La prière hebdomadaire du président traduit un souci de ne pas perdre la vue malgré des prises de position très peu populaires.
(Photo: AP)
« Mon cher et grand ami », c’est en ces termes que le président Mohamad Morsi qualifie son homologue israélien Shimon Pérès à qui il a souhaité, dans une lettre, « bonheur et prospérité » à l’occasion de la nomination d’un nouvel ambassadeur égyptien à Tel-Aviv. La teneur de cette lettre, soussignée par le président de la République et son chef de la diplomatie Mohamad Kamel Amr, a été divulguée la semaine dernière sur le site Internet du quotidien The Times of Israël.
Dans un premier temps, les Frères musulmans ont nié l’existence de cette missive, qualifiée de « fabrication sioniste visant à ternir l’image du président Morsi aux yeux de son peuple », selon Gamal Hechmat, cadre de la confrérie. Une dénégation qu’a fait taire la confirmation de l’authenticité de la lettre par le porte-parole de la présidence, Yasser Ali, qui a cependant ajouté que « les lettres d’accréditation des ambassadeurs obéissent à des formules diplomatiques figées », pour expliquer le choix du vocabulaire utilisé dans cette lettre. Mais, même sans être « l’oeuvre de sionistes », cette lettre n’a pas manqué d’indigner les Egyptiens qui n’arrivent pas à cerner la politique régionale de leur nouveau président, notamment en ce qui concerne les relations de l’Egypte avec Israël et les Palestiniens. Les islamistes expriment leur indignation et les libéraux expriment leur incompréhension.
« Nous demandons au président Morsi de s’excuser auprès de son peuple au lieu de chercher des justifications pour les termes honteux qu’il a inclus dans sa lettre à Shimon Pérès. Aucun protocole ne peut obliger une personne à renier ses principes et ses convictions, d’autant moins si cette personne est le président d’un peuple qui refuse la normalisation avec Israël », affirme Yasser Abdel-Tawab, du parti salafiste Al-Nour, qui se demande « comment Morsi peut exprimer sa sympathie à la fois pour la victime et pour son bourreau ». Hussein Abdel-Razeq, cadre du parti du Rassemblement (gauche) rappelle, lui, que les Frères musulmans fustigeaient Hosni Moubarak et son prédécesseur Anouar Al-Sadate à cause de leur collaboration étroite avec Israël. « Il est très paradoxal que le président Morsi, issu de la confrérie des Frères musulmans, envoie une telle lettre à Pérès au moment même où le guide suprême de la confrérie appelle les musulmans au djihad pour libérer Jérusalem », s’étonne Abdel-Razeq.
Mais le président tente-t-il vraiment de se démarquer de la confrérie dont il est issu? Hani Khalaf, ancien ministre adjoint des Affaires étrangères, trouve que « cette lettre a une signification positive dans la mesure où elle montre que le président s’abstient d’imposer l’idéologie de sa confrérie à la diplomatie égyptienne ». Mais Achraf Al-Chérif, professeur de sciences politiques à l’Université américaine du Caire, n’y voit pas l’exercice d’une quelconque retenue. « Par pragmatisme, les Frères musulmans ont toujours su séparer l’idéologie organisationnelle de l’exercice politique », affirme-t-il. « Depuis son investiture, Morsi a tenu à assurer son respect quant aux accords de paix avec Israël, un pays que sa confrérie considère un ennemi de l’Egypte et des musulmans », explique le politologue. Selon lui, les indices préliminaires montrent que le président Morsi penchera vers l’instauration des relations régionales équilibrées.
Emad Gad, spécialiste d’Israël au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, va encore plus loin, parlant de « coordination » entre les Frères musulmans, Washington et Tel-Aviv. « Ils utilisent un double discours de sorte à garantir leur maintien au pouvoir sans risquer de perdre le soutien de la rue dont une majorité demeure antagonique à la normalisation avec l’Etat hébreu », explique le chercheur. Toutefois, Gad exclut la possibilité qu’un rapprochement égypto-israélien puisse affecter les relations entre les Frères musulmans et le Hamas : « Le Hamas est également un groupe pragmatique qui n’a jamais hésité à conclure des transactions politiques avec ladite entité sioniste ». Une analyse confirmée par l’actualité: samedi dernier, le président Morsi et le chef du gouvernement du Hamas à Gaza, Ismaïl Haniya, discutaient par téléphone d’un important projet de reconstruction de la bande de Gaza financé par le Qatar. L’ambassadeur du Qatar à Gaza, Mohammad Al-Emadi, indiquait, quant à lui, que « les Frères en Egypte sont prêts à faciliter l’entrée des matériaux de construction dans la bande de Gaza », via le terminal de Rafah .
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