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Terrorisme : La lutte sur plusieurs fronts

May Al-Maghrabi, Mardi, 18 novembre 2014

Le terrorisme qui frappe le Sinaï vise pour la première fois les forces maritimes égyptiennes. Des experts redoutent l'expansion des groupes terroristes après l'annonce de l'allégeance d’Ansar Beit Al-Maqdes à l'organisation de l'Etat islamique.

 Les enjeux de la fusion d’Ansar Beit Al-Maqdes à l’EI
L'opération militaire en Sinaï a débouché la liquidation d'un nombre des éléments terroristes et l'arrestation d'autres.

Les cibles des attentats ter­roristes se diversifient avec l’attaque d’un navire mili­taire en Méditerranée, la semaine dernière. Une escalade qui intervient, des jours après l’allégeance d’Ansar Beit Al-Maqdes, le groupe terroriste le plus actif dans le Sinaï, à l’Etat islamique (voir enc). Beit Al-Maqdes se fait désormais nommer « Wilayat Sina ».

Jeudi dernier, deux policiers et trois soldats ont aussi été tués par des hommes armés dans deux attaques différentes dans le nord de la pénin­sule du Sinaï, où l’armée mène une campagne contre les fiefs terroristes. Lors de la première attaque, des inconnus ont exécuté deux policiers après leur avoir demandé de des­cendre d’une voiture. Dans la seconde, trois soldats qui étaient dans un taxi collectif ont été tués par des hommes armés. Au Caire, une bombe a explosé, jeudi matin, dans un wagon de métro, provoquant une bousculade qui a fait 16 blessés. Mercredi, une autre explosion a eu lieu dans le train de Mansoura fai­sant une dizaine de blessés.

Mais l’attaque du navire maritime est la plus meurtrière. C’est la pre­mière fois que les forces maritimes soient visées par des attaques terro­ristes. Mercredi 12 novembre, un navire de l’armée à Damiette, dans le Delta, était attaqué par des inconnus. Cinq militaires étaient blessés et transférés à un hôpital militaire, alors que 8 autres sont portés dispa­rus. Selon le communiqué présenté par le colonel Mohamad Samir, porte-parole de l’armée, le navire militaire a été attaqué, mercredi, par quatre bateaux non encore identifiés en Méditerranée. L’attaque a eu lieu à 70 kilomètres au nord-est du Delta du Nil, face au port de Damiette. La vedette de la marine qui se livrait à une patrouille de routine a été appro­chée par plusieurs bateaux de pêche qui ont ouvert le feu. L’équipage de la vedette a résisté, ce qui a permis aux hélicoptères de la base navale de Port-Saïd d’intervenir et de couler les bateaux des agresseurs. Le porte-parole a confirmé que les quatre bateaux utilisés étaient détruits et 32 personnes ont été arrêtées.

Tournant périlleux

Des zones d’ombre subsistent tou­jours sur les circonstances de cette attaque maritime. Les informations sont rares sur la nature de cette opéra­tion ainsi que sur ses auteurs. Des experts estiment qu’il s’agit d’un tour­nant périlleux dans les opérations ter­roristes, qui visent l’armée et la police depuis la destitution du président isla­miste Mohamad Morsi en 2013. L’expert en sécurité Sameh Seif Al-Yazal n’exclut pas le fait que les attaquants puissent avoir une nationa­lité étrangère, visant par là la Turquie et le Hamas palestinien. « Il s’agit d’une attaque maritime d’envergure qui ne peut être perpétrée qu’en coo­pération avec des services de rensei­gnements étrangers. Le but de l’opé­ration aurait été de capturer la vedette et son équipage. Les enquêteurs cher­chent à savoir si les attaquants ont reçu un soutien logistique étranger », a estimé Al-Yazal, dans des déclara­tions à la chaîne privée CBC. Pour sa part, l’expert militaire, Abdel-Moneim Al-Saïd, pense que les agresseurs sont partis du port de Damiette. C’est pour cette raison qu’ils n’ont pas été soup­çonnés par les gardes-côtes au début. « Le scénario le plus probable est que les attaquants sont des Egyptiens affi­liés à l’un des groupes terroristes qui activent dans le Sinaï », estime Al-Saïd. Il exclut le fait que ces bateaux de pêche proviennent d’une côte étrangère. « Il n’est pas possible que ces petits bateaux de pêche soient arrivés ni de la côte turque, vu la lon­gue distance qui sépare les deux pays, ni de la côte de Gaza, soumise à une surveillance des forces israéliennes. Il faudra prendre d’autres mesures dra­coniennes pour assurer le contrôle des frontières maritimes devenues une nouvelle cible des attaques terro­ristes », souligne Al-Saïd. 48 heures après l’attaque, des hommes encagou­lés, proclamant leur appartenance à l’Etat islamique, ont diffusé une vidéo sur Internet, revendiquant leur respon­sabilité de cette attaque maritime. La véracité de cette vidéo n’a pas encore été confirmée.

