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La fin de Tamarrod

May Atta, Mardi, 17 juin 2014

Un an après sa création, le mouvement Tamarrod (rebellion), à l’origine de la contestation contre le président islamiste Mohamad Morsi, se fracture.

La fin de Tamarrod
Crée en 2013, Tamarrod a été à l'origine du mouvement de contestation contre Mohamad Morsi.

Au moment où la direction de Tamarrod annonçait cette semaine son intention de se transformer en parti politique, l’aile pro-révolutionnaire du mouvement réunie sous le nom de « Front de la correction du chemin » annonçait sa dissolution définitive, et sa transformation en mouvement visant à surveiller l’action du gouvernement. Les membres de cette aile contestaient depuis quelque temps la politique de la direction de Tamarrod jugée trop « complaisante à l’égard du nouveau pouvoir » et « éloignée des objectifs de la révolution ». Ahmad Al-Masry, un des fondateurs de cette aile, explique: « Il y a eu, au cours des derniers mois, des désaccords en série au sein de Tamarrod. Notre point de vue est que les leaders du mouvement ont fait beaucoup d’erreurs. Ils ont accepté la promulgation de la loi sur les manifestations et ont passé sous silence l’arrestation de plusieurs activistes sans raison. L’un des dirigeants du mouvement, Mohamad Abdel-Aziz, a même accepté dans la nouvelle Constitution, la clause sur le jugement des civils devant les tribunaux militaires », dit-il.

Tamarrod a été créé en avril 2013 et rassemble des jeunes de divers horizons politiques dans l’objectif d’organiser une élection présidentielle anticipée. Pour y parvenir, Tamarrod avait lancé une campagne visant à recueillir 15 millions de signatures pour retirer la confiance au président aujourd’hui destitué, Mohamad Morsi. L’initiative a mené à des méga-manifestations le 30 juin qui ont réussi à mettre Morsi à l’écart de la présidence.

Aujourd’hui, le mouvement se fragmente. Outre le Front de la correction du chemin, le bureau exécutif du mouvement à Alexandrie a annoncé aussi sa dissolution. « La direction du mouvement s’est écartée des objectifs révolutionnaires », dit un communiqué du bureau. « Lemouvement a accompli sa mission pour laquelle il a été créé. Il n’a plus sa raison d’être et c’est normal qu’il disparaisse aujourd’hui », explique Khaled Abdel-Hamid, activiste. La transformation du mouvement en parti politique poursuit plusieurs objectifs. « Beaucoup de membres de Tamarrod ont soutenu le régime intérimaire. Pour eux, c’est l’heure de récupérer les bénéfices. Dans ce contexte, se transformer en parti politique leur permet de disputer les prochaines élections législatives et de décrocher quelques sièges au Conseil des députés ». Le mouvement Tamarrod n’est pas le premier à imploser de cette manière. Tous les mouvements post-révolution ont eu des problèmes similaires. L’un des exemples les plus flagrants est celui du 6 Avril, fondé par l’activiste Ahmad Maher, arrêté il y a quelques semaines. Le mouvement s’est scindé après la révolution du 25 janvier 2011 et a connu des démissions massives en raison des divergences d’opinion internes.

Au coeur de la révolution

Lancé après la répression meurtrière menée par la police contre des grévistes le 6 avril 2008 à Mahalla (Delta), le mouvement du 6 Avril a été au coeur de la révolution de janvier qui a mené à la chute de Hosni Moubarak. Après l’élection de Mohamad Morsi, le mouvement s’est montré prêt à coopérer avec le nouveau régime, notamment pour la rédaction de la nouvelle Constitution, ce qui lui a valu les critiques d’autres factions de l’opposition. Entre-temps, le mouvement est passé par une phase de guerres intestines qui ont provoqué sa division. « Lemouvement a évolué depuis sa création. Ses membres sont plus nombreux et ses activités sont plus larges, grâce à la popularité qu’il a acquise dans la foulée de la révolution et à son intransigeance face à Moubarak », explique Mahmoud Afifi, ancien porte-parole du mouvement, poste qu’il a récemment quitté.

Le cas de Tamarrod est identique. « Ces nouveaux mouvements ne sont pas nés autour de bases idéologiques claires mais avaient un seul but, à savoir lutter contre les pouvoirs en place. Ils sont formés de jeunes d’horizons différents. Face à cette situation, les leaders de ces mouvements n’ont pas contenu les divergences. Ils n’avaient pas de plan pour exploiter cette ressource qui s’offrait à eux», explique Afifi.

Mona Ezzat, un des fondateurs du Parti pain et liberté, a une autre théorie. « Parfois c’est l’Etat qui intervient pour affaiblir ces mouvements selon les intérêts du régime ». Au sein du mouvement Tamarrod, des militants comme Mahmoud Badr et autres étaient des révolutionnaires et ils sont devenus une partie intégrante du pouvoir. Ezzat ajoute: « Parfois un membre du mouvement commence à lancer des rumeurs et puis se retire du mouvement pour en former un autre, et petit à petit le mouvement se désintègre ».

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