La scène était remarquable. Pour la première fois dans l’histoire de l’Egypte, un président cède le pouvoir à un autre président. Après près de 11 mois passés à la tête de l’Etat, le président par intérim, Adly Mansour, a quitté dimanche le palais présidentiel remettant lepouvoir à son successeur élu, Abdel-Fattah Al-Sissi.
C’est sans préavis que ce magistrat et président de la Haute Cour Constitutionnelle (HCC) s’est retrouvé à la tête du pouvoir, le 3 juillet 2013, après la destitution du président islamiste, Mohamad Morsi. Il avait intégré la HCC en 1992, sous l’ancien président Hosni Moubarak. Le 30 juin 2013, en pleines manifestations contre le pouvoir islamiste, il est nommé président de la HCC, succédant au juge Maher Al-Béheiri. Quelques jours plus tard, le 4 juillet, Adly Mansour, prête serment comme président par intérim. Il est chargé entre autres de l’application de la feuille de route. Il accomplit parfaitement sa mission. Doté, provisoirement, des pouvoirs législatifs et exécutifs, il prendra pendant qu’il est au pouvoir des décisions importantes et promulgue plusieurs lois et décrets.
Sous son mandat, les deux premières échéances de la feuille de route seront achevées, à savoir l’amendement de la Constitution et la tenue de l’élection présidentielle. C’est lui qui promulgue aussi la loi sur l’exercice des droits politiques qui régira les prochaines élections législatives, dernière étape de la feuille de route. Son mandat sera cependant marqué par de profondes divisions. Le 14 août 2014, l’évacuation par la force des sit-in des Frères musulmans et leurs alliés islamistes à Rabea Al-Adawiya et à Al-Nahda, fait plus de 600 morts. Quelques mois plus tard, Mansour ordonne la formation d’un comité indépendant d’enquête sur les événements du 30 juin, dont ceux de Rabea Al-Adawiya et les actes de violences qui ont eu lieu après la destitution du président islamiste Mohamad Morsi.
Face à la vague de terrorisme qui prend pour cible l’armée et la police, Mansour amende certaines clauses du code pénal relatives au terrorisme. En vertu de ces amendements, les sanctions à l’égard des actesterroristessont durcies et la notion même de terrorisme est élargie.
Autre mesure controversée de son mandat, la loi sur les manifestations. C’est en vertu de cette loi interdisant les manifestations sans autorisation préalable du ministère de l’Intérieur, que des dizaines d’activistes et de figures de proue de la révolution du 25 janvier 2011 sont incarcérés. Mais face aux manifestations anarchiques et violentes des Frères musulmans, le président par intérim a dû maintenir cette loi en tant que moyen provisoire pour rétablir l’ordre. Face à la contestation de la loi, Mansour s’est voulu rassurant soulignant son respect des deux révolutions du 25 janvier et du 30 juin et surtout aux jeunes. Il a promis la libération de tous les détenus non impliqués dans la violence. Dans une tentative de rétablir l’ordre dans les universités où les étudiants Frères musulmans manifestent en permanence, Adly Mansour promulgue un décret interdisant les manifestations sans permission préalable du président de l’université, et permettant à ce dernier d’expulser tout étudiant coupable de sabotage. La loi sur les élections présidentielles, immunisant les décisions de la Haute Commission Electorale (HCE) de toute contestation judiciaire, a été aussi promulguée sous les critiques des forces politiques. Mais Adly Mansour a convaincu les contestataires que l’immunisation des décisions de la HCE évitera au pays des troubles politiques.
Au mois de mars dernier, Mansour a émis un décret stipulant la création d’un conseil de sécurité nationale ayant pour missiond’approuver les stratégies relatives à la sécurité, ainsi que les plans de développement qui visent à protéger l’identité de l’Etat et sa souveraineté. Un autre décret a été émis introduisant plusieurs amendements à la loi régissant les forces armées. Ces amendements se rapportent au choix du ministre de la Défense et aux prérogatives de l’institution militaire. En vertu de ces amendements et pour la première fois, le président de la République ne présidera pas le Conseil suprême des forces armées. Une mesure qui, selon Mansour, répond aux impératifs de la sécurité nationale et vise à garantir l’indépendance de l’armée par rapport au pouvoir en place quel qu’il soit. Le but de ces modifications était aussi d’uniformiser ces lois avec la nouvelle Constitution. Toujours en ce qui concerne l’armée, en janvier 2014, Mansour décide par décret présidentiel, la promotion du général Abdel-Fattah Al-Sissi, ministre de la Défense, au grade de maréchal. En mars, le chef d’état-major des forces armées, le lieutenant-général Sedqi Sobhi est, lui, promu au grade de général par décret présidentiel.
Des décisions politiques et sociales
Au niveau politique, Mansour émet une déclaration constitutionnelle pour dissoudre le Conseil de la Choura. Il amende certaines dispositions de la loi sur les retraites et forme le comité d’experts chargé d’amender la Constitution. En mai, il publie un décret-loi fixant le salaire et les indemnités de représentation du président de la République à 42 000 L.E. par mois. Mansour a aussi signé un décret sur le passage à l’heure d’été. A quelques jours de son départ, il a signé un décret abrogeant les lois d’amnistie accordée par l’ex-président Mohamad Morsi en faveur de 52 personnes.
Deux jours avant de remettre le pouvoir, Mansour a émis des décrets républicains portant sur la modification de certaines dispositions de la loi sur le harcèlement sexuel, l’imposition d’une taxe supplémentaire temporaire sur les grands revenus etune loi restreignant la prédication aux oulémas du ministère des Waqfs et d’Al-Azhar disposant de permis de pratiquer le discours religieux.
Terrorisme, manifestations violentes des Frères musulmans, détérioration de la situation économique et refus de certains pays étrangersde reconnaître la légitimité du nouveau pouvoir transitoire, des défis colossaux auxquels Mansour a dû faire face. Aujourd’hui, les défis qu’affronte le nouveau président ne sont pas moins importants.
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