« Nous voulons un Etat civil et démocratique », a déclaré le président Al-Sissi devant l'Assemblée générale de l'Onu.
Le président Abdel-Fattah Al-Sissi a achevé cette semaine une visite aux Etats-Unis au cours de laquelle il a assisté à la 69e session de l’Assemblée générale des Nations-Unies. La visite du chef de l’Etat a été notamment marquée par une rencontre au sommet avec son homologue américain, Barack Obama, et plusieurs responsables de son administration. Al-Sissi s’est entretenu également avec une multitude de chefs d’Etat et de gouvernement dont ceux de 6 pays arabes, 6 pays africains dont les présidents éthiopien et sud-africain et 5 pays européens dont le président français, François Hollande, et le premier ministre britannique, David Cameron.
« Bien que routinière, cette visite d’Al-Sissi aux Etats-unis avait une certaine importance. L’enjeu de la visite était de confirmer la stature du chef d’Etat nouvellement élu sur la scène internationale », explique Hicham Ahmad, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire. Et d’ajouter: « Depuis la destitution de Mohamad Morsi en juillet 2013, il y avait, disons, une certaine mésentente entre Le Caire et les pays occidentaux notamment les Etats-Unis et l’Europe. Ces pays voyaient que la trajectoire politique en Egypte n’était pas satisfaisante ».
Détendre les relations
La visite à New York était donc l’occasion pour le président de la République de « détendre » quelque peu les relations avec ces pays. Tout au long de son séjour aux Etats-Unis, Abdel-Fattah Al-Sissi a tenté d’expliquer le point de vue de l’Egypte sur la révolution du 30 juin, affirmant que son but est de construire un pays civil et démocratique à travers la feuille de route mise en place le 3 juillet 2013 et ce, à travers une nouvelle Constitution, des élections présidentielles et législatives libres. « Nous voulons un pays qui respecte les droits, les devoirs et les libertés. Un pays qui respecte la loi et la justice sans exclusion ni discrimination. Un pays qui garantit la liberté d’opinion pour tous, etqui assure la liberté de croyance. Un pays qui a pour but de se développer et se précipiter vers un avenir prometteur qui répond aux aspirations de son peuple. L’Egypte a commencé à mettre un programme pour un processus de développement ambitieux jusqu’en 2030, visant à parvenir à une économie de marché libre, capable d’attirer les investissements dans un environnement de sécurité stable », a annoncé Al-Sissi dans son discours.
Outre les présidents américain et français et le premier ministre britannique, Al-Sissi a rencontré notamment le secrétaire général des Nations-Unies, Ban Ki-moon, et le roi de Jordanie. Il s’est de même entretenu avec deux anciens secrétaires d’Etat américains, Henry Kissinger et Madeleine Albright, et avec l’ancien président Bill Clinton et sa femme l’ancien secrétaire d’Etat Hillary Clinton. Al-Sissi a rencontré aussi des membres de la Chambre de commerce américaine en présence des PDG des entreprises américaines qui ont des filiales en Egypte, ainsi que des membres du Congrès et des hommes d’affaires égypto-américains comme Mohamad Al-Erian, Sarwat Bassili et d’autres. Le chef de l’Etat a assisté également aux travaux du sommet de l’environnement organisé par l’Onu.
Il a accordé 4 interviews à Wall Street Journal, BBS, CBS et Times. « Toutes ces rencontres ont donné au président égyptien la chance de porter la voix de l’Egypte sur la scène internationale », analyse Hicham Ahmad.
Les relations entre l’Egypte et les pays occidentaux s’étaient quelque peu tendues après l’éviction de Mohamad Morsi suite à des critiques, notamment de Washington, sur la révolution du 30 juin, ce que Le Caire a considéré comme une ingérence dans ses affaires internes. Les Etats-Unis avaient alors suspendu une partie de l’aide qu’ils fournissaient à l’Egypte et retardé la livraison d’hélicoptères Apache et autre matériel militaire au Caire. Une décision qui avait poussé Le Caire à se rapprocher de la Russie pour diversifier ses sources d’armement.
Les Frères, un régime tyrannique
A New York, Al-Sissi a tenté d’expliquer que le régime des Frères était un régime « tyrannique » et que la révolution du 30 juin était un moyen pour protéger l’Egypte du terrorisme. Il a notamment évoqué la lutte contre le terrorisme sur le plan régional et a proposé un plan d’action à travers deux axes principaux. Le premier est d’appliquer le principe de la citoyenneté et de la primauté du droit sur la base d’un contrat social. Le second axe est une confrontation décisive avec les forces de l’extrémisme et du terrorisme.
Le chef de l’Etat a-t-il réussi son pari? « Les discussions entre les deux hommes ont été fructueuses », a déclaré le conseiller adjoint de la sécurité nationale du président Obama, Ben Rhodes. Les discussions se sont concentrées, selon lui, sur la situation au Moyen-Orient, y compris les frappes menées en Iraq et en Syrie par les Etats-Unis et leurs alliés pour combattre l’organisation extrémiste Etat islamique (EI) ainsi que la lutte contre le terrorisme. « Ils ont eu un débat franc sur toutes les questions. Le président Obama a soulevé un certain nombre d’inquiétudes que nous avons en matière de droits de l’homme, en particulier les droits des journalistes emprisonnés et la liberté d’expression », a déclaré Ben Rhodes.
« Même si toutes les mésententes ne sont pas dissipées, on peut dire que dans l’ensemble, la visite du chef de l’Etat a été positive car il y a eu un début de dialogue », explique pour sa part Hicham Ahmad.
Même son de cloche pour Hani Raslan, chercheur au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram : « Je crois qu’Al-Sissi a réussi à clarifier la situation après le 30 juin en Egypte tant sur le plan politique qu’économique ». Une cinquantaine d’hommes d’affaires américains doivent se rendre en Egypte au mois de novembre prochain.
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