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Enseignement pré-universitaire : L’indispensable réforme

Chaïmaa Abdel-Hamid, Mercredi, 21 août 2024

Le ministère de l’Education et de l’Enseignement technique a annoncé cette semaine une refonte totale de l’enseignement pré-universitaire. Retour sur les grandes lignes de cette réforme au coeur d’un vif débat.

Enseignement pré-universitaire : L’indispensable réforme

A un mois de la rentrée scolaire, le ministre de l’Education et de l’Enseignement technique, Mohamed Abdellatif, qui vient de prendre en charge le ministère, a surpris les élèves, les parents et même les professeurs en apportant des changements radicaux à l’enseignement pré-universitaire. Depuis l’annonce de ces modifications, un grand débat s’est installé sur les réseaux sociaux et parmi les spécialistes de l’enseignement sur la viabilité de cette réforme.

Lors d’une conférence de presse mercredi 14 août, le ministre a souligné les défis auxquels est confronté le secteur pré-universitaire qui, selon lui, tournent autour de quatre axes, à savoir un enseignement secondaire inadapté, des classes encombrées, un manque de professeurs et un taux élevé d’absentéisme scolaire. Ainsi, la réforme proposée a pour principal objectif de remédier à ces problèmes.

En ce qui concerne l’enseignement secondaire, le ministre a annoncé une série de mesures importantes dont la fusion de plusieurs matières comme la chimie et la physique qui formeront désormais une seule matière scientifique destinée aux élèves de la première année secondaire.

Le ministre a également décidé que, désormais, la réussite dans la deuxième langue étrangère sera obligatoire pour l’admission aux examens mais la note ne sera pas comptabilisée dans le pourcentage total obtenu par l’élève.

L’enseignement de la géographie sera annulé pour les élèves de la première secondaire et sera désormais réservé aux élèves de la section des lettres à partir de la deuxième année secondaire.

Ainsi, le nombre des matières dont les résultats compteront pour le pourcentage de notes finales en première année secondaire passe de 10 à 6.

Dans la section des sciences, les notes de géologie, de sciences de l’environnement et de la deuxième langue étrangère ne seront pas comprises dans le pourcentage total des notes obtenu par l’élève. Pour ce qui est des élèves de la section des lettres, la même règle s’applique pour la deuxième langue étrangère et la psychologie.

De même, les étudiants de la troisième année secondaire auront 5 matières au lieu de 7. Dans la section des sciences, les notes de la géologie ne compteront plus pour le pourcentage final. Même chose pour les mathématiques appliquées pour la section des maths, et la psychologie pour la section des lettres. La deuxième langue étrangère sera pareillement traitée pour les trois branches. La programmation informatique sera une matière obligatoire pour tous les élèves, a ajouté le ministre.

Shadi Zalta, porte-parole du ministère de l’Education et de l’Enseignement technique, a expliqué les raisons pour lesquelles la deuxième langue étrangère ne comptera plus pour le pourcentage final des notes, soulignant que le ministère travaille sur « la maîtrise de la première langue étrangère par les étudiants ». En résumé, le ministère préfère concentrer les efforts sur la première langue étrangère plutôt que de disperser les efforts des élèves sur deux langues et à la fin ils ne maîtriseront aucune des deux.

Combler le déficit d’enseignants

Concernant le manque de professeurs, le ministre a affirmé que le déficit dans le nombre des enseignants tourne autour de 400 000. Raison pour laquelle 30 000 nouveaux professeurs seront engagés par le ministère. D’autre part, l’âge de la retraite sera prolongé pour les enseignants en service. Enfin, 50 000 enseignants travailleront en vertu d’un système de contrats. Le ministre a également proposé que le service public qui doit être accompli par les jeunes après l’obtention de leur diplôme universitaire soit accompli dans les écoles.

En ce qui concerne l’encombrement des classes, le ministre a souligné que « certaines classes en Egypte comptent plus de 200 élèves ; la réduction de cette densité est un défi de taille pour le ministère ». Et d’ajouter : « L’Egypte a besoin de 250 000 nouvelles classes ». Pour remédier à ce problème, le ministre a expliqué que désormais, les établissements scolaires se serviront des espaces non utilisés comme classes et que certains étudiants des écoles préparatoires seront déplacés dans les écoles secondaires pour vider des classes.

