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Le monde arabe dans le trou noir

Najet Belhatem, Mardi, 04 novembre 2014

Qu’est-ce qui nourrit la violence que connaît le monde arabe ? Qu’adviendra-t-il si les anciennes frontières venaient à disparaître ? Et jusqu’où mèneront les contradictions en jeu ?

La violence est-elle l’apanage des Arabes ? L’auteur Rita Farag, après une introduction dans laquelle elle relève que la violence est un fait lié à l’humanité depuis sa création, indique qu’elle a été secouée par les guerres et les massacres. « Mais certains se posent la question de savoir comment ce monstre s’est-il réveillé ? », écrit-elle dans le journal libanais Al-Safir, faisant allusion au groupe Daech. « Y a-t-il un terrain propice qui l’a aidé à sortir de l’obscurité du passé ? Les sociétés arabes sont devenues un laboratoire vivant pour qui veut, parmi les sociologues et psychiatres, étudier les raisons de la vio­lence, et ses fondements scientifiques mul­tiples. La violence religieuse est prépondé­rante chez les Arabes. Un nombre infini d’instituts et d’écoles religieux musulmans produit la culture du mépris de l’autre et de la mort. Et Dieu, y est représenté comme le vengeur. Le plus dangereux dans ce tableau, ce sont les institutions de l’Etat qui bénissent et passent sur le produit de cheikhs qui vantent la haine et la violence symbolique et matérielle. Farag avance qu’il y a malgré tout, des tentatives de réforme, « mais elles sont lentes et ne sont pas encouragées par les Etats. Politiquement parlant, les régimes arabes dictatoriaux ont transformé les sociétés en foyers de troubles, à cause du surplus d’oppression au nom d’un patriarcat imposant. Cela a engendré des niveaux de violence visibles dans les pays qui rejoi­gnent le train des révolutions arabes ». Pourquoi est-ce la violence qui a pris le dessus et non la démocratie? « Parce que l’Etat en tant que tel n’existait plus, et toute la déchéance historique et les maladies sociales refoulées sont montées à la sur­face », ajoute-t-elle.

Farag fait référence au célèbre psychiatre égyptien, Moustapha Safouane, qui consi­dère que les sociétés arabes sont en perpé­tuel deuil pour la liberté. Mais, elle ajoute qu’elles sont également dans un état dépres­sif qui fait qu’elles suivent sans réaction les tueries et les massacres. « Le monstre djiha­diste (Daech) a soulevé l’héritage histo­rique de la violence au sein de sociétés dépressives, et en otage de despotes reli­gieux ou politiques », poursuit-elle.

Dans un article publié par le site Al-Modon, Dalal Al-Bezri prédit un avenir noir à la région. « L’avenir proche porte en lui la suppression des frontières nationales, et l’émergence de nouvelles entités basées sur l’unité religieuse ou ethnique. Admettons que cela se réalise ». A supposer que les sunnites, les chiites, les kurdes, les alaouites…aient chacun son propre Etat. « Les kurdes auront à résoudre les diffé­rences entre kurdes iraqiens, syriens, et turcs, sans oublier les divergences entre les partis politiques, et la donne des kurdes qui ont combattu Daech ». Sunnites, Alaouites et autres, auront à affronter les divergences internes aussi. « La résolution de ces divergences ne sera que sanguinaire. Ceux qui ont parti­cipé à la création de ces Etats et qui auront la part du lion dans le par­tage du pouvoir ne laisseront pas tomber les armes facilement et s’en serviront pour affronter toute contes­tation ». L’auteur prédit des décades de guerre et de sang.

Un article paru sur le site d’infor­mations libanais Djenoubia revient sur la question de l’athéisme dans le monde arabe, et dont plusieurs jour­naux s’en sont déjà fait l’écho. L’auteur Ali Al-Amin fait référence à une déclaration de Hassan Nassrallah, secrétaire général du Hezbollah libanais: « Nassrallah a, notamment, dit que l’athéisme commence à débuter dans plusieurs pays arabes même en Arabie saoudite, en Egypte et ailleurs. Pourquoi? Que la situation va arriver au point de douter du Coran et du Prophète et de Dieu lui-même. Ils vont pousser les gens à rejeter l’islam ». Nasrallah faisait allusion aux actions des groupes djihadistes. Or, l’auteur de l’article note que cette déclara­tion est à double tranchant, car elle peut sous-entendre également que tout ce qui est en dehors de la religion et toute action poli­tique en dehors de l’islam politique, relève de l’athéisme. Dans ce monde arabe broyé par la tourmente, tout le monde semble piégé par les contradictions, même Washington. « En définitive, le fait de jouer sur les contradictions de la région a mené les politiques américaines droit dans le piège de ces mêmes contradictions. Pour défendre les intérêts de l’Iran, et vaincre Daech, les Etats-Unis ont besoin aujourd’hui de l’aide des tribus sunnites en Iraq, et de l’opposition modérée en Syrie, dont l’exis­tence a été niée par Obama. Et chaque partie a, bien sûr, des conditions dont d’abord mettre à l’écart l’influence ira­nienne dans la région. Ce qui contredit les objectifs américains », écrit Elie Fawaz dans un article publié par le site d’informa­tions Now. Que va faire alors Washington pour s’en sortir? Bref, une tragédie qui frôle l’absurde.

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