla­miste contre la laïcité infâme, une révolution pour l’instauration de l’identité islamique et l’application de la charia », lit-on dans le communiqué du Front salafiste.

Le communiqué précise que les manifesta­tions auront lieu partout dans le pays et que les participants auront les moyens de se défendre en cas d’agression des forces de police. Hicham Kamel, porte-parole du Front salafiste, a déclaré que les manifestations prévues réclament l’application de la charia et que le seul slogan sera le Coran. « Nous ne défendons pas une conviction, une personne ou un régime. Nous ne réclamons pas le retour de Mohamad Morsi comme on le pré­tend. Le but de cette révolution est de réunir les islamistes de toutes tendances sous une seule bannière ».

Les Frères invités, pas acteurs

Les Frères musulmans ont apporté sur les réseaux sociaux leur soutien à cette initiative. « Les Frères musulmans soutiennent l’appel aux manifestations pour préserver l’identité de la nation, une cause pour laquelle le peuple égyptien, y compris les Frères musul­mans, s’est battu », a déclaré la confrérie dans un communiqué dimanche 23, sans pré­ciser si elle prendrait part aux manifestations.

Le Front salafiste nie que ces manifesta­tions soient organisées en soutien aux Frères mais ne s’oppose pas à leur participation. « Cette action politique n’est pas coordonnée avec les Frères mais tout le courant islamiste est appelé à y participer. Le but commun qui nous rassemble c’est la charia et l’Etat isla­mique envisagé », indique Kamel.

Parmi les groupes islamistes qui ont aussi annoncé leur participation à ces événements, figurent les jeunes des partis de l’Indépen­dance, les groupes membres de l’Alliance du soutien de la légitimité, les Ultras Nahdaoui et les partis salafistes d’Al-Asala, et Al-Fadila.

En revanche, Al-Daawa Al-Salafiya et son parti Al-Nour, seul allié islamiste de la révo­lution du 30 juin, rejettent ces appels, les qualifiant de complot visant à ternir l’image des salafistes, notamment à l’approche des élections. Sous le slogan de « l’Egypte sans violence », le parti Al-Nour a tenu une série de conférences publiques pour sensibiliser les citoyens au « complot » visant la patrie.

La Gamaa islamiya et son bras politique, le Parti de la construction et du développement, ont aussi déclaré qu’ils n’y participeraient pas. Adel Nasr, porte-parole d’Al-Daawa Al-Salafiya, indique que son groupe refuse l’instrumentalisation de la religion au profit de ce genre d’action politique. « Ces appels nuisent à l’ensemble des salafistes. Mais il ne faut pas mettre tous les mouvements sala­fistes dans le même panier. Nous croyons à l’action politique pacifique dans le respect de la légalité et de la démocratie », explique Nasr.

Le Front salafiste adopte une doctrine « takfiriste djihadiste », basée sur le change­ment par la lutte armée. C’est la pensée de ce Front qui inspire une grande partie des groupes terroristes notamment dans le Sinaï.

Mesures renforcées

Dans l’attente de ce jour risqué, le gouver­nement durcit le ton et minimise l’importance de ces manifestations. Mais le risque de débordement reste présent. C’est ce qu’es­time Sameh Eid, spécialiste des mouvements islamistes, qui prévoit une journée de vio­lence. « Le but de ces islamistes, hostiles au régime, est de déstabiliser le pays à l’ap­proche de l’anniversaire de la révolution du 25 janvier. En portant le Coran d’une main et une arme dans l’autre, les manifestants veu­lent pousser les forces de l’ordre à des affrontements sanglants. Le but recherché est de diaboliser le régime en le présentant au simple citoyen comme hostile à la religion ». Il appelle les forces de sécurité à la retenue pour éviter que ces islamistes radicaux ne puissent véhiculer l’image d’un régime qui réprime dans le sang les manifestations.

Lien court:

 

En Kiosque
Abonnez-vous
Journal papier / édition numérique