La décision de l’activiste Alaa Abdel-Fattah d’entamer une grève de la faim a encouragé nombre de détenus dans les prisons de Tora et d’Abou-Zaabal à lui emboîter le pas dans une campagne qu’ils ont baptisée « Ras-le-bol ». Parmi ces derniers figurent notamment 4 membres du 6 Avril, d’après Mohamad Fouad, porte-parole de ce mouvement, connu pour être à l’origine de la révolution de janvier 2011, ayant provoqué la chute de Hosni Moubarak.
Le mouvement a enjoint les autorités pénitentiaires de prouver cette grève dans un procès-verbal, et appelé le ministère de la Santé à dépêcher des équipes médicales afin de suivre l’état de santé des prisonniers en question. Il s’agit de « droits garantis par la Constitution », selon le mouvement d’opposition.
Grâce à une autorisation obtenue à l’arraché du ministère de l’Intérieur, Alaa Abdel-Fattah a pu visiter son père hospitalisé. Une visite qui s’avère être un « tournant » décisif pour lui. Depuis, Alaa a décidé « de ne plus continuer à jouer le rôle qu’on (lui) a assigné ».
Le lendemain, sa famille a publié un communiqué confirmant et expliquant sa décision de faire la grève de la faim. « Bien que cette décision nous ait causé beaucoup de peine, mais au bout du compte, nous pouvons comprendre sa colère, son sentiment d’oppression et son besoin de donner un sens à sa condition absurde », lit-on dans le communiqué.
« Le 17 août, à 2h du matin, Alaa s’est rendu à l’hôpital où se trouve son père, il avait amené des fleurs et attendait avec impatience l’occasion de parler avec son père. Il ne pouvait pas savoir que celui-ci avait perdu conscience 3 jours plus tôt et transféré aux soins intensifs », selon le même communiqué. « On l’a empêché d’être aux côtés de son père alors que celui-ci subissait une chirurgie cardiaque, et cela il ne pouvait plus le supporter », poursuit le communiqué familial.
Icône du militantisme des droits de l’homme, l’avocat Ahmad Seif subit les complications d’une chirurgie cardiaque, alors que deux de ses trois enfants se trouvent en prison, Alaa et sa soeur Sanaa, arrêtée lors d’une manifestation revendiquant la libération de son frère.
Plusieurs jeunes révolutionnaires ont été détenus puis jugés en vertu d’une loi promulguée en novembre dernier par le président intérimaire Adly Mansour, imposant des restrictions sur le droit de manifester selon les défenseurs des droits de l’homme.
Ainsi, Alaa Abdel-Fattah a écopé d’une peine de 15 ans, alors que d’autres jeunes issus de la mouvance révolutionnaire, comme Ahmad Maher et Ahmad Doma, purgent, eux, des peines de 3 ans. Ce dernier a lui aussi brandi l’arme de la grève de la faim pour protester contre ses conditions de détention et les restrictions sur le droit de visite.
« La grève des prisonniers d’opinion est un acte logique et légitime, étant donné les vices qui affectent la justice en Egypte où se poursuivent les libérations de personnes accusées de meurtre et de corruption parmi les symboles du régime de Hosni Moubarak, alors que les défenseurs de la démocratie font l’objet de campagnes de diffamation et de détentions arbitraires et injustes », d’après un communiqué récemment publié par le Réseau arabe pour l’information sur les droits de l’homme (ANHRI). « La grève de la faim est un moyen légitime de résistance pour dénoncer les campagnes de vengeance qui se cachent derrière la loi », poursuit le communiqué.
Jusqu’ici, la grève de la faim a été une arme efficace dans deux cas, dont le plus célèbre est celui du correspondant de la chaîne qatari Al-Jazeera, Abdallah Al-Chami. Arrêté en août 2013, dans la foulée de la dispersion des sympathisants des Frères musulmans sur la place de Rabea au Caire, le journaliste a été libéré mi-juin sur décision du procureur général après 140 jours de grève de la faim.
Un deuxième cas concerne Karima Al-Sérafi, arrêtée en mars dernier. Au bout de 69 jours de grève de la faim, elle a été libérée sous contrôle judiciaire. Karima devra se présenter tous les jours au commissariat où elle sera en garde à vue entre 9h et 17h, une tactique pour l’amener à rompre sa grève tout en la maintenant en détention, selon son avocat. Après avoir épuisé toutes les voies judiciaires pour obtenir leur libération, les activistes semblent essayer, en dernier recours, de racheter leur liberté par la faim.
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