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Une invention pas très scientifique

May Al-Maghrabi, Mardi, 04 mars 2014

La mise en doute d’une découverte scientifique « miraculeuse » de l’armée se poursuit, soulevant des réactions mitigées dans un déluge de sarcasmes.

Invention

« ce nouveau traitement consiste à extraire le virus du corps du malade et à le lui faire avaler dans une kofta (boulette de viande) ! ». Ce n’est pas une blague. Ce sont bien les propos de l’inventeur du présumé appareil médical qui traite­rait l’hépatite C et le sida. Une pré­sentation banale d’une découverte scientifique dite « sans précédent » qui a suscité dans le pays un éclat de rire presque général.

Les forces armées avaient annon­cé, le 22 février dernier, la décou­verte d’un appareil capable de dia­gnostiquer et de traiter le sida, l’hé­patite C et la grippe porcine H1N1. Selon le docteur Ibrahim Abdel-Ati, à l’origine de l’invention, qui ne tarit pas en louanges de l’armée, « en dépit de la pression à laquelle est soumise l’armée, nos hommes viennent de prouver au monde qu’ils font tout leur possible pour servir la nation. L’armée égyptienne est un symbole de générosité et de sacri­fices », dit-il. Il assure qu’on lui aurait proposé 2 milliards de dollars pour racheter son invention. Il a toutefois tenu à souligner que l’Egypte n’exportera pas cet appa­reil à l’étranger afin « de le protéger du monopole international et du marché noir ». Plutôt avare en détails, l’inventeur n’a pas précisé quand sa machine révolutionnaire serait commercialisée. L’armée affirme que les tests menés ont 90% de réussite.

Baptisé « Complete Cure Device », cet appareil secrètement développé depuis 22 ans produit des ondes électromagnétiques qui détruiraient les cellules malignes et injecteraient à la place des acides aminés. Le tout sans même procéder à des prélèvements sanguins. Dans le cas de l’hépatite C— dont l’Egypte compte le plus fort taux au monde— le virus serait éliminé en 10 jours et sans effets secondaires. Après qu’on eut conduit des tests sur des animaux et des humains, le taux de réussite affiché est de 100%.

Essam Heggy, conseiller scienti­fique du président de la République, a qualifié cette annonce de « scan­dale scientifique » qui ne se base sur aucune donnée scientifique. « Cette annonce nuit à la recherche scienti­fique comme à l’armée. Les décou­vertes scientifiques ne doivent pas faire l’objet de plébiscite pour une institution. Comment peut-on faire une telle annonce sans suivre les procédures scientifiques recon­nues? C’est un scandale plutôt qu’une découverte », fustige Heggy.

Les médecins sont divisés quant à la crédibilité de cet appareil présu­mé. Pour Alaa Ismaïl, médecin au Centre des maladies épidémiolo­giques, il est prématuré de juger de l’efficacité de cet appareil qui doit être expérimenté. « C’est la façon dont a été annoncée cette décou­verte qui a donné lieu à cette cam­pagne acharnée remettant en cause son efficacité. Il faut d’abord for­mer un comité composé d’experts en la matière pour le tester et l’évaluer suivant les procédures scientifiques reconnues. Mais jusqu’à présent, il n’existe aucune information sur les aspects techniques de l’appareil et les cas des malades qui pourraient en profiter », indique Ismaïl. Il accuse les grandes compagnies de médicaments nationales et interna­tionales d’être à l’origine de cette attaque jusqu’à présent injustifiée.

Hicham Sultan, spécialiste des virus, pense que l’idée scientifique sur laquelle s’est basé le fonctionne­ment de cet appareil n’est pas illu­soire. « Chaque virus a une empreinte génétique qui peut être identifiée et détruite. Mais la ques­tion nécessite plus de transparence pour pouvoir soumettre l’appareil à des expériences permettant d’éva­luer son efficacité », renchérit Sultan. Sur la défensive, le général Taher Abdallah, du Centre de recherches scientifiques des forces armées, a déclaré que le ministère de la Santé avait demandé à l’armée de tester cet appareil dans tous les hôpitaux universitaires. Il ajoute que l’armée avait présenté des documents sur la capacité de cette découverte à traiter ces maladies mais le ministère de la Santé avait refusé de l’approuver avant de l’ex­périmenter. Au-delà du débat sur l’efficacité de l’appareil présumé, c’est le système de la recherche scientifique qui est à revoir. Entre bureaucratie et manque de finance­ment, beaucoup de chercheurs réclament la revalorisation de ce secteur primordial laissé à l’aban­don.

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