Il s’agit pour le moment d’un projet. La nouvelle carte des gouvernorats d’Egypte comprendra 5 nouveaux gouvernorats : Al-Wahat Al-Bahariya, Siwa, Al-Alamein, le Centre-Sinaï, et Tochka. La configuration des autres gouvernorats connaîtra également un changement, notamment en Haute-Egypte. Les gouvernorats d’Assiout, de Béni-Soueif et de Minya se verront étendre leurs territoires jusqu’à la mer Rouge. Le projet n’est pas nouveau. Il était déjà à l’étude à l’époque de l’ancien président Hosni Moubarak, mais n’a jamais vu le jour. Cependant, dès son élection, le président Abdel-Fattah Al-Sissi a donné l’ordre de le mettre en vigueur. « Cette nouvelle répartition des gouvernorats poursuit plusieurs objectifs. Il s’agit d’abord de donner à certains gouvernorats une profondeur désertique pour assimiler l’expansion démographique et encourager l’expansion urbaine dans chaque gouvernorat. Ainsi, les gouvernorats d’Assiout, de Béni-Soueif et de Minya bénéficieront d’une extension jusqu’à la mer Rouge et auront ainsi accès à la mer », explique l’ingénieur Ahmad Salah, professeur à la faculté d’ingénierie à l’Université de Aïn-Chams. Et d’expliquer que cette nouvelle configuration va encourager le développement dans chaque gouvernorat. Certains gouvernorats, en effet, souffrent de la surpopulation et ne possèdent pas l’espace nécessaire pour une expansion urbaine. « En accordant à chaque gouvernorat un espace supplémentaire et un accès à la mer, on permet une répartition urbaine plus équitable. C’est aussi une manière d’encourager la population à sortir de la vallée du Nil vers le désert », ajoute Ahmad Salah.
L’idée est proche de celle du passage du développement proposé il y a quelques années par le célèbre savant égyptien Farouq Al-Baz. Ce dernier avait proposé de creuser des canaux à partir du Nil vers le Désert occidental, afin d’irriguer le désert et encourager la création de collectivités urbaines en créant une vallée parallèle à la vallée du Nil. De la même manière, la nouvelle carte de l’Egypte se propose d’étendre les gouvernorats de la vallée vers le Désert oriental et la mer Rouge, afin d’encourager les agglomérations urbaines dans chaque gouvernorat. Autre enjeu de cette carte : la décentralisation. « En créant 3 gouvernorats dans le Sinaï au lieu de 2, on décentralise la gestion de cette région, l’une des moins développées d’Egypte », assure Ahmad Saleh. Pour lui, la mise en vigueur de ce projet est une bonne décision. « Les futures générations récolteront les fruits de cette nouvelle carte », dit-il.
La plupart des gouvernorats sont surpeuplés, ce qui a incité la population à construire sur les terrains agricoles. Parmi les changements proposés, il y a l’intégration de la région d’Al-Aïn Al-Sokhna au gouvernorat du Caire au lieu du gouvernorat de Suez. Mohamad Abdel-Baqi, président du Centre des études de planification urbaine, n’est pas opposé au projet. Il pense cependant qu’il faut étudier soigneusement le pour et le contre avant de prendre une décision. « Il y a quelques années, on avait créé les gouvernorats du 6 Octobre et de Hélouan, et du jour au lendemain, tout a été annulé sans qu’on sache pourquoi. L’Etat a dépensé des millions de L.E. », affirme-t-il. D’autres experts sont critiques, tel l’urbaniste Abou-Zeid Ragueh. « Cette répartition s’appuie uniquement sur des considérations géographiques et ne prend pas en compte les richesses de chaque gouvernorat. Les zones industrielles doivent être construites dans des régions riches en matières premières. Nous devons étudier les expériences des autres pays. En ce qui concerne la décentralisation par exemple dans les pays développés, il y a des provinces totalement indépendantes, et le gouverneur a l’autorité d’un ministre », avance Ragueh. Dans certaines régions, la population s’est opposée à la nouvelle carte des gouvernorats. C’est le cas des Nubiens. Pour eux, ce projet va détruire leur rêve de retourner dans leurs terres. Or, la Nubie va être répartie sur trois gouvernorats différents, à savoir Assouan, Tochka et la Nouvelle Vallée, ce qui menace, selon eux, la culture nubienne .
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