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Tension à l’université

Héba Nassreddine, Mardi, 14 octobre 2014

Malgré des mesures de sécurité très strictes, la rentrée universitaire a été marquée par des affrontements entre étudiants islamistes et forces de l'ordre, laissant craindre un scénario identique à celui de l'année passée.

Tension à l’université
Suite aux manifestations estudiantines, les forces de l'ordre ont dû intervenir au sein du campus, sur ordre du président de l'université. (Photo:Mahmoud Sabri)

Dimanche 12 octobre. Devant la porte d’entrée de l’Université d’Al-Azhar, les mesures de contrôle sont strictes. Et une foule d’étudiants se bouscule devant l’entrée. Il est interdit d’accéder au campus sans papiers d’identité, et les étudiants sont systématiquement fouillés, ce qui provoque de longues files d’attente et des bagarres, notamment de la part de certains professeurs qui refusent d’être fouillés. A l’extérieur du campus, il y a des véhicules blindés et des agents de la police anti-émeute, munis de matraques et prêts à intervenir.

Il est environ 13h. La prière de midi vient de se terminer. Des slogans retentissent. « Non à la répression des étudiants », « Non au retour de la garde universitaire », « Le sang de nos martyrs ne sera pas vain ». Ils sont plusieurs centaines d’étudiants islamistes à manifester. Certains brandissent le signe de Rabea (doigts de la main sans le pouce) qui réfère à l’évacuation du sit-in de la place Rabea Al-Adawiya à Madinet Nasr, le 14 août 2013. Les étudiants en colère répondent à l’appel, lancé la veille dans la plupart des universités, en vue de manifester contre les mesures de sécurité draconiennes. « Nous ne resterons pas les mains croisées face à ces mesures de sécurité anormales. Personne ne nous obligera à subir cette répression », lance l'un des manifestants qui a requis l’anonymat.

La manifestation commence par une « marche pacifique », mais les choses dégénèrent rapidement lorsque les manifestants tentent de sortir du campus. Les agents de la sécurité tentent de les empêcher et des accrochages ne tardent pas à éclater. La police anti-émeute, stationnée hors du campus, intervient et une bataille rangée est déclenchée. Bilan : quatre blessés parmi les membres du personnel de sécurité. Les portails électroniques sont détruits et une dizaine d’étudiants Frères musulmans sont arrêtés.

A l’Université du Caire, le même scénario se répète. Les manifestations éclatent à midi dans les facultés de Dar Al-Oloum, de commerce, et des lettres. Ici, la plupart des manifestants, dont certains sont munis de tambours, sont vêtus de noir, signe de deuil de leurs collègues qui ont trouvé la mort l’année dernière dans les accrochages entre forces de l’ordre et les pro-Morsi. Les étudiants, qui ont installé des banderoles anti-régime sur les murailles du campus, jettent des Cocktails Molotov sur les portails électroniques. Pas question pour eux d’accepter le dispositif de sécurité. « Nous sommes venus défendre notre liberté et l’indépendance de l’université que le gouvernement cherche à contrôler sous prétexte de lutter contre le terrorisme », crie un étudiant. Comme à l’Université d’Al-Azhar, des accrochages ne tardent pas à éclater entre les étudiants islamistes et la sécurité. Le président de l’université, Gaber Nassar, convoque alors la police anti-émeute pour évacuer les facultés et faire sortir les étudiants. « Nous ne permettrons plus que l’université soit un lieu pour l’exercice politique. C’est un lieu pour le savoir et l’échange d’opinions. Toute activité qui nuit au bon déroulement des cours est interdite », assure Nassar à Al-Ahram Hebdo.

Craignant de voir se répéter le scénario de l’année dernière, où des affrontements sanglants avaient eu lieu au sein du campus entre policiers et étudiants, la direction de l’université a pris des mesures de sécurité rigoureuses. Ainsi, les Universités d’Al-Azhar et du Caire ressemblent à de véritables casernes. Des détecteurs de métaux ont été installés, et des chiens policiers ont été engagés pour détecter d’éventuelles bombes. Enfin, des caméras de surveillance ont été installées et les portes d’accès au campus sont hautement surveillées. La sécurité du campus a été confiée à une société privée, Falcon Security. Des femmes policiers se trouvent également aux entrées et aux sorties du campus et fouillent les étudiantes, notamment celles qui portent le niqab.

La rentrée était prévue initialement le 27 septembre, et a été reportée au 11 octobre pour des raisons de sécurité. L’année dernière, 17 étudiants avaient trouvé la mort ainsi que 8 policiers dans les affrontements. Il y a eu également 500 blessés. 370 étudiants avaient été expulsés de l’université pour manifestations violentes, appartenance à l’organisation terroriste des Frères musulmans, et actes de sabotage, selon l’Association liberté de pensée et d’expression, fondée en 2006. Les manifestations de cette année font craindre un scénario identique à celui de l’année dernière. « Les étudiants islamistes continueront à manifester et à semer les troubles au sein du campus », affirme le politologue Yousri Al-Azabawi. Et de conclure : « Le campus est la dernière carte qui reste aux islamistes. C’est le seul endroit où ils peuvent encore manifester. Et c’est à l’université qu’ils peuvent mobiliser à nouveau l’opinion publique ».

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