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Les nouvelles inquiétudes des ONG

Chaïmaa Abdel-Hamid, Lundi, 13 octobre 2014

Une loi sur les ONG, en cours de préparation, suscite de multiples craintes dans la société civile en raison des restrictions à l'activité qu'elle impose.

Les nouvelles inquiétudes des ONG
Les ONG égyptiennes toujours à la recherche de leur indépendance. (Photo:ONA)

Il s’agit pour le moment d’un texte à l’étude. Pourtant, le nouveau projet de loi sur les ONG soulève déjà des inquié­tudes au sein de la société civile. Il s’agit d’un amendement de la loi 84/2002, préparé par l’union générale des ONG. Il sera soumis aux ONG pour exprimer leur avis. Selon Ghada Waly, ministre de la Solidarité sociale, la loi en question, une fois achevée, sera conforme à la Constitution de 2014 qui stipule dans son article 75 que les ONG sont « créées sur simple notification », et « ne peuvent être dissolues que par un verdict judi­ciaire ». La ministre a aussi mis l’ac­cent sur la complète conformité du texte amendé aux conventions et aux traités internationaux signés par le gouvernement égyptien. Le projet de loi en question sera soumis au nou­veau Parlement dès qu’il se réunit.

Quatre rencontres ont eu lieu jusqu’à présent entre des représen­tants du ministère de la Solidarité, des ONG et de l’union générale des ONG, pour discuter de la nouvelle loi. Les ONG affichent déjà leur scep­ticisme. « Cette nouvelle loi sera une mauvaise version de la loi 84 », explique Mohamad Zarë, directeur du Centre des droits humains pour l’as­sistance aux prisonniers (HRCAP). Les ONG contestent principalement deux clauses de la nouvelle loi. La première se rapporte aux restrictions sur le financement. La loi donne au gouvernement un droit de regard sur le financement des ONG. De plus, elle leur interdit d’opérer sur le terrain sans l’autorisation préalable du ministère. Les ONG sont d’autant plus inquiètes que les autorités ont procédé récemment à l’amendement de l’article 78 du Code pénal durcis­sant les sanctions sur le financement étranger. Ces sanctions sont passées d’une amende comprise entre 500 et 1 000 L.E. à la prison à vie et une amende allant jusqu’à 500 000 L.E. Dans certains cas, les sanctions peu­vent atteindre la peine de mort. Selon les autorités, les ONG ne sont pas visées par cet amendement dont le but est de lutter contre les activités terro­ristes financées de l’étranger.

Le ministère de la Solidarité a donné jusqu’au 10 novembre pro­chain aux ONG qui ne disposent pas de statut légal pour régulariser leur situation. Les ONG qui ne régularise­ront pas leur situation s’exposent à la fermeture ou à des poursuites pénales. De nombreuses ONG, notamment celles qui opèrent dans le domaine des droits de l’homme, fonctionnent aujourd’hui sous couvert de cabinets d’avocats ou d’entreprises à but non lucratif pour échapper aux restric­tions. « Le projet de loi confère des pouvoirs très étendus au gouverne­ment en matière d’enregistrement, de financement et d’activités des ONG », explique Mahomad Abdallah Khalil. Pour lui, il est illogique d’exiger des ONG qui sont financées par des orga­nisations étrangères, elles-mêmes autorisées à travailler en Egypte comme l’USAID ou l’Union euro­péenne, à avoir une autorisation avant tout financement. « Que signifie donc l’autorisation procurée à ces organi­sations de travailler en Egypte ? », s’interroge le chercheur.

« Une intervention directe »

Pour Hafez Abou-Saeda, avocat et secrétaire général de l’Organisation Egyptienne des Droits de l’Homme (OEDH), « ce projet de loi va défor­mer le travail des ONG. Quelle logique veut qu’une organisation obtienne la permission gouvernemen­tale avant d’effectuer un travail sur le terrain ? Le travail des ONG exige des recherches et des investigations. On ne peut pas mettre la charrue avant les boeufs. C’est une première dans les lois sur les ONG », lance Abou-Saeda qui ajoute : « C’est une intervention directe de la part du gouvernement dans le travail des ONG ».

Abou-Saeda a présenté, au cours des rencontres sur le projet de loi, un autre projet basé sur la loi de l’ancien ministre Ahmad Al-Borei qui, bien qu’ayant obtenu l’aval de toutes les parties, n’a jamais vu le jour … et sans raison. « Nous tenons à l’appli­cation du projet d’Al-Borei, car il répond à toutes les revendications des ONG et en même temps garantit la sécurité du pays et des associations de l’Etat. Notre combat sera peut-être long, mais nous ne baisserons jamais les bras », précise-t-il.

Le gouvernement voit les choses d’un autre angle. Khaled Sultan, chef de l’Administration centrale des orga­nisations non gouvernementales au sein du ministère de la Solidarité, affirme que ce projet de loi est le résultat de discussions avec les ONG et prendra en considération leurs inté­rêts. La loi, selon lui, ne restreindra pas la liberté de travail des ONG mais organisera seulement leur travail. « Certains articles comme la supervi­sion du financement des organisa­tions restent un point de discorde. Les ONG qui se disent contre cet article veulent être financées et veulent dépenser de l’argent sans la moindre surveillance. Est-ce logique ? Tous les pays du monde supervisent le financement des ONG ». Et d’ajou­ter : « Nous avons en Egypte environ 46 000 organisations, celles qui s’op­posent à la forme actuelle du projet ne dépassent pas les 500 organisa­tions travaillant dans leur majorité dans le domaine des droits et libertés. Elles ne peuvent pas imposer leurs avis alors que plusieurs dizaines de milliers d’autres organisations accep­tent les termes de ce nouveau pro­jet », explique Sultan. Selon Sultan, et contrairement à ce qui a été dit, certaines revendications importantes des ONG ont été prises en considéra­tion, telles que le droit de créer une association sur simple notification, à condition de présenter tous les docu­ments nécessaires liés au financement et au personnel de l’organisation. Et ce, alors que l’ancienne loi exigeait de toutes les ONG d’obtenir l’autori­sation du ministère de la Solidarité sociale avant d’accéder à un statut légal. En outre, la nouvelle loi a aussi annulé le droit accordé au gouverne­ment de dissoudre une association. Ce droit ne revient qu’à la justice .

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