Depuis la mi-juillet, le conflit entre milices libyennes ne cesse de s’aggraver. En l’absence d’une armée régulière et d’une force de police fiables, les autorités ne parviennent pas, depuis la chute de Kadhafi en 2011, à contrôler la pléthore de milices formées par d’anciens rebelles, pour la plupart islamistes, qui font la loi dans le pays et qui sèment la terreur parmi les habitants.
L’Egypte craint les répercussions de la situation en Libye sur son territoire et suit de près la situation. C’est dans ce contexte qu’intervient la visite cette semaine en Egypte du chef d’état-major de l’armée libyenne Abdel-Salam Gadallah Al-Salhine. Celui-ci s’est entretenu avec son homologue égyptien Mahmoud Hégazi. Les deux hommes ont évoqué les « développements de la situation dans la région » et « les moyens de relancer la coopération entre l’Egypte et la Libye ».
« La Libye a toujours été un souci pour l’Egypte en raison notamment du trafic d’armes provenant de ce pays », explique Khaled Hanafi, chercheur au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram.
Mais la situation s’est compliquée après la révolution. « D’une part, la région de l’est de la Libye renferme plusieurs groupes terroristes et constitue un refuge pour des groupuscules provenant des pays du Maghreb. D’autre part, le trafic d’armes est devenu beaucoup plus important. La Libye possède au moins 22 millions de pièces d’armement comme l’a déclaré Mahmoud Jibril, chef de l’Alliance des forces nationales. Les trafiquants d’armes se sont alliés à certains groupuscules terroristes et constituent ainsi un danger plus grand », ajoute Khaled Hanafi.
La région de l’est Libyen, située à proximité du poste-frontière égyptien de Salloum, compte plusieurs groupuscules djihadistes, dont le plus important est Ansar Al-Charia, qui se dresse contre le pouvoir central. Ce groupe, classé organisation terroriste par les Etats-Unis, prône le djihad et contrôle quelque 80% de la ville de Benghazi (1000 km à l’est de Tripoli). Vient ensuite dans cette même région le groupe Fajr Libya, qui est une coalition de milices islamistes provenant essentiellement de Misrata, à l’est de Tripoli. Et, enfin, de petits groupuscules de moindre importance, comme les brigades du 17 Février et celle de Rafallah Al-Sahati.
« Si ces groupes terroristes réussissent à s’emparer de la région est, ou à réaliser le scénario de la séparation de la région est de la Libye, ce serait un problème pour l’Egypte, car le poste-frontière de Salloum est situé tout près des frontières libyennes, et donne sur un plateau désertique. Donc, si ces groupes arrivent à franchir la frontière, ce large espace désertique pourra tomber dans leurs mains. Et dans ce cas, une intervention militaire égyptienne serait inévitable », explique le chercheur.
L’Egypte affirme ne pas intervenir
Comment l’Egypte doit-elle agir ? Et surtout, une intervention militaire est-elle possible? Pour le politologue Walid Kozziha, professeur de sciences politiques à l’Université américaine du Caire, « pour l’instant, Le Caire n’a d’autres moyens que de bien contrôler ses frontières pour éviter un transit de ces groupes djihadistes qui cherchent à aider leurs homologues dans le Sinaï ». L’Egypte a nié cette semaine toute intervention militaire en Libye après avoir été accusée, plus tôt, par tantôt un porte-parole de miliciens islamistes, et tantôt par les Etats-Unis, d’avoir mené de concert avec les Emirats arabes unis, des frappes aériennes contre des milices islamistes en Libye.
Le président Abdel-Fattah Al-Sissi a déclaré que, jusqu’à présent, Le Caire « n’a procédé à aucune intervention militaire en Libye ». « Bien que la situation en cours, en Libye, soit très délicate pour l’Egypte, cependant, jusqu’à présent, l’armée égyptienne ne s’est livrée à aucune intervention militaire dans ce pays », a-t-il martelé.
Auparavant, le ministère égyptien des Affaires étrangères avait aussi démenti le bombardement de positions appartenant à des hommes armés, en Libye. Pour Hanafi « l’Egypte n’interviendra véritablement en Libye que si ces groupes terroristes attaquent les frontières. Ce qui est peu probable car ces djihadistes sont conscients qu’en cas d’attaque, la réaction de l’armée égyptienne sera ferme ».
Réagir politiquement
Face au danger libyen, l’Egypte préfère agir à travers les voies diplomatiques en soutenant le pouvoir légitime libyen. Le Caire a accueilli la semaine dernière une réunion des ministres des Affaires étrangères des pays voisins de la Libye (Egypte, Soudan, Tchad, Niger, Tunisie et Algérie) pour tenter de trouver une solution à la crise politique et au problème de l’insécurité.
La réunion a adopté une proposition égyptienne insistant sur « le respect de l’unité et de la souveraineté libyennes et le refus de toute ingérence dans ses affaires internes », ils ont aussi appelé « toutes les milices à déposer les armes simultanément » et à « la fin immédiate de toute opération militaire, afin de soutenir le processus politique et de renforcer le dialogue entre toutes les parties ayant renoncé à la violence ». « Le Caire a choisi, à travers la coopération régionale, d’intervenir politiquement dans la crise libyenne sans pour autant s’attaquer à la souveraineté de la Libye. Quelques contacts avec les tribus et les courants libéraux seraient peut-être également nécessaires », conclut Hanafi.
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