Vendredi, 11 octobre 2024
Al-Ahram Hebdo > Egypte >

De la géopolitique au sexe

Najet Belhatem, Lundi, 20 octobre 2014

Des éditos sur les élans de liberté face au colonialisme instauré par les accords de Sykes-Picot, à la barbarie face à ces mêmes accords. Et un regard satirique et critique sur les blagues et fatwas, seules échappatoires pour parler du sexe dans la société. Voilà le cru de la semaine.

Le monde arabe qui était jusque-là compris par la majorité des Arabes, est désormais flou à leurs yeux », écrit Sadek Al-Naboulssi dans le journal libanais Al-Safir. Il revient dans son édito sur l’ancien rêve du monde arabe uni qui ne l’a jamais été. Le paradoxe que vivent actuellement les Arabes réside dans le fait que l’appel à l’unité et à l’enthousiasme durant la première période coloniale qui a dessiné la carte de Sykes-Picot est allé en parallèle avec la montée des mouvements de libération nationale et du mouvement nationaliste qui s’est répandu sur la scène arabe.

Alors que les tourbillons du colonialisme qui s’abattent sur notre région aujourd’hui sont soulevés par l’esprit de Daech barbare qui s’active sur le front de la partition. Or, ce même Daech tend, sous prétexte d’annuler les frontières telles que définies par les accords de Sykes-Picot, à « redessiner la carte géographique politique dans la région, en détruisant le modèle de l’Etat national, et en voulant construire un modèle qui contrecarre le modèle Sykes-Picot.

Il a ainsi déclaré la création du gouvernorat de Forat qui réunit la ville syrienne de Albokamal et la ville iraqienne Al-Qaem, de telle sorte à annuler les frontières entre les deux pays imposées par les forces coloniales », écrit Abou-Bakr Dessouki, dans un article publié dans la revue périodique Al-Siassa Al-Dawliya publiée par Al-Ahram.

La revue consacre son numéro d’octobre aux mouvements djihadistes dans le monde arabe. Dans l’article de Dessouki qui fait office d’introduction au dossier, est relevé que l’organisation Daech ne s’inscrit pas dans la continuité tranquille des mouvements islamistes terroristes, notamment Al-Qaëda. « Quand Al-Boghdadi a déclaré son Etat islamique et s’est intronisé calife, il n’a pas été bien accueilli par les chefs du djihad mondiaux et ses théoriciens. L’un d’eux, Mohamed Al-Moqdessi, a publié un communiqué de sa prison en Jordanie où il a critiqué Al-Boghdadi et sa fatwa, selon laquelle tous les musulmans lui devaient allégeance en disant que cela mènerait à plus de morts musulmans et de divisions entre les factions djihadistes. Quant aux adeptes d'Aymane Al-Zawahri, le chef d’Al-Qaëda, ils ont publié une vidéo où ils rappellent que Ossama Ben Laden a plébiscité le mollah Omar, le chef des Talibans, comme chef des musulmans ». Et d’ajouter : « Les révolutions arabes ont dévoilé la régression de la génération d’Al-Qaëda mais elles ont été également l’occasion pour l’émergence d’une troisième génération de mouvements de la violence, qui ont profité des erreurs de ces révolutions et de l’anarchie qui s’en est suivie ».

Loin des turbulences régionales, revenons à la scène égyptienne avec un article paru dans Al-Masry Al-Youm signé Anouar Al-Houari et intitulé « Voilà pourquoi nous devons nous opposer à Al-Sissi ». Très mystérieux article à un moment où tout le monde pèse ses mots dans la presse égyptienne, mais en arrivant à sa fin l’on comprend qu’en fait l’auteur déclare : « Nous n’aurons pas de régime fort sans opposition forte, ni régime démocratique sans opposition démocratique ». Il appelle, donc, à l’existence d’une telle opposition. Revenons au début de l’article où il écrit : « L’homme a, entre les mains, un pouvoir absolu, et le pouvoir absolu est une corruption absolue. Il est à lui seul, le régime politique égyptien. Les médias sont derrière lui à corps et âme. Il a une grande popularité, ce qui manquait au régime avant. La population, comme les médias, n’y voit que le chef absolu ». Al-Houari poursuit en affirmant que l’opposition civile et démocrate est la seule à même d’enrichir le dialogue national. « L’opposition n’a pas besoin d’une autorisation du président, car la Constitution lui accorde ce droit ». Elle n’a donc pas d’excuses de ne pas exister, semble dire l’auteur.

Laissons tomber la politique et ses aléas pour plonger dans un article, toujours dans Al-Masry Al-Youm, intitulé « Tout me rappelle le sexe ». L’auteur Baraa Ashraf explique : « Les fatwas et les blagues ces jours-ci ont beaucoup de choses en commun. Les deux font rire et en majorité, elles concernent le sexe ». Pour l’auteur, les fatwas et les blagues sont le meilleur reflet de la société qui « refuse même l’idée. Le sexe est un péché absolu à l’infini, pour tous les âges. Il est gardé loin des enfants et des adultes. On en parle seulement via des blagues ou des fatwas … Le sexe dans notre vie est un mélodrame triste à un point inimaginable ». Et d’ajouter : « Il y a quelques mois, quelques sites web en Egypte ont publié ce qui a été considéré comme un scoop. Des vidéos sur lesquelles a été apposé le mot exclusif prises par des caméras sous le tunnel pour piétons à Al-Haram.

Qu’y a-t-il de si surprenant dans ce tunnel ? Des armes, des dealers de drogue ? Non pas du tout. Le tunnel d’Al-Haram est différent des tunnels de Gaza !! On voit sur la vidéo un jeune homme qui après avoir vérifié que le tunnel est vide de monde, vole un baiser à sa dulcinée. Plusieurs vidéos du genre ont circulé et cela s’est transformé en phénomène ! ». L’auteur poursuit : « Certains journaux ont dernièrement commencé à publier des articles du genre : Conseils pour acheter un bon soutien-gorge, et quelques lecteurs ont eu des problèmes avec ce genre de sujet. L’un d’eux a commenté : Pourquoi écrivez-vous sur ces sujets pornographiques ? ». Il est normal, continue Ashraf, que dans ces conditions, lors de toute discussion autour des libertés en général, « on vous accuse de vouloir, en fait, plus de liberté sexuelle. Et ainsi toute revendication concernant les libertés, toutes formes confondues, est jugée comme un appel à la liberté sexuelle. Vous vous rappelez peut-être la première accusation contre la place Al-Tahrir au début de la révolution exprimée par des acteurs et des personnalités publiques qui se sont tous soulevés pour dénoncer des relations sexuelles sur la place ! ».

Lien court:

 

En Kiosque
Abonnez-vous
Journal papier / édition numérique