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Harcèlement : La justice frappe fort

Howaida Salah, Lundi, 21 juillet 2014

La Cour d'assises du Nouveau Caire a condamné 7 personnes à la prison à vie et 2 autres à 20 ans de prison, pour harcèlement sexuel et agression à l'encontre d'une femme le 3 juin dernier sur la place Tahrir. Un verdict qui se veut dissuasif.

La cour d’assises du Nouveau Caire a condamné, mercredi 16 juillet, 7 personnes à la prison à vie, pour avoir harcelé sexuellement un groupe de femmes sur la place Tahrir. Deux autres personnes ont été condamnées à 20 ans de prison. Les 9 condamnés devront également payer 50 000 L.E. de dédommage­ment aux victimes. Les violeurs seront placés sous surveillance policière pour une période de 5 ans après avoir purgé leurs peines.

Les faits remontent au début du mois de juin. Lors de manifes­tations de soutien au président Abdel-Fattah Al-Sissi, des hommes munis d’armes blanches avaient attaqué une femme accompagnée de sa fille de 19 ans et l’avaient agressée sur la place emblématique du Caire. Les agresseurs l’ont emmenée non loin de la place, et l’ont déshabillée. Quand elle a essayé de s’en­fuir, les agresseurs ont versé sur elle de l’eau bouillante, l’ont encerclée et ont poursuivi leur agression jusqu’à l’arrivée de la police. Sa fille aussi a été agressée.

Aussitôt après les faits, une vidéo avait circulé sur les réseaux sociaux montrant les images de l’agression. On y voyait une femme quasiment nue, le corps couvert de blessures au milieu d’un groupe d’hommes. Les images avaient soulevé une vague d’indignation en Egypte et à l’étranger, et avaient donné lieu à des manifestations contre le phénomène croissant du harcèlement.

La femme, blessée, a été hospitalisée. Quant aux auteurs de l’attaque, ils ont été déférés devant la justice et accusés d’enlève­ment, de viol, de tentative de meurtre et de torture.

Le verdict du 16 juillet est à la fois expéditif et dissuasif. « C’est la première fois qu’une peine aussi stricte est prononcée dans une affaire d’agression sexuelle. C’est peut-être le signe d’un change­ment. Je crois que le tribunal a voulu être dissuasif et montrer que les actes de harcèlement et d’agressions sexuelles contre les femmes ne seront plus tolérés », analyse Nihad Aboul-Qomsane, avocate et présidente du Centre Egyptien pour les Droits des Femmes (CEDF). Et d’ajouter : « C’est une décision rare. Les violences contre les femmes ont toujours été impunies ».

Une fois élu, le président Abdel-Fattah Al-Sissi a demandé au ministère de l’Intérieur de rédiger une nouvelle loi sur le harcèle­ment et avait rendu visite à la victime à l’hôpital avec son épouse. Le chef de l’Etat avait alors promis de mettre fin à ce phénomène.

Le harcèlement sexuel a toujours existé en Egypte. D’après une étude publiée en 2013 par l’Organisation des Nations-Unies, 93 % des Egyptiennes ont souffert de harcèlement sexuel au moins une fois dans leur vie. Le phénomène est cependant très médiatisé depuis plusieurs années, notamment durant les fêtes où il est très répandu.

La multiplication de ces incidents et leur diffusion dans les médias ont nui à l’image de l’Egypte à l’étranger au moment où les autorités égyptiennes cherchent à relancer le tourisme. Plusieurs compagnies touristiques à l’étranger ont averti leurs clients que le harcèlement était fréquent en Egypte. L’Egypte veut transmettre un message clair selon lequel ce phénomène ne serait plus toléré. D’où ce verdict dissuasif.

Le verdict satisfait globalement les organisations de défense des droits des femmes, même s’il reste encore des zones d’ombre sur le tableau. « Les autorités se sont intéressées à cette affaire très médiatisée. Mais il y a, en Egypte, chaque jour des milliers de cas de harcèlement et les coupables ne sont jamais punis. Et même dans l’affaire de Tahrir, les agresseurs se comptaient par dizaines mais neuf seulement ont été condamnés. Les autres ont échappé à la justice et peuvent maintenant commettre d’autres crimes sem­blables », affirme Fathi Farid, un des fondateurs de la campagne Shoft Taharosh (j’ai été témoin de harcèlement).

En avril dernier, l’Egypte avait durci les peines sur le harcèle­ment sexuel. Ces mesures avaient cependant été jugées insuffi­santes par les principales associations de défense des droits de l’Homme.

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