Les discussions sur le nouveau projet de loi sur le travail ont repris au sein de la commission de la main-d’oeuvre du Parlement. « Le gouvernement espère que cette nouvelle loi sera promulguée avant la fin de l’année, afin d’organiser les relations entre les travailleurs et le patronat », a déclaré Mahmoud Fawzi, ministre des Affaires parlementaires, juridiques et de la Coordination politique. Il a précisé que des amendements ont été déposés pour préparer une législation équilibrée et conforme aux objectifs des deux parties.
Les employés attendent cette loi depuis plus de dix ans, car aucun compromis n’a pu être trouvé jusque-là. Adel Ayad, président de la commission de la main-d’oeuvre au Parlement, explique que ce retard s’explique par l’importance du sujet. « Ce projet de loi régit les relations de travail entre employés et employeurs. Chaque partie tente de défendre ses intérêts, et parvenir à un compromis nécessite des dialogues réguliers et approfondis sur toutes les questions. Nous nous efforçons de promulguer une loi qui garantisse les droits et les devoirs des employés comme du patronat », souligne-t-il.
Alors que les discussions ont repris ce mois-ci, le Centre de services pour les syndicats et les ouvriers a publié un communiqué la semaine dernière affirmant que la majorité des amendements proposés par le gouvernement favorisent les employeurs et ignorent les besoins et revendications des travailleurs. Le communiqué insiste sur l’urgence de la promulgation d’une nouvelle loi capable de combler les lacunes de la législation actuelle, en vigueur depuis 2003.
Les points controversés
Plusieurs points sensibles restent au coeur des controverses entre les deux parties. « Jusqu’à présent, les employés comme le patronat ne sont pas parvenus à un accord sur certains articles. Si les ouvriers estiment que les amendements favorisent le patronat, ce dernier pense exactement l’inverse », a déclaré Magdi Al-Badawi, vice-président de l’Union des ouvriers. Il a ajouté que l’adoption d’une nouvelle loi est essentielle pour se conformer à la Constitution de 2014. Depuis la promulgation de la loi sur le travail n°12/2003, le phénomène des licenciements abusifs n’a cessé de croître. Cette loi comportait des lacunes qui facilitaient le licenciement des travailleurs, notamment à travers l’utilisation du fameux formulaire numéro 6, permettant à l’employeur de congédier un salarié à tout moment sans lui accorder ses droits. Cette pratique va à l’encontre de l’article 13 de la Constitution, qui interdit le licenciement abusif et affirme que « l’Etat s’engage à préserver les droits des travailleurs et oeuvre à établir des relations de travail équilibrées entre les partenaires du processus de production. L’Etat assure les moyens de la négociation collective, protège les travailleurs contre les dangers du travail, veille sur la sûreté, la sécurité et la santé au travail et interdit le licenciement abusif. Ces dispositions sont prévues par la loi ». Selon Al-Badawi, le nouveau projet de loi annule l’article qui facilitait le licenciement des travailleurs et stipule que ceux-ci ne peuvent être licenciés qu’à la suite d’une décision judiciaire définitive. Le texte prévoit également, pour la première fois, la création de tribunaux spécialisés dans les litiges du travail, visant à accélérer les procédures judiciaires concernant les licenciements, le chômage technique et les contrats de travail.
Cependant, ces amendements se heurtent à l’opposition des employeurs, qui souhaitent davantage de liberté dans ces domaines. « Les patrons oublient que, dans certains pays, les législations autorisent effectivement le licenciement, mais les salariés bénéficient en contrepartie d’allocations chômage leur garantissant un niveau de vie décent. Ce n’est pas le cas en Egypte », avertit Al-Badawi.
En ce qui concerne la création de tribunaux spécialisés, les ouvriers saluent ce progrès, mais estiment que la loi devrait fixer des délais précis pour le traitement des litiges. « Dans notre usine, certains ouvriers sont suspendus depuis huit ans en attendant l’issue de procédures judiciaires interminables », déplore Al-Sayed Habib, ouvrier à l’usine de textile de Mahalla et membre du Centre de services pour les syndicats et les ouvriers.
Un autre sujet de désaccord porte sur l’augmentation annuelle des salaires, fixée à un minimum de 3 % dans le projet de loi. Les ouvriers rejettent cette proposition. « La version de 2016 prévoyait une augmentation annuelle de 7 %, et nous l’avons refusée car elle était insuffisante après la dévaluation de la livre égyptienne cette même année. Alors, comment justifier une baisse de notre droit à une augmentation annuelle, de 7 % à 3 %, alors que l’inflation continue de grimper ? », s’interroge Al-Sayed Habib.
Le droit à la grève constitue un autre point de discorde. « Les restrictions proposées sont nombreuses. Selon le projet de loi, une grève ne peut être organisée que si deux tiers des employés donnent leur accord. En plus, les ouvriers doivent préciser la durée de la grève et s’y conformer. Mais que faire si aucun compromis n’est trouvé avec le patronat avant la fin de cette période ? Les employeurs, eux, n’auront qu’à attendre l’expiration du délai sans répondre aux revendications des travailleurs », déclare Habib, indigné.
Adel Ayad, président de la commission de la main-d’oeuvre, assure que les députés continueront, dans les mois à venir, de travailler avec les représentants des travailleurs et des employeurs pour rapprocher les points de vue. L’objectif reste de trouver un équilibre entre les droits et les devoirs des deux parties.
La longue histoire du projet de loi
Le gouvernement a commencé à travailler sur le projet de loi sur le travail en 2014, avant de l’élaborer en 2016 pour remplacer la loi unifiée sur le travail promulguée en 2003 et toujours en vigueur aujourd’hui. Ce projet vise à instaurer une formule plus équilibrée entre les travailleurs et le patronat. Cependant, depuis 2016, les parties concernées n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur les dispositions de cette loi, qui compte 267 articles encadrant divers aspects : les contrats de travail, le droit de grève, les licenciements, les congés, les congés de maternité, les heures de travail et les salaires.
La loi cible le secteur privé et celui des entreprises publiques, qui représentent ensemble environ 80 % de la main-d’oeuvre égyptienne, soit environ 30 millions de travailleurs.
En 2017, le projet de loi sur le travail a été présenté par la commission de la main-d’oeuvre du Parlement, après avoir fait l’objet de débats entre représentants des employeurs et des travailleurs. Cependant, les ouvriers ont estimé que certains articles ignoraient leurs propositions, tandis que le patronat manifestait également des réserves. Face à cette opposition des deux camps, le gouvernement a retiré le projet.
En novembre 2021, le gouvernement a introduit des amendements au texte, puis l’a soumis à la commission générale du Sénat. Ce dernier a approuvé le projet de loi en 2022, marquant une nouvelle étape dans son long processus de mise en place.
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