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Présidentielle : l'heure du choix

Chérine Abdel-Azim, May Al-Maghrabi, Ola Hamdi, Samar Zarée, Mardi, 27 mai 2014

Le premier jour de l’élection présidentielle s’est, de manière générale, déroulé dans le calme. Le participation a toutefois été faible avec une présence importante de femmes. Tournée dans 3 quartiers du Caire.

Election présidentielle

En route vers le bureau de vote d’Al-Hel­miya, un quartier populaire du centre du Caire, difficile de croire que c’est une journée électorale. Seule la présence des blindés de l’armée et de la police marque la pré­sence des bureaux de vote. Devant le portail entrou­vert de l’école qui fait office de bureau de vote, se trouvent des barricades de sable derrière lesquelles sont retranchés des soldats armés jusqu’aux dents. Tout est là pour rappeler que le pays est en guerre contre le terrorisme.

Il est 14 heures, les électeurs attendent sous une chaleur pesante. C’est peut être la raison de cette faible affluence. A peine une centaine de femmes font la queue. Certaines brandissent le drapeau égyptien. D’autres dansent aux rythmes d’une musique qui retentit d’un haut parleur installé dans un magasinproche. D’autres encore prennent des photos avec les officiers cagoulés de l’armée. Aucune tension n’est perceptible et tous les votants s’apprêtent à glisser dans l’urne le nom de la même personne: Abdel-Fattah Al-Sissi.

Les femmes sont venues soutenir leur « héros ». Pas moyen de rencontrer un électeur pro-Hamdine Sabahi, le concurrent nassérien de Sissi qui, dit-on, mise sur les voix des jeunes. Les électeurs se van­tent d’être venus pour voter Sissi qu’ils quali­fientde « sauveur de l’Egypte ». Son passé mili­taire ne les dérange pas. « Au contraire, le fait qu’il soit militaire est un point positif. L’armée a toujours protégé la volonté du peuple. Sissi nous a sauvé des Frères musulmans. Il ne cherchepas le pouvoir, ce sont les Egyptiens qui lui ont demandé de devenir leur président », dit Nadia, la trentaine, fonction­naire.

C’est l’avis d’une majorité d’Egyptiens. Pour eux, Sissi est l’homme fort qui ramènera la stabilité après les 3 années de « chaos » et de crise écono­mique. L’enthousiasme remarquable pour Sissi n’empêche pas certaines échauffourées dues à la mauvaise organisation qui a causé l’entassement d’électeurs pendant plus de 3 heures devant le bureau de vote. « Ras le bol, venez voir ce juge qui ne fait rien depuis deux heures et qui confond les listes électorales », s’écrient 3 femmes en se plai­gnant aux officiers stationnés devant le portail de l’école. Les officiers entrent dans le bureau de vote et tombent sur un véritable chaos. Des dizaines d’électeurs perdus, cherchent eux-mêmes leurs numéros sur les listes électorales, et votent collecti­vement. Les policiers tentent de remettre un peu d’ordre et aident les électeurs à retrouver leurs noms sur les listes !

Au bureau de vote del’école Al-Khédéwiya, à Sayeda Zeinab, la foule est plus massive, mais ce sont toujours les femmes qui tiennent le haut du pavé. « Les hommes sont-ils au travail? Allez venez les jeunes qu’est-ce que vous attendez pour voter ? », dit-elle, à un groupe qui se trouve à proxi­mité du bureau de vote. « Non merci maman, nous élirons notre candidat la prochaine fois », ironise l’un d’entre eux. Les jeunes redoutent que Sissi s’inscrive dans la lignée de l’Etat répressif de Moubarak. Sur Twitter, ils ont créé un hashtag inti­tulé « Je n’y vais pas » pour expliquer leur boycott de la présidentielle. Cependant, tous les jeunes ne pensent pas ainsi. Ahmad, âgé de 25 ans, rejoint la file d’attente. Il est venu avec son père voter Sissi. « Sissi est sincère et veut servir son pays. La stabi­lité permettra de redresser l’économie », dit-il.

