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Barrage de la Renaissance : La mise en garde du Caire

Chaïmaa Abdel-Hamid , Mercredi, 04 septembre 2024

Dans une nouvelle lettre au Conseil de sécurité de l’ONU, l’Egypte a dénoncé les comportements unilatéraux de l’Ethiopie, qui a procédé au cinquième remplissage du barrage de la Renaissance.

La mise en garde du Caire
(Photo : AFP)

« L’Egypte prendra les mesures à même de garantir son existence et sa sécurité hydrique en accord avec la Charte des Nations-Unies », a affirmé le ministère des Affaires étrangères dans une lettre adressée le 1er septembre au Conseil de sécurité des Nations-Unies dénonçant les comportements unilatéraux de l’Ethiopie et les déclarations de ses responsables. Il s’agit de la troisième lettre envoyée par l’Egypte au Conseil de sécurité sur le même sujet.

Dans cette lettre, le ministre des Affaires étrangères, de l’Emigration et des Expatriés égyptiens, Badr Abdelatty, réaffirme le rejet sans équivoque « des politiques éthiopiennes qui violent de manière flagrante les normes et les principes du droit international, ainsi que les termes de la Déclaration de principes de 2015 et du communiqué du Conseil de sécurité du 15 septembre 2021 ».

L’Egypte a critiqué les déclarations du premier ministre éthiopien concernant la saisie d’une quantité de l’eau du Nil bleu cette année et l’achèvement de la construction du barrage éthiopien, les qualifiant d’« inacceptables ». « Les déclarations d’Abiy Ahmed sont une continuation de l’approche déconcertante de l’Ethiopie envers ses voisins, elles menacent la stabilité de la région », a souligné la lettre de l’Egypte.

Interrogé par l’Hebdo, Mohamed Mahran, professeur de droit international et secrétaire général du Comité international pour la défense des ressources en eau, explique que par cette lettre envoyée au Conseil de sécurité, « l’Egypte réaffirme son refus de la politique éthiopienne du fait accompli et met à nouveau la communauté internationale face à ses responsabilités après l’échec des négociations avec Addis-Abeba ».

Mahran fait remarquer que contrairement aux deux précédentes lettres présentées par l’Egypte à l’ONU, celle de cette semaine annonce explicitement la fin du processus de négociation après 13 ans et affirme que le statu quo a atteint un stade critique qui nécessite une intervention internationale de manière urgente. Théoriquement, le Conseil de sécurité dispose de grands pouvoirs en vertu du chapitre sept de la Charte des Nations-Unies, lui permettant d’imposer de sanctions, mais « il faut une volonté politique de la part des Etats membres pour agir contre les violations éthiopiennes », explique-t-il. Et d’ajouter : « L’Egypte dispose de plusieurs cartes pour faire pression sur l’Ethiopie : intensifier les efforts diplomatiques dans les instances internationales, recourir à l’Assemblée générale des Nations-Unies et à la Cour internationale de justice … L’Egypte peut également recourir à l’arbitrage, mais cette mesure est conditionnée par l’approbation de l’Ethiopie. L’Egypte a également le droit légitime de se défendre conformément à l’article 51 de la Charte des Nations-Unies ».

L’expert hydrique Nader Noureddine souligne que l’Egypte s’est adressée au Conseil de sécurité en 2020 avec le Soudan. A cette époque, le Conseil de sécurité avait demandé à l’Union Africaine (UA) d’intervenir pour trouver des solutions dans un délai de six mois. Cela n’a pas été le cas. « Le dossier du barrage est donc ouvert devant l’ONU et l’UA doit fournir des informations au Conseil de sécurité sur les raisons de l’échec des négociations », explique-t-il.

La lettre de l’Egypte répond aux allégations éthiopiennes liées à l’accord de défense commune entre l’Egypte et la Somalie en vertu duquel l’Egypte a envoyé des forces en Somalie. L’Ethiopie avait accusé dans un communiqué l’Egypte et la Somalie de « créer des troubles dans la région ». « La Somalie est un pays arabe et il existe un accord de défense commune entre tous les pays arabes. L’Egypte protège également sa sécurité nationale, puisque cette région donne sur la mer Rouge qui mène vers le Canal de Suez », explique-t-il.

L’Ethiopie poursuit le remplissage du barrage

Une récente image satellite prise le 31 août révèle que l’Ethiopie poursuit le cinquième remplissage du barrage de la Renaissance après la fermeture des vannes supérieures de l’évacuateur. « Cela signifie que ce remplissage ne s’arrêtera pas », affirme l’expert.

Le barrage éthiopien possède 6 vannes. En cas de fortes crues, elles permettent de drainer l’eau. Sinon, le fonctionnement des turbines garantit le passage de l’eau vers les pays en aval. « D’où l’importance de l’accord avec l’Ethiopie réclamé par les pays en aval. Celui-ci permettrait le fonctionnement du plus grand nombre de turbines, soit 13 turbines, pour obtenir la même quantité d’eau qu’avant la construction du barrage. Un engagement que l’Ethiopie refuse d’accepter », explique Noureddine.

Pour sa part, Mahran affirme que l’Egypte est confrontée à une phase critique qui nécessite une grande vigilance, appelant la communauté internationale à comprendre que la stabilité de l’ensemble de la région dépend de l’issue de cette crise. « L’Egypte doit continuer à s’activer sur tous les fronts pour protéger ses droits », souligne-t-il.

Et de conclure : « La crise du barrage de la Renaissance met en avant le besoin urgent de développer des mécanismes plus efficaces pour résoudre les différends internationaux relatifs à l’eau et garantir une utilisation juste et durable des ressources hydriques partagées ».

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