
Ibrahim Al-Héneidy, ministre de la Justice transitoire.
AL-AHRAM HEBDO : Le concept de justice transitoire est apparu après la révolution du 25 janvier. Quelle est la portée de ce concept ?
Ibrahim Al-Héneidy : Après toute révolution, il doit y avoir un ministère dont le rôle est de garantir le passage du pays et des citoyens vers plus de stabilité. Le ministère a adopté un ensemble de mesures qui visent à mettre fin à l’état de polarisation qui prévalait dans le pays à l’ère Moubarak et qui a pris de l’ampleur durant et après la révolution. Notre but est de lever toute injustice commise envers les citoyens et garantir les droits de l’homme. Le ministère a aussi créé le haut comité de la réforme législative, qui a pour rôle de réviser certaines lois et d’établir de nouvelles législations en conformité avec les évolutions dans le pays.
— On a beaucoup parlé des droits des martyrs et des blessés de la révolution du 25 janvier. Il était question de compensations financières. Qu’avez-vous fait pour eux ?
— Il n’y a pas de compensation financière. Le ministère n’a pas de budget. Le fait que ces gens soient reconnus comme des martyrs est déjà une satisfaction pour leurs familles. Tout ce qu’on peut faire pour eux c’est de mettre leurs noms sur des rues, des quartiers ou des écoles. Même pour les blessés, il n’y pas de financement pour les soigner aux frais de l’Etat. Tout ce que je peux faire c’est de leur décerner des médailles.
— Qu’en est-il des victimes de la violence politique dans les rues ?
— Ce qu’il y a dans les rues c’est une violence criminelle et pas politique. Le fait de détruire un pylône électrique, de mettre le feu à des bâtiments ou de fermer des rues. Il s’agit d’actes criminels, et ces gens devraient être condamnés.
— Il était question d’une réconciliation avec les islamistes qui n’ont pas de sang sur les mains ...
— C’est un problème qui est plus grand que le ministère. Nous avons besoin d’une opinion publique unie pour faire une réconciliation avec les islamistes en général et les Frères musulmans en particulier. Or, cela n’est pas le cas à présent.
— Vous dites que vous travaillez sur des lois, lesquelles ?
— Nous travaillons sur toutes les lois, surtout celles qui ont trait aux droits de l’homme et qui se rapportent à certaines catégories de la population qui ont été marginalisées pendant des années, comme les coptes, les Nubiens et les bédouins du Sinaï. On essaye à tout prix d’éliminer l’oppression dont ils ont été l’objet. Notre but est de protéger les droits des minorités.
— Comment cela peut-il se réaliser sur le terrain ?
— Chaque catégorie de la population qui a fait l’objet d’une injustice ou d’une marginalisation est tenue de nous présenter une plainte. Ensuite, nous organisons des audiences. Si on conclut que ces gens ont fait l’objet d’une discrimination basée sur le sexe, la religion ou la race, une action est immédiatement prise. Des recommandations sont faites et présentées au Conseil des ministres qui les transmet ensuite à chaque ministère concerné.
— Qu’est-ce que vous avez fait par exemple au sujet des Nubiens ?
— Je viens de contacter leurs représentants la semaine dernière et je leur ai demandé de me présenter leurs demandes dans un délai de 10 jours. Je compte faire la même chose avec les bédouins du Sinaï mais plus tard, parce que l’état de sécurité actuel ne convient pas.
— Et qu’en est-il de la loi sur la construction des églises ?
— C’est, en fait, l’une des lois qui devraient être modifiées rapidement. J’ai déjà fait une rencontre avec les représentants des trois communautés chrétiennes d’Egypte, c’était une rencontre très fructueuse durant laquelle on a beaucoup discuté des problèmes auxquels la communauté chrétienne est confrontée. J’attends, suite à cette rencontre, qu’ils me présentent leurs demandes et un projet unifié de leur part concernant surtout le problème de la construction des églises.
— Le ministère accorde de l’importance aux droits de l’homme. Qu’est-ce que vous avez fait dans ce domaine ? — Notre rôle est de préserver les droits de l’homme en cas de violation systématique et non pas individuel. Les organisations des droits de l’homme ont le droit de nous présenter leurs recommandations et nous demander de modifier certaines lois, comme par exemple la loi sur le droit de manifester.
— Justement. Qu’avez-vous fait concernant cette loi ?
— On a eu une réunion avec le directeur du Conseil national des droits de l’homme, qui a demandé à ce que le délai donné aux manifestants pour prévenir les autorités soit diminué, et que le ministère de l’Intérieur ne doive pas avoir le droit de refuser les demandes de manifestation. Le Conseil a aussi demandé de réduire les sanctions imposées aux contrevenants. Nous étudions en ce moment leurs propositions pour les présenter au haut comité de la réforme législative.
— Et qu’en est-il des autres lois ?
— Il y a des législations qui devraient se faire rapidement, comme celles relatives à la sécurité nationale, à l’investissement, à l’aggravation de certaines peines. Il y a aussi des législations complémentaires à la Constitution. Une fois le Parlement réuni, ces législations seront présentées aux nouveaux députés.
— Enfin, qu’avez-vous prévu pour les ONG ?
— Le ministère de la Solidarité sociale prépare une nouvelle loi pour les ONG. On affronte un vrai problème, parce que certains individus demandent la création de sociétés non lucratives. Cellesci ne sont donc pas soumises aux impôts. Elles n’ont pas de permis du ministère de la Solidarité sociale, qui ne peut pas les surveiller sur le plan financier. Il faut revoir toutes ces lois pour ne laisser aucune lacun.
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