Alaa abdel-fattah, figure de la révolution du 25 janvier et activiste pro-démocratie, a été condamné par la Cour d’assises du Caire à 15 ans de prison, ainsi que 24 autres activistes pour avoir manifesté sans l’autorisation du gouvernement. Tous ont été reconnus coupables de participation à des manifestations illégales. Juste après l’annonce du verdict, Alaa Abdel-Fattah et deux autres militants ont été arrêtés alors qu’ils se trouvaient à l’extérieur rdu tribunal, a indiqué Ahmad Seif, père de Abdel-Fattah. «
Le juge n’a pas attendu l’entrée des accusés dans la salle d’audience pour rendre son verdict », indique Seif. L’histoire remonte à novembre dernier, lorsque Alaa Abdel-Fattah est arrêté pour violences lors d’une manifestation non autorisée, avant d’être libéré sous caution en mars. Il était poursuivi pour avoir enfreint une loi controversée limitant le droit de manifester. En fait, la loi sur les manifestations, adoptée l’an dernier, est dénoncée par les organisations de défense des droits de l’homme comme un recul en manière de respect des libertés publiques par rapport aux acquis de la révolution du 25 janvier 2011. Ce texte permet au ministère de l’Intérieur d’opposer son veto à tout rassemblement de plus de dix personnes.
Les 24 coaccusés de Abdel-Fattah ont été condamnés par contumace à 15 ans de prison chacun pour avoir pris part à des manifestations interdites, pour avoir bloqué des routes et agressé des policiers lors d’une manifestation en novembre contre les pouvoirs exorbitants octroyés à l’armée dans le projet de Constitution, adoptée deux mois plus tard. La mère de Alaa Abdel-Fattah s’est dite indignée, affirmant qu’elle ne s’attendait pas à un jugement aussi sévère. « Ce genre de comportement ne fait pas avancer le pays sur la voie de la réconciliation, ça ne fait pas avancer non plus le pays sur la voie de la stabilité, ça ne nous mène nulle part sauf vers une spirale de violence », a-t-elle déclaré.
Plusieurs ONG se sont mobilisées en soutien à Alaa Abdel-Fattah et les autres accusés. « Ce verdict contre Alaa Abdel-Fattah, Ahmad Abdel-Rahman, Waël Metwally, et 22 autres personnes, marque un recul des droits de l’homme en Egypte », indique dans un communiqué commun 16 ONG. Selon elles, les condamnés n’ont pas commis de crimes, mais simplement exercé leur droit de s’exprimer garanti par la Constitution de 2014. Pour le directeur du réseau arabe des droits de l’homme Gamal Eid, ce verdict est politique car, selon lui, la peine maximale prévue par la loi sur les manifestations est de 3 ans de prison seulement. « Pourquoi on juge ceux qui ont appelé à la démocratie ? », interroge Eid.
Hafez Abou-Seada, président de l’Organisation égyptienne des droits de l’homme, se dit choqué par ce verdict. « La peine de 15 ans de prison est la peine maximale dans le Code pénal. Elle est prévue pour les cas d’agression sur les installations publiques et n’a aucune place dans la loi sur les manifestations. Il est temps que le président de la République commence une réconciliation avec les jeunes révolutionnaires, qui ne sont pas impliqués dans des violences », affirme Abou-Seada.
Outre les organisations des droits de l’homme, des hommes politiques ont également réagi. L’ancien candidat à la présidentielle, Hamdine Sabahi, a ainsi fait son premier tweet depuis sa défaite à l’élection. « Cibler les jeunes de la révolution avec des législations inconstitutionnelles n’est pas acceptable après 2 révolutions du peuple. Nous appelons à une nouvelle loi pour les manifestations qui les organise et ne les interdit pas, une loi qui ne soit pas un moyen pour restreindre les opposants », a déclaré Sabahi. Pourtant, pour certains, le verdict est dissuasif, et la loi doit être appliquée à tout le monde. « Ce verdict n’est pas motivé politiquement. Il s’agit d’une décision judiciaire basée sur les articles de la loi égyptienne. Ce jugement ne provient pas de l’imagination du juge », assure Dalia Ziyada, directrice exécutive du Centre Ibn Khaldoun. Selon, elle, les accusés n'étaient pas au tribunal le jour du verdict et dans ce cas, la loi égyptienne prévoit la peine maximale.
En avril, un tribunal avait confirmé les peines de 3 ans de prison ferme infligées à Ahmad Maher, fondateur du mouvement du 6 Avril, fer de lance du soulèvement de 2011, Mohamad Adel, membre du même mouvement, et Ahmad Douma, un autre activiste de gauche. Ils étaient eux aussi poursuivis pour avoir enfreint la loi limitant le droit de manifester, promulguée en novembre 2013 par les autorités de transition. En plus, Mahinour Al-Masri, une célèbre activiste de gauche d’Alexandrie, a été condamnée à 2 ans de prison en mai dernier pour les mêmes chefs d’inculpation. Désirant rétablir l’ordre et « faire respecter la loi » face à la contestation de certains groupes révolutionnaires, l’Etat veut rester ferme et envoyer un message de fermeté à ces groupes.
Lien court: