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Une icône des droits de l’homme disparaît

May Al-Maghrabi, Lundi, 01 septembre 2014

L’avocat Ahmad Seif Al-Islam, un défenseur farouche des libertés, a rendu son dernier souffle cette semaine à l’âge de 63 ans. Retour sur son parcours.

Ahmad Seif Al-Islam
Seif Al-Islam a consacré sa vie à la défense de la dignité humaine et des droits des opprimés. (Photo : AP)

L’avocat de la révolution, l’ennemi de l’injustice, le défenseur des pauvres et des opprimés. Il s’agit de l’avocat Ahmad Seif Al- Islam, qui a succombé mercredi 27 août aux complications d’une opération à coeur ouvert, après plusieurs jours dans le coma. Les couloirs de l’hôpital où il était soigné ont été envahis par les amis de la famille, ses collègues, ses disciples et de simples admirateurs qui étaient venus à son chevet. Une scène de gratitude pour une figure du militantisme des droits de l’homme qui, d’après Amnesty International, a travaillé sur les cas les plus importants.

« Faites attention, les prétextes avancés pour violer la dignité humaine sont innombrables, mais on ne permettra à personne de le faire ». Tels étaient les derniers mots de l’activiste de gauche, Ahmad Seif Al-Islam, qui s’était donné pour mission, pendant plus de 30 ans de sa carrière d’avocat, de se battre contre toute injustice. Il s’est toujours battu contre la torture, la détention arbitraire, le jugement des civils devant les tribunaux militaires, les restrictions sur le droit d’expression et le gaspillage des droits des ouvriers. Hussein Abdel-Razeq, du parti du Rassemblement, ne trouve pas étonnant qu’islamistes, gauchistes et libéraux aient participé aux funérailles de Seif Al-Islam. « C’est une grande tristesse. Cet homme a défendu la cause des droits de l’homme.

Il n’a jamais dévié de ce principe, même si certains lui reprochaient d’avoir défendu les islamistes ou lutté pour une liberté d’expression absolue », explique Abdel- Razeq. De facto, Seif Al-Islam avait défendu les prisonniers politiques, parmi lesquels beaucoup étaient des islamistes, il a aussi défendu des gauchistes et les homosexuels du Queens Boat. Il avait aussi défendu le blogueur Karim Amer qui avait critiqué Hosni Moubarak et l’islam comme il a défendu les islamistes jugés devant les tribunaux militaires à l’époque de Moubarak. Il a été aussi toujours aux côtés des ouvriers dans leur lutte syndicale.

Ses combats en faveur des libertés et des droits de l’homme, il en a payé le prix. Il a été incarcéré à plusieurs reprises à l’époque des présidents Sadate et Moubarak, et pendant la révolution du 25 janvier. Diplômé de la faculté des sciences politiques en 1977, Seif Al-Islam a été incarcéré pour la première fois en 1972, sur fond de participation aux manifestations estudiantines réclamant la libération du Sinaï. En 1973, il passe 8 mois en prison après sa participation aux manifestations contre le président Sadate, qui avait tardé à déclarer la guerre sur Israël. Sous Moubarak, il a aussi subi une peine de prison de 5 ans en 1983. Le régime lui avait permis alors de partir à l’exil. Mais, têtu, le militant a préféré purger sa peine de prison plutôt que de dire adieu à son pays pour trop longtemps. Il investit sa peine de prison pour obtenir aussi un diplôme de droit en 1989. C’est la torture implacable qu’il a subie en prison dans les années 1980 qui le pousse à cofonder en 1999 le « Centre Hicham Moubarak », un bureau d’avocats, principalement bénévoles, pour aider les victimes d’atteintes aux droits de l’homme.

Seif Al-Islam n’a jamais renoncé à la lutte contre les abus des droits de l’homme. En 2012, il démissionne du Conseil national des droits de l’homme en signe de protestation contre la déclaration constitutionnelle despotique du président destitué, Mohamad Morsi. Seif Al-Islam a transmis ce militantisme à sa famille. Son fils, Alaa Abdel-Fattah, est une figure de proue de la révolution de 2011, condamné à 15 ans de prison pour avoir manifesté illégalement contre la loi sur le droit de manifester. C’était le dernier procès que Seif Al-Islam n’a pu gagner. « Désolé mon fils.

Je n’ai pu te léguer une société qui respecte la dignité humaine, mais je rêve que tu pourras un jour laisser à mon petit-fils Khaled une société meilleure », a regretté Seif Al-Islam. En 2011, Alaa était en prison pendant la naissance de son fils, répétant ainsi l’histoire de son père qui lui aussi était en prison quand sa fille Mona est née. Aujourd’hui, Mona est une activiste et fondatrice de la campagne « Non aux tribunaux militaires pour les civils ». Sanaa, autre fille de Seif Al-Islam, est en détention provisoire depuis juin, pour avoir manifesté illégalement contre la loi sur le droit de manifester. Sa femme Laïla Soueif est professeur à l’Université du Caire et fondatrice du mouvement 9 Mars. La disparition d’Ahmad Seif Al-Islam est une grande perte. « C’est une grande perte de le voir quitter la vie à un moment où des centaines de détenus politiques, de blessés de la révolution et d’ouvriers licenciés misaient sur lui pour les défendre ». La mémoire de ce combattant restera intacte malgré les revers politiques.

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