Contexte tendu

Cette attaque maritime intervient dans un contexte tendu, où l’Egypte est le théâtre d’attentats visant les forces de sécurité. Les terroristes ont concentré leurs attaques contre la police et l’armée dans le nord du Sinaï. Mais des observateurs redou­tent l’expansion du terrain d’opéra­tions terroristes, à cause de la vaste campagne militaire menée dans le Sinaï, suite au récent attentat meur­trier de Rafah au nord du Sinaï, qui a fait 30 morts parmi les militaires. A l’issue de cet attentat, l’armée a décidé de créer une zone tampon à Rafah. Ces opérations militaires en cours ont débouché sur la liquidation de dizaines d’éléments terroristes et l’arrestation d’autres personnes, dont certains appartiennent, selon les communiqués de l’armée, au groupe d’Ansar Beit Al-Maqdes. Toujours selon les forces armées, 77 fiefs ter­roristes ont été détruits au nord-Sinaï au cours des deux dernières semaines. Selon Ahmad Ban, spécialiste des mouvements islamistes, ces coups durs ont poussé ces groupes terro­ristes à multiplier leurs attaques en réponse à cette guerre anti-terroriste menée par l’armée dans le Sinaï. « L’expansion des opérations terro­ristes était prévue après l’intensifi­cation des coups militaires contre les groupes terroristes dans le Sinaï. Assiégé dans le Sinaï, le groupe Ansar Beit Al-Maqdes tente de prou­ver sa résistance à cette guerre. Sa tactique se base, actuellement, sur l’élargissement des terrains d’opéra­tions. Il vise à épuiser les forces militaires, en ouvrant de nouveaux fronts de confrontation, notamment aux frontières. Cette récente attaque maritime oblige les autorités sécuri­taires à combattre, dorénavant, sur les frontières terrestres et mari­times », indique Ban. Il met en garde contre de probables attentats terro­ristes menés à partir des frontières libyennes, où le déploiement sécuri­taire est médiocre. « La mission de l’armée se complique à cause de l’élargissement des fronts de combat. Les terroristes profiteront de la concentration des opérations mili­taires dans le Sinaï pour asséner de nouveaux coups à l’armée, dans d’autres endroits », prévient Ban. Il ajoute que cette attaque constitue une évolution dans leurs opérations dévoilant la capacité accrue des groupes terroristes, qui optent pour des frappes plus sophistiquées et plus ciblées. Cela exige une révision des stratégies sécuritaires.

Le groupe Ansar Beit Al-Maqdes a revendiqué vendredi, dans une vidéo, l’attentat suicide ayant provoqué la mort de 30 soldats dans le Sinaï le 24 octobre dernier. Sur la vidéo, un kami­kaze, dont le visage a été flouté, pro­met de nouvelles attaques contre les forces de l’ordre. « Le Sinaï va se transformer en une voiture piégée. Il sera une bombe qui détruira vos mai­sons. Nous allons vous décapiter, cou­per vos mains et vos jambes », lance la personne sur la vidéo. Une guerre morale à laquelle les forces armées n’ont pas tardé à y répliquer. Sur sa page Facebook, le porte-parole de l’armée a publié une vidéo intitulée « Le message de l’armée égyptienne à partir du Sinaï », montrant des extraits d’opérations militaires menées dans le Sinaï contre les fiefs terroristes. Des soldats affirment, dans cette vidéo, que l’armée égyptienne dispose de combattants habiles et courageux à la hauteur de ceux qui ont remporté la guerre de 1973 .

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