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Extraditions : La décision revient au président

May Atta, Mardi, 18 novembre 2014

Une nouvelle loi permet désormais l’extradition de ressortissants étrangers, ayant commis un crime sur le territoire égyptien.

Extraditions : La décision revient au président
Les journalistes d'Al-Jazeera condamnés en juin pourraient profiter de la loi permettant l'extradition de ressortissants étrangers. (Photo:Reuters)

Le président Abdel-Fattah Al-Sissi, a promulgué, mercredi dernier, une nouvelle loi permettant l’extradition de ressortissants étrangers pour être jugés dans leurs pays d’origine. Le porte-parole de la présidence, Alaa Youssef, a déclaré dans un communiqué que la loi était destinée à « pro­téger les intérêts du pays et à maintenir son image ».

Cette loi concerne les ressortissants étrangers accusés de crimes, de terrorisme ou d’espion­nage. Elle ne s’appliquera ni aux Egyptiens qui ont une double nationalité, ni aux étrangers impliqués dans des procès d’espionnage, de terrorisme ou de crimes touchant la sécurité nationale.

Au début du mois d’octobre, le Conseil d’Etat avait élaboré un projet de loi permettant au président d’ordonner l’extradition d’étrangers en vertu d’une note du Procureur général, et après l’approbation du gouvernement. L’extradition doit également être accepté par le premier ministre.

Pour Yousri Al-Azabawi, chercheur au Centre des Etudes Politiques et Stratégique (CEPS) d’Al-Ahram, cette loi porte atteinte à l’image de l’Etat fort et indépendant, véhiculé le président Al-Sissi. « C’est clair que le régime est soumis à de fortes pressions internationales en ce qui concerne le statut des droits de l’homme et des libertés. L’Egypte a besoin des dons internatio­naux et des crédits du FMI pour redresser son économie. C’est pourquoi Al-Sissi cherche, à travers une telle décision, à redorer le blason de l’Egypte et à amadouer l’Occident, dont il a besoin. Les pays pauvres n’ont pas d’autres choix que de se plier à ces pressions, pour des raisons de forces majeures », regrette Al-Azabawi.

Le 20 octobre dernier, Al-Sissi avait déclaré aux membres de la délégation de la Fédération des journalistes arabes, en visite au Caire, que la meilleure façon pour son pays de gérer les jour­nalistes étrangers, violant les lois égyptiennes était, de les expulser vers leur pays d’origine.

Les journalistes de la chaîne qatari Al-Jazeera, condamnés en juin à des peines de 7 à 10 ans de prison, pour soutien aux Frères musulmans et diffusion de fausses nouvelles, pourront tirer profit de cette loi comme l’explique Nasser Amin, membre du Conseil national des droits de l’homme. « Le président a besoin de ce genre de lois qui lui donnent une flexibilité dans les relations avec les pays étrangers, surtout les grands pays comme les Etats-Unis qui font sou­vent pression sur l’Egypte. Puisque les étran­gers ne sont pas accusés dans des procès qui menacent la sécurité nationale, il n’existe aucun danger à les extrader. Cette loi permet de regagner la confiance de la communauté inter­nationale », estime Amin.

Faciliter les extraditions

Nour Farahat, professeur à la faculté de droit à l’Université du Zagazig, souligne que l’Egypte avait signé il y a longtemps des accords avec 42 pays sur l’extradition, qui déterminaient les conditions du processus. « Il y a une différence entre quelqu’un qui est accusé dans son pays et qui s’est réfugié en Egypte et un étranger qui est accusé de crimes commis en Egypte. Il n’existe pas d’accord international qui organise ce dernier cas : ces accusés devaient donc être jugés par la juridiction égyptienne. La nouvelle loi permet désormais d’extrader les étrangers qui commettent des crimes en Egypte », explique Farahat.

Ahmad Ragheb, directeur du Groupe national des droits de l’homme estime, lui, que cette loi est inconstitutionnelle pour deux raisons. La première est qu’elle ne garantit pas l’équité entre les accusés égyptiens et étrangers. Selon lui, le procès des 43 ONG traduites en justice le 6 février 2012 pour financement illégal et tra­vail sans autorisation, en est la meilleure preuve. L’Egypte avait en effet extradé les 17 accusés américains sous le feu des critiques. L’indépendance de la Justice avait alors été mise en cause. La deuxième raison est que le président a le droit d’amnistier les accusés après la condamnation, et non pas durant la procédure, comme la loi le permet pour les étrangers .

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