Abdellatif a également fait savoir que le ministère fera fermement face à l’absentéisme scolaire. Le plan du ministère prévoit d’attribuer 40 % des notes de l’élève à la présence, la ponctualité, la conduite et les examens mensuels.

L’expert en pédagogie Kamal Mogheeth s’insurge contre la nouvelle réforme. Sur son compte Facebook, il critique ce qu’il appelle les décisions « hâtives et non étudiées » du ministère de l’Education. « Pourquoi bouleverser tout un système à quelques semaines de la rentrée ? », s’interroge-t-il.

Selon lui, il y a un « manque de transparence » concernant le sort des professeurs des matières qui ont été annulées dans certaines classes. « Quelle est la logique derrière l’annulation de matières aussi importantes que la philosophie et la psychologie, alors que certaines facultés exigent l’acquisition de connaissances dans ces deux matières pour les élèves qui souhaitent s’y inscrire ? », demande Mogheeth.

Décisions courageuses

Adoptant une vision différente, Hassan Shehata, professeur à l’Université de Aïn-Chams, considère que ces décisions découlent de la réalité des problèmes de l’enseignement pré-universitaire en Egypte. « Les décisions prises par le nouveau ministre sont courageuses, et pour la première fois un ministre propose des solutions claires et une vision transparente pour relever les défis, se servant surtout, comme on l’a vu lors de la conférence de presse, de spécialistes dans chaque branche de l’enseignement pour s’exprimer sur les problèmes qui entravent l’enseignement pré-universitaire en Egypte », explique-t-il.

Shehata poursuit : « Le plan du ministre consiste à éliminer ce que l’on appelle l’excellence imaginaire car les notes obtenues par l’élève reflètent sa capacité à mémoriser et non son aptitude scientifique. Nous avons besoin de programmes fonctionnels adaptés au marché du travail qui doivent être dispensés à travers un enseignement attrayant pour les étudiants afin que le maximum d’avantages puisse être tiré des programmes éducatifs », affirme Shehata.

L’expert souligne également que les nouvelles décisions contribuent à la baisse, voire à l’élimination significative des cours particuliers, notamment au cycle secondaire où la physique, la chimie et la biologie ont fusionné en une seule matière appelée « sciences intégrées ». « Le nouveau système sera attaqué par la majorité des professeurs des cours et centres privés. Mais en réalité, il réduira le fardeau financier qui pèse sur les parents et sur les élèves aussi », explique Shehata.

Sur la même voie, Tamer Shawqi, professeur à l’Université de Aïn-Chams, souligne que la réduction du nombre de matières est un pas positif à plusieurs égards, car cela allège le fardeau qui pèse sur les élèves et les parents. Ceci est cohérent avec les évolutions mondiales en matière d’éducation qui mettent l’accent sur « la qualité de l’apprentissage et non sur la quantité ». « L’élève peut étudier 10 matières et à la fin ne rien comprendre. Pour le professeur et l’élève, l’essentiel est de terminer le programme avant de passer les examens. Cependant, le nouveau système repose sur l’étude de 6 matières avec une concentration plus grande, ce qui est positif pour le processus éducatif », affirme Shawqi.

Il explique qu’aucune matière n’a été annulée. « Ce qui s’est passé, c’est que la psychologie sera enseignée en première et en deuxième années secondaires. En troisième année, elle sera également enseignée, mais ses résultats ne compteront pas dans le pourcentage final de notes. Pour ce qui est de la philosophie, elle sera enseignée en première année secondaire, mais pas en deuxième et en troisième années. Donc, aucune matière n’a été supprimée ; le cursus a été simplement allégé et réparti de manière pratique sur toutes les années d’études », ajoute Shawqi.

Pur conclure, il explique qu’il ne fait aucun doute que le système éducatif pré-universitaire avait besoin d’un changement radical : « Nous sommes face à une nouvelle expérience, dont l’efficacité ne peut être mesurée qu’à travers sa mise en oeuvre. L’essentiel, c’est d’assurer la bonne application de ce plan et d’éviter de nouveaux gaspillages d’énergie et d’argent comme cela a été le cas par le passé ».

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