Les jeunes boycottent à Hélouan

A Hélouan, un autre quartier situé à 25 kilomètres au sud du Caire, la situation est calme. Cette région est un bastion des Frères musulmans. Après l’ou­verture des bureaux de vote, l’affluence est très faible. A l’école Rokn Farouq, ont note immédiate­ment la faible présence de la sécurité. Seuls quelques soldats et officiers se trouvent devant la porte principale de l’école. Il y a aussi deux femmes qui fouillent les sacs des électrices. La plupart des électrices sont venues donner leur appui au maré­chal Sissi. « Je viens pour la stabilité, pour lutter contre le terrorisme des Frères musulmans. Nous souffrons depuis 3 ans du chaos. Sissi ramènera la stabilité. Que Dieu soit avec lui », explique Fathiya Sayed, 65 ans.

La scène à Hélouan est bien différente de la pré­sidentielle de 2012. Les rues sont désertes, pas de véhicules qui demandent aux citoyens de voter. A l’école Al-Qods, seule une dizaine de femmes sont venues voter, habillées aux couleurs du drapeau égyptien (rouge, blanc et noir), et brandissant des portraits de Sissi. Devant l’entrée du bureau de vote, retentit la chanson de Hussein Al-Jasmi Bouchret kheir. La présence massive des femmes a incité certaines entreprises à distribuer des petits cadeaux aux électrices devant les bureaux de vote en guise de propagande. Hagga Magda, une mère de 60 ans, qualifie Sissi de lion, comme Gamal Abdel-Nasser. « Je voudrais que tout le monde vote Sissi qui a sauvé le pays des Frères musulmans. Nous voulons la stabilité, et nous allons l’aider à réussir ». Les partisans de Hamdine Sabahi, eux, sont quasi absents.

Hélouan est une région industrielle, où se trou­vent des usines de fer et d’acier. Les ouvriers ont été autorisés à quitter le travail plus tôt le jour du vote. Pourtant, leur présence est très faible dans les bureaux. Ahmad Rohama, 50 ans, professeur dans une école secondaire, justifie: « Je suis sûr que l’affluence va augmenter plus tard. N’oublions pas qu’il fait très chaud », explique-t-il. Les jeunes de la révolution, et les Ultras d’Ahly et Zamalek (sup­porters radicaux), ont boycotté les élections. « C’est un duel déséquilibré ou l’un des candidats joue le rôle de figurant. Nous rêvions de justice, d’égalité, et de liberté mais, malheureusement, ces valeurs n’ont pas été réalisées et nous allons continuer à lutter pour réaliser notre rêve », affirme Ahmad 20 ans, étudiant en droit.

Ambiance festive à Madinet Nasr

Dans le quartier de Madinet Nasr à l’est du Caire, la scène n’est pas très différente, à savoir une présence importante de femmes et une partici­pation assez faible. Bien que les bureaux de vote ouvrent à 9 heures, Soheir Loutfi, 28 ans a décidé de se rendre à 7 heures à l’école expérimentale de Madinet Nasr qui fait office de bureau de vote. Mais en arrivant, elle constate que 25 personnes l’ont devancée. Des centaines des femmes sont venues voter habillées aux couleurs du drapeau égyptien. Devant le bureau de vote, l’ambiance est festive. Et on entend aussi la chanson Bouchret kheir de chanteur Hussein Al-Jasmi. Le temps passe, la chaleur est torride et la file avance très lentement. Trois jeunes filles, Fatma, Samar et Chérine arrivent avec des bouteilles d’eau qu’elles distribuent aux électeurs. « Nous ne faisons pas partie ni de la campagne de Sabahi ni de celle de Sissi. Nous faisons partie de l’Egypte », affirme Samar. Et d’ajouter: « Nous avons collecté de l’argent de nos parents et nos amies et formé des groupes de trois. Chaque groupe distribue trois fois des bouteilles d’eau pour les électeurs ». Devant le bureau de vote d’Al-Gamaa Al-Ommaliya, la présence de 5 jeunes du Croissant-Rouge égyptien retient l’attention. « Nous avons 28 équipes répandues au Caire à cause de cette chaleur. Certains citoyens perdent conscience ... », explique Dr Elham. Cette chaleur a influencé bien sûr la participation des citoyens. « Entre 14 et 18 h, la participation a beaucoup diminué », conclut Rami Moustapha, le juge res­ponsable du bureau de vote.

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