« Ce peuple est le concepteur de ce moment historique», écrit Ibrahim Eissa dans le quotidien Al-Tahrir avant de jeter ses foudres contre ceux qui critiquent le faste de l’investiture et le trop-plein de protocole : « Que voulaient-ils? Que ce soit fait à l’image d’un mariage dans une mosquée ? ». Et d’ajouter : « Les Egyptiens ont récupéré leur pays des griffes de l’anarchie et de sous les sabots de la bande des Frères musulmans et des traîtres. La journée de l’investiture a été faite pour l’histoire, une pièce d’arabesque égyptienne à l’intention du monde pour que celui-ci sache que l’Egypte est un pays qui a son protocole, ses traditions, ses règles et ses joies. Ceux qui critiquent ces apparats officiels me font rappeler ceux qui considéraient les manifestations comme une perte d’argent et un frein à la production. Au final, l’Egypte est en sécurité et écrase les menaces des Frères musulmans.
Un nouveau président ...(Vivement le jour où l'on sera heureux d'être un NOUVEAU PEUPLE ...!)
L’Egypte est accueillante, heureuse et optimiste. Voilà pour ce qui est de la forme. Quant au fond, on verra ce que vont apporter les jours qui viennent ». Dans le même journal, dont Ibrahim Eissa est le rédacteur en chef, un autre éditorialiste, Wael Abdel-Fattah, va au-delà de l’investiture et analyse son vrai sens. Selon lui, « tout ce protocole n’était pas fortuit, son but était de dire que l’Etat est là et qu’il se libère de ses conquérants. Il n’est pas important qu’il n’ait pu attirer que quelques frères arabes et amis africains. Il a réussi à organiser la fête. Et organiser cette fête est une déclaration symbolique de la passion de l’Etat pour ses rites et une manière de montrer qu’il a des outils, sortis des vieux placards puis lavés, pour paraître comme un Etat moderne qui a des traditions. C’est le message des festivités, qui en fait concerne la mainmise de l’Etat sur ses outils. Quant au discours, il reflète la conscience avec laquelle il use de son autorité ». Pour Wael Abdel-Fattah, généralement acerbe dans ses éditoriaux à l’égard du pouvoir, les festivités d’investiture ont dévoilé « des lacunes dans le discours de l’Etat, qui ne peut se présenter que comme un représentant d’un pot-pourri (janvier-juin) qui semble être le pont pour bâtir un nouveau régime qui refuse les deux ex-régimes (Moubarak-Frères musulmans) en se basant sur les attentes populaires et les épopées du général…
Il semble que l’Etat imagine qu’il peut sortir de la cave, tous les slogans passés, l’arabité, le socialisme, le capitalisme d’Etat, l’Infitah, et les ponts et chaussées comme projets nationaux dans un seul package pour provoquer le miracle… Et l’attente du miracle est en soi le plus grand danger qui menace Al-Sissi. Or, celui-ci ne peut ni vivre ni gouverner hors de cette menace... On verra ». Dans Al-Masry Al-Youm, où au milieu des éditos pompeux sur la nouvelle Egypte qui s’annonce, d’autres affichent eux aussi du scepticisme. « Nous avons critiqué le pouvoir absolu, et nous avons réclamé un Etat de droit, la suprématie des lois et des projets de développement et un partage équitable des ressources. Mais nous avons obtenu moins que ce que nous avions déjà en main. Où est donc l’erreur? Pourquoi le peuple révolté a-t-il accepté de soumettre sa volonté à la force au lieu de la soumettre à la loi ? Pourquoi a-t-il refusé de se soumettre à un dirigeant au nom de la religion pour se soumettre à un dirigeant au nom de la sécurité ? Est-ce la peur de l’inconnu ? ». Des questions majeures qui méritent d’être méditées.
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