A son retour de Khartoum, le ministre égyptien des Ressources hydriques et de l’Irrigation, Hossam Moghazi, a déclaré aux médias que 85% des préoccupations égyptiennes envers le barrage sont réglées! Durant la réunion à Khartoum, les délégations des 3 pays se sont mises d’accord pour choisir un bureau de consultation international pour élaborer, dans un délai de 6 mois, deux études. La première sur l’hydrologie du modèle de simulation du barrage et la seconde sur l’impact environnemental et socio-économique du barrage éthiopien sur les pays en aval.
Pour s’assurer que les études seront précises, les 3 pays ont décidé de former un comité de 12 experts nationaux (4 de chaque pays) qui sera responsable de fournir toutes les informations nécessaires au bureau de consultation.
« Les Ethiopiens ont assuré qu’ils mettraient toutes les études qu’ils ont effectuées à disposition du bureau de consultation. Au cas où les deux nouvelles études afficheraient des conclusions inacceptables pour un pays ou un autre, un autre consultant international tranchera », a précisé le ministre égyptien.
Les 3 pays ont mis en place un plan d’action pour s’assurer que la préparation des nouvelles études ne dépassera pas le délai de 6 mois. « Il y aura une réunion mensuelle des ministres concernés des 3 pays, afin de surmonter tout obstacle qui pourrait ralentir le processus », a aussi précisé Hossam Moghazi.
Ouverture éthiopienne ?
Pour la première fois, le ministre éthiopien de l’Irrigation a invité ses homologues égyptien et soudanais, ainsi que les représentants des médias à visiter le chantier du barrage. « Cette invitation est significative. Elle montre que les Ethiopiens n’ont rien à cacher, ce qui veut dire que nous n’avons rien à craindre en ce qui concerne la première phase du projet, qui devrait entrer en fonction en septembre 2015 », a déclaré Moghazi.
Le ministre a annoncé qu’il avait déjà envoyé à son homologue éthiopien sa réponse pour visiter le chantier du barrage cette semaine. « On attend que le côté éthiopien approuve la date, car la visite nécessite des préparations spéciales », a expliqué Moghazi.
PourAlemayehu Tegenu, ministre éthiopien de l’Irrigation, de l’Eau et de l’Energie, ces dernières négociations ont été les plus transparentes. Certaines questions ont été réglées, d’autres non.
Le ministre éthiopien a aussi expliqué, dans un entretien publié le 31 août par The Ethiopian Herald, que son pays avait refusé plusieurs propositions de la délégation égyptienne. L’Egypte a proposé, par exemple, de décider individuellement ou par vote chaque fois que le comité exige le soutien d’experts internationaux dans la réalisation des études; alors que les Ethiopiens ont proposé que ces questions soient réglées à travers un accord de tous les pays. « C’est l’une des questions en suspens », a indiqué Alemayehu Tegenu.
Un autre point que l’Egypte a proposé et qui n’a pas été accepté par les délégations de l’Ethiopie et du Soudan, celui de pouvoir consulter le travail du bureau de consultation avant qu’il ne rende son rapport. Cependant, le côté éthiopien a suggéré que l’étude soit examinée après qu’elle eut été finalisée. « Un calendrier est prévu pour discuter les questions qui représentent des points de désaccord », a encore assuré le ministre éthiopien à The Ethiopian Herald.
Des négociations, mais quel résultat ?
Tandis que le ministre égyptien se montre très satisfait des résultats du dernier round de négociations, certains experts en Egypte estiment ces résultats modestes, d’autres, désastreux.
Pour Raouf Darwich, membre du bureau du Conseil arabe de l’eau, « Nous sommes revenus à la situation de 2009: un bureau de consultation va étudier et évaluer les impacts du barrage. Je ne vois pas de problème à cela, même si cela donne 6 mois de plus à l’Ethiopie pour terminer la première phase du projet qui nécessite un approvisionnement en eau de 14 milliards de m3 ».
Selon Khaled Abou-Zeid, responsable régional des programmes de l’eau au Centre pour l’Environnement et le Développement de la région arabe et l’Europe (CEDARE), les résultats des récentes négociations sont un pas en avant. Il nuance toutefois: « C’est bien d’approuver l’élaboration de telles études, mais d’autres points très importants devraient être discutés en parallèle, approuvés dans des accords, comme la quantité d’eau qui doit parvenir annuellement en Egypte ».
Mais pour Hani Raslane, spécialiste des pays du bassin du Nil au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, les récentes négociations n’ont pas réussi à éloigner le danger! Elles donnent plus de temps à l’Ethiopie pour finir les travaux de la première phase du barrage. Et la crise recommencera à nouveau dans 6 mois. « Je ne comprends pas pourquoi le ministre égyptien des Ressources hydriques a déclaré que les négociations avaient réglé 85% des préoccupations égyptiennes! Comment le ministre égyptien a-t-il pu accepter cette invitation à visiter le chantier? Il montre ainsi que l’Egypte n’a pas de problème avec ce barrage ! ».
Le chercheur ajoute que le ministre égyptien avait déclaré que l’Ethiopie respecterait la part de l’Egypte, ce qui n’est pourtant pas encore clair. Le ministre éthiopien a affirmé simplement que le barrage ne nuira pas à l’Egypte sans mentionner de chiffres. « Quelle est la définition exacte de nuisance? Peut-être que pour l’Egypte, une réduction d’un milliard de m3 est considérée comme nuisance, tandis que pour l’Ethiopie, une nuisance veut dire une réduction de 10 milliards de m3 ! », lance Raslane.
En grande partie, les spécificités du barrage permettent à l’Ethiopie de priver l’Egypte d’eau. Le ministre éthiopien a souvent répété dans les médias que les dimensions et les spécificités du barrage ne seront pas sujettes à discussion. Il l’a encore affirmé le 31 août.
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