Le parti islamiste Al-Wassat a annoncé cette semaine qu’il se retirait de l’alliance nationale pour le soutien à la légitimité, un groupement de plusieurs partis de tendance islamiste pro-Morsi. « Nous voulons créer une plate-forme nationale pour réaliser les objectifs de la révolution du 25 janvier qui sont menacés », affirme Al-Wassat dans un communiqué. « Les priorités de cette étape et ses objectifs veulent que nous travaillions en dehors du cadre de l’alliance. Il faut former une plate-forme qui rassemble toutes les forces politiques sans exception », ajoute le communiqué sans préciser la nature de cette plate-forme.
S’agit-il d’une manoeuvre d’Al-Wassat pour sortir du « parapluie » islamiste, et de pouvoir se présenter aux élections législatives? Le président par intérim du parti Al-Wassat, Mohamad Abdellatif, le nie: « Le parti a été soumis à des secousses violentes depuis le 3 juillet 2013, et à une forte pression de l’intérieur et de l’extérieur pour nous demander de quitter l’alliance, mais nous avons refusé et insisté à y rester parce que nous étions convaincus que nous avions un rôle à accomplir au sein du mouvement révolutionnaire qui s’exprimait dans la rue. Maintenant, cela n’est plus le cas. Nous avons besoin d’un changement tactique ».
Le président du parti, Aboul-Ela Madi, a été arrêté après avoir été accusé de violence et d’incitation au meurtre. Le parti est aujourd’hui menacé de suspension avec d’autres partis islamistes, car la Constitution interdit les partis à caractère religieux.
En première réaction, l’alliance a annoncé avoir pris acte de ce retrait, et qu’elle respectait le choix d’Al-Wassat. « Al-Wassat restera au sein de l’opposition et continuera à s’opposer au coup d’Etat », affirme l’alliance. Pourtant, le communiqué d’Al-Wassat ne fait aucune référence au coup d’Etat.
L’alliance a été établie lors du sit-in de Rabea et d’Al-Nahda, en juin 2013, pour soutenir le président islamiste Mohamad Morsi. Elle est composée de 16 partis et mouvements, dont les partis de la Construction et du développement, et ceux d’Al-Watan, d’Al-Assala, d’Al-Wassat, de la Liberté et de la justice et du Front salafiste.
Des discussions ont lieu depuis deux semaines au sein de l’alliance à propos du retrait ou du gel des activités des 3 partis ayant un poids politique, à savoir : Al-Wassat, Al-Watan, et la Construction et le développement. Les positions des autres partis mentionnés n’ont pas encore été dévoilées. L’histoire de ce parti remonte à 1996, lorsque 17 jeunes des Frères Musulmans (FM) âgés entre 35 et 45 ans, ont demandé la création d’un nouveau parti politique qu’ils ont baptisé Al-Wassat (le centre).
Les fondateurs reprochent aux dirigeants des FM leur manque de modernité et leurs concepts archaïques. Ils proposent l’adoption d’une vision moderniste fondée, certes, sur les acquis du passé, mais axée sur les défis du XXIe siècle. Le 13 mai 1996, les autorités ont déclaré irrecevable leur demande de création du parti. Après la révolution du 25 janvier, Al-Wassat voit le jour et devient un parti à part entière le 19 février 2011.
Manoeuvre trouble ?
Le retrait d’Al-Wassat est-il une manoeuvre pour se présenter aux législatives et permettre aux Frères de se présenter « par la porte arrière» sur ses listes? Ou bien le parti ne trouve-t-il plus d’intérêt à rester au sein de l’alliance avec la confrérie? Hassan Nafea, professeur de sciences politique à l’Université du Caire, pense que ce retrait est dû aux divergences au sein de l’alliance entre la confrérie et la plupart des partis, surtout Al-Wassat. « Contrairement aux Frères, Al-Wassat ne réclame pas le retour de Morsi. Il s’oppose aussi à la poursuite des manifestations dans les rues, affirme Nafea, auteur d’une initiative de réconciliation entre le nouveau régime et les islamistes. Al-Wassat avait accepté cette initiative sans réserve. Il était clair qu’il y avait des divergences entre Al-Wassat et la confrérie pour cette raison. J’avais à l’époque prédit l’échec de l’alliance ».
Aujourd’hui, le départ d’Al-Wassat pourrait accélérer la chute de l’alliance pro-Morsi. Nafea exclut qu’Al-Wassat puisse cependant faire partie d’une quelconque alliance ou de l’opposition. « Le régime ne le permettra pas. En plus, tous les partis qui sont actuellement sur la scène sont des partis libéraux avec lesquels Al-Wassat ne peut pas s’intégrer ».
Al-Wassat n’a jamais pu se positionner sur la scène politique. Avant la révolution du 25 janvier, ce parti était l’un des plus hostiles à la confrérie des Frères musulmans, qu’il accusait de trahison. Il a cependant rejoint la coalition des pro-Morsi. « Ce soudain retrait ne rassure pas les autres partis politiques, car les positions d’Al-Wassat ne sont pas stables. Je ne pense pas qu’il réussisse à conduire un front au sein de l’opposition », conclut Nafea. Selon certains analystes, le parti Al-Wassat cherche à exploiter les idées de la révolution afin de réaliser des gains politiques. Il a décidé de quitter les Frères musulmans après leur échec.
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