Une vidéo postée sur les réseaux sociaux montre un groupe d’une dizaine d’hommes armés de kalachnikov se présentant comme les « Brigades de Hélouan ».
C’est en Egypte et non pas en Iraq ou en Palestine qu’une vidéo postée sur les réseaux sociaux montre un groupe d’une dizaine d’hommes cagoulés et armés de kalachnikov se présentant comme les «
Brigades de Hélouan ». Un appel diffusé à l’occasion du premier anniversaire de l’évacuation du site-in des Frères musulmans à Rabea et Al-Nahda, le 14 août 2013. Les membres de cette brigade, dont l’existence n’a pas été confirmée jusqu’à présent par le ministère de l’Intérieur, menacent la police de liquidation. «
Nous en avons marre du pacifisme des Frères et nous n’en sommes pas membres. Ceci est un avertissement aux forces de sécurité au sud du Caire. Elles sont désormais ciblées car elles ont fait couler le sang, elles ont violé les femmes et ce ne sont que des putschistes. L’armée actuelle est celle de Camp David qui n’a pas tiré une seule balle contre les Israéliens depuis 60 ans et aujourd’hui elle fait la guerreà son peuple», martèle un des membres de cette présumée brigade dans la vidéo.
Du côté des services de sécurité, on affirme que ce groupe est affilié aux Frères musulmans. Selon le général Ali Damardache, chef du service de la Sûreté du Caire, cette vidéo est un premier aveu clair des Frères musulmans d’un recours aux armes. « Une fois arrêté, ce groupe sera jugé pour trahison et constitution d’une cellule terroriste de nature à porter atteinte à la sécurité et à la stabilité du pays. Ces menaces ne nous font pas peur. Face à toute action terroriste des Frères musulmans ou autres, nous sommes prêts à donner nos vies pour le pays et pour la protection des citoyens égyptiens », a-t-il indiqué.
Le ministère de l’Intérieur a en outre annoncé que les forces de sécurité allaient analyser la vidéo et ratisser la région de Hélouan à la recherche de ces nouveaux éléments. Des accusations que les Frères musulmans n’ont pas tardé à nier. Ils imputent cette vidéo aux services de renseignements. Une source au sein de « l’Alliance du soutien de la légitimité », regroupement islamiste favorable à Mohamad Morsi, a déclaré au journal Al-Masry Al-Youm que cette brigade est une fabrication des services de renseignements dont l’objectif est de créer un pseudo-ennemi pour effrayer et justifier la violence « disproportionnée » contre les Frères et leurs alliés.
Soupçons de collaboration
Pour certains analystes, la présomption d’un lien entre ces groupes et les Frères musulmans est alimentée par le fait que leurs opérations ne soient apparues qu’après la destitution de Morsi. Dès lors, les attaques revendiquées par les groupes islamistes armés contre les forces de sécurité et l’armée se sont multipliées au cours des récents mois, faisant plus de 500 victimes. La campagne sécuritaire lancée il y a un an contre les fiefs terroristes n’a pas pu définitivement les éradiquer. D’autant plus que l’Egypte a connu l’apparition de nouveaux groupuscules terroristes revendiquant des opérations contre les forces de sécurité comme « Ajnad Misr » et « Ansar Beit Al-Maqdes ». L’expert militaire Khaled Okacha est convaincu que ces cellules disposent d’un lien organisationnel et idéologique avec la confrérie. « Les Brigades de Hélouan, comme d’autres microgroupes, font partie de petites cellules terroristes qui se sont formées sous les auspices desFrères musulmans depuis la chute de Morsi. Il existe une relation étroite entre les évolutions politiques actuelles et ces actes terroristes visant l’Etat et ses institutions sécuritaires et militaires. Les Frères investissent ces groupes comme un paravent pour se venger du nouveau régime », accuse Okacha. Dans ce contexte, il explique que la répression dirigée contre les Frères et les groupes terroristes issus du salafisme djihadiste du Sinaï les a poussés vers une sorte de partenariat contre ceux qu’ils considèrent comme un ennemi commun : l’Etat, l’armée et la police. « Leur but est de maintenir l’instabilité en frappant les institutions étatiques et en épuisant les appareils de sécurité. Les Frères manoeuvrent en niant leur responsabilité dans ces actes terroristes. En niant toute responsabilité, ils se croient capables de faire d’une pierre deux coups : épuiser le régime tout en gardant la porte ouverte à une probable réintégration au sein de la vie politique », ajoute-t-il.
Pour sa part, Ahmad Ban, spécialiste des mouvements islamistes, note qu’à chaque fois que le mouvement des Frères se fragilise, ces groupuscules deviennent plus forts. Il explique que la multiplication des cellules terroristes est née de la conviction des mouvements djihadistes que le processus politique est vide de sens. « A chaque fois que l’Etat durcit sa politique sécuritaire, ces groupuscules affiliés à des groupes comme la Gamaa islamiya, le Salafisme djihadiste et des jeunes des Frères musulmans se radicalisent davantage. La violence est devenue pour eux une doctrine et un choix pour exister à un moment où tous les canaux politiques sont bloqués », décrypte Ban. Il ajoute que les Frères musulmans endossent dans tous les cas la responsabilité de cette vague terroriste. « Les Frères musulmans ont aidé à alimenter la violence, même indirectement. Les manifestations violentes des partisans de Morsi, qui ont entraîné une riposte sécuritaire dure, ont été exploitées par ces groupuscules comme un prétexte pour justifier leurs attaques. Ce qui a été clair dans les communiqués d’Ansar Beit Al-Maqdes et Ajnad Misr diffusés après chaque attentat et qui affirmaient que ces opérations étaient en riposte à la répression envers les islamistes ».
Défaillance sécuritaire
Mahmoud Katri, expert sécuritaire, met en garde contre une situation alarmante. « Face à cette nouvelle génération de djihadistes qui disposent de techniques très sophistiquées, la compétence de la police demeure médiocre. Le danger de ces groupuscules réside surtout en la nature d’opérations sporadiques et dispersées qu’ils mènent. Une tactique qui exige le recours à une stratégie sécuritaire préventive permettant de tuer dans l’oeuf la formation de ces cellules terroristes », estime Katri. Il explique qu’autrefois, les groupes djihadistes étaient connus par les services de sécurité qui disposaient d’informations sur leur idéologie et leurs capacités organisationnelles. Mais aujourd’hui, l’Etat est face à un ennemi caché.
Katri fustige une défaillance sécuritaire favorisant la prolifération de ces groupuscules. Une défaillance due, selon lui, au manque d’information, à la non-compétence des responsables de la sécurité et à l’absence d’une stratégie préventive.
« Les récentes attaques ont témoigné de l’absence d’une stratégie sécuritaire déterminée basée sur des données et des éléments bien étudiés. La semaine dernière, les attaques contre des postes de police comme ceux de Matariya et de Aïn-Chams ont été annoncées à l’avance sur une page Facebook par l’un de ces groupes terroristes. Où était le service de la lutte contre les crimes sur Internet ? Comment ces groupes peuvent-ils toujours exister et travailler librement sur Internet, en dépit de la surveillance récemment imposée sur les sites incitant à la violence ? », se demande-t-il furieusement.
C’est pourquoi il trouve évident de procéder à une réforme de fond, voire une reconstruction interne des services de sécurité, de façon à s’assurer que le ministère de l’Intérieur ne soit pas infiltré par des éléments islamistes et que la formation des policiers leur permette de contrer les évolutions tactiques de ces groupuscules.
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