Lundi, 07 octobre 2024
Al-Ahram Hebdo > Egypte >

Coup dur pour les activistes

May Atta, Mardi, 27 mai 2014

L'arrestation de l'activiste Mahinour Al-Masry, qui doit purger deux ans de prison pour manifestation illégale, relance le débat sur les droits de l'homme en Egypte.

Mahinour Al-Masry
Mahinour Al-Masry

L’activiste alexandrine Mahinour Al-Masry a été arrêtée cette semaine pour purger une peine de 2 ans de prison pour avoir manifesté sans autorisation. Elle a été condamnée à deux ans de prison et à une amende de 50000 L.E., pour avoir manifesté en décembre dernier dans le cadre d’un sit-in organisé par des avocats devant un commissariat de police à Alexandrie lors du procès des assassins de Khaled Saïd, ce jeune homme décédé suite à son arrestation fin 2010 et qui est devenu l’un des symboles de la révolution du 25 janvier.

Dans un communiqué publié à Bruxelles, l’Union européenne demande la libération immédiate de Mahinour, qui manifestait paci­fiquement avec d’autres militantes. Pour l’UE, comme pour l’Onu, la loi égyptienne interdisant les manifestations pacifiques en faveur des droits de l’homme « n’est pas conforme aux normes internationales ».

Face à l’arrestation de Mahinour, les acti­vistes des droits de l’homme sont mobilisés. Ils ont organisé une conférence devant le syn­dicat des Journalistes, samedi dernier, sous le slogan « Libérez l’Egypte ». « La situation démocratique actuelle est encore plus catas­trophique que du temps de Moubarak », dénoncent les activistes.

Mahinour n’est pas la première activiste à être emprisonnée. Plusieurs figures de la révolution du 25 janvier, tels Alaa Abdel-Fattah, Ahmad Maher, le leader du mouve­ment du 6 Avril, l’activiste Ahmad Doma et d’autres ont écopé récemment de peines de prison pour avoir « enfreint la loi interdisant les manifestations non autorisées par la police ».

« Nous sommes dans un Etat policier », lance Khaled Ali, militant des droits de l’homme et ancien candidat à la présidence. Comme Alaa Abdel-Fattah et d’autres, Mahinour était opposée à l’ancien président Mohamad Morsi et au régime des Frères musulmans, mais elle aurait voulu que le départ de Morsi soit décidé par le peuple et non par l’armée. Elle refuse l’établissement d’un régime militaire que les jeunes révolution­naires ont déjà combattu en 2011.

Une quinzaine de militants et d’avocats ont été arrêtés puis relâchés dans l’après-midi du jeudi 22 mai, lorsque les forces de sécurité ont fait irruption dans les bureaux du Centre des droits économiques et sociaux à Alexandrie. L’opération a eu lieu vers 14h, alors que le Centre accueillait une conférence en signe de solidarité avec Mahinour Al-Masry, condamnée la veille. Plus de 150 personnes assistaient à cette conférence et manifestaient devant le Centre avant l’arrivée de la police.

Amnesty International a qualifié l’opéra­tion, la deuxième en 6 mois, « d’atteinte aux libertés d’association et de réunion ».

Khaled Ali, quant à lui, dénonce: « Les agents de sécurité ont pourchassé les acti­vistes dans les escaliers et jusque dans les rues voisines, les frappant à coups de poing et de crosse, et ils les ont placés en garde à vue. Les femmes auraient fait l’objet d’insultes et de brimades à caractère sexuel ».

Selon lui, la situation est devenue « insup­portable ». « Depuis le 30 juin dernier, 41136 citoyens font l’objet de poursuites en justice, et 59 jeunes sont morts à cause de la violence dans les commissariats de police », dit-il. Depuis la chute de Morsi, plus de 1400 mani­festants ont péri sous les balles des forces de l’ordre, plus de 15000 islamistes ont été arrê­tés, et des centaines condamnés à mort ou à de lourdes peines lors de procès expéditifs qui ont déclenché un tollé international.

D’autres militants, comme ceux du mouve­ment du 6 Avril, fer de lance de la révolte de 2011, récemment interdit, sont en prison pour avoir manifesté sans autorisation, ou parce qu’ils appelaient au boycott de l’élection pré­sidentielle de lundi et mardi. Khaled Ali pense que le régime actuel « ne cherche pas la démocratie ».

La campagne contre les activistes de la révolution et des droits de l’homme est due à la volonté des autorités de se montrer ferme et d’éviter tout débordement. C’est dans ce contexte que lors de sa campagne électorale, le maréchal Abdel-Fattah Al-Sissi avait décla­ré que « les libertés ne devaient pas primer sur la sécurité nationale », estimant que l’Egypte ne serait pas prête pour « la vraie démocratie avant 20 à 25 ans ».

Iglal Raafat, professeur de sciences poli­tiques à l’Université du Caire, a une autre opinion. « Nous devons savoir que l’Egypte traverse en ce moment une période très déli­cate où les institutions sont menacées. L’Etat doit être ferme, sinon, il n’y aura plus d’insti­tutions en Egypte. Il faut faire respecter la loi », affirme-t-il.

Selon lui, à plusieurs reprises, des étudiants sont entrés dans les salles de cours pour mani­fester de manière violente. « Le gouverne­ment ne peut affronter tout cela avec délica­tesse. Je sais bien que parfois la police arrête des innocents, mais il est très difficile de séparer dans une manifestation les manifes­tants pacifiques et ceux qui utilisent la vio­lence. Pour le cas deMahinour et d’autres, le fait de ne pas avoir obtenu de permis légal pour manifester était une faute. Tout citoyen doit respecter la loi », conclut-il.

Lien court:

 

En Kiosque
Abonnez-vous
Journal papier / édition